Je profite du cadeau de Martin pour la Saint-Valentin pour tenter une petite évaluation de mes coups de coeur car, à me relire, on a un peu l'impression que c'est tout d'la balle ce que je lis, alors qu'en fait il y a quelques différences dans mon taux d'amour. Si certains s'offusquent de cette "notation", qu'ils me le disent et aillent en stage à la Fistinière. En plus, ça va mettre un peu de couleur, artificiellement certes, mais voir phrase précédente.
Ainsi :

: chef d'oeuvre du genre (ouais, du genre, parce que sinon, y aurait quasi aucun bouquin commenté ici, à part "le bruit et la fureur" ou "guère épais" avec ce niveau)

: très bon, beaucoup de plaisir et/ou sacrément bien foutu et/ou intelligent

: passe très bien, surtout avec une petite bière
[Marc Lévy] : daube et/ou boursoufflé et/ou franchement surestimé, etc.
Or donc,
Le léopard, de Jo Nesbo ; polar-frileur tendance nordico-africano-hong-kongaise sacrément jouissif ; 760 p (quand même).
Eh oui, Harry Hole et son aventure sont, à mon sens, un sommet du genre frileur qui en compte très peu, genre que je n'aime pas généralement, parfois fortement rétrograde et conservateur dans les idées, souvent mauvais dans le style et artificiellement boursoufflés en effets spéciaux. Bref. Mais là, non. Je me suis fait totalement avoir, le style est fluide (c'est pas du Yourcenar malgré tout), ça se lit tout seul et il n'y a aucun temps mort, malgré la taille du pavé. Harry Hole est en cure intensive d'opium à Hong-Kong après sa démission quand son ancien patron le fait chercher, bien obligé, pour cause de meurtre multiples atroces en Norvège. L'intrigue contemporaine va chercher ses racines dans les vanités du passé, dont les évènements ont sacrément déterioré l'état psychique de pas mal de personnages. L'intrigue, menée à l'instinct par Harry, sans partir toutefois trop loin des justifications rationnelles, nous balade dans le froid des montagnes du nord de la Norvège, dans les campagnes peuplées de familles bornées dont l'éducation destructrice est source de désastres, en Afrique même, blindée de richesses, de guerres civiles et des atrocités inévitablement associées.
C'est mené de main de maître, c'est le meilleur frileur que j'ai pu lire (et j'en ai lu au moins 3).
Saturne, de Serge Quadruppani (traducteur de Camilleri, De Cataldo, Lucarelli...) ; polar politique franco-italien sur fond d'affairisme ; 260 p.
Polar politique engagé sans trop de didactisme mais où la manipulation des peurs populaires par les droites occidentales est bien mise en scène comme il faut. Une tuerie dans une station balnéaire élitiste est attribuée très hâtivement à Al Qaïda, malheureusement quelques preuves viennent vite mettre ce scénario en pièce. Les autorités, rassurez-vous, vont vite réagir pour remettre de l'ordre dans leurs projets politiques. Un poil compliqué dans les 5 premières pages, tout le reste est absolument excellent. Un bon polar à la française dans un contexte essentiellement italien, il ne faut juste pas être allergique.
Le châtiment des flèches, de Fabien Clavel ; fantasy équestre proche de l'Histoire mâtinée de chamanisme à la mode hongroise en l'an mil ; 350 p.
La fantasy, ça faisait longtemps. Le contexte de ce roman très correctement écrit et construit par son auteur nous emmène parmi les peuples nomades du pays Magyar (prononcer 'madiar'), proches des anciens peuples avars et huns, dont les guerriers sont des archés montés, couverts de cuir et de poil de bête, sentant sous les aisselles et suivant des rites religieux au paganisme marqué. De l'autre côté, celui qui dirige ces peuples barbares se fait peu à peu, à la suite de son père, embrigader par le très chrétien duché de Bavière, patrie de sa femme. Sa volonté d'hégémonie sur les peuples afin de former un véritable royaume, empire même, magyar, animé par la foi en le Dieu Unique et blafard, va se heurter au droit et aux pouvoirs ancestraux qui, à travers les cousins et oncles du tyran, ligueront leurs forces pour lui pourrir la vie. Il y a un vrai souffle et on prend pas mal de plaisir à suivre ces luttes et ces destins dans ce contexte très original. Franchement pas mal.
Dans le prochain épisode, du mexicain, et peut-être de l'australien et du cubain.