Je viens à l'instant d'écouter le débat qui, au passage, mériterait et nécessiterait plus qu'un quart d'heure. Comme vous, j'ai trouvé les deux interlocuteurs trop schématique dans leur pensée (en même temps, pour une discussion de quelques minutes, mieux vaut aller droit au but,
Allez l'OM !). Brohm, pour lequel le processus aliénant est consubstantiel au football ("appareil idéologiques d'Etat"), a trop extrapolé à mon goût en ressortant des exemples trop sensationnalistes (l'image de la secte, l'exemple de la prostitution sont maladroits). Boniface a quand à lui été plus percutant dans ces exemples... quoiqu'un peu éculés tout de même car ce sont les mêmes qu'ils ressort à chaque contribution, ou intervention :
P. Boniface (& C. Bromberger) dans un billet du Monde daté du 25/06/02 a écrit:
Condamner en bloc le foot, à cause de ses excès, c'est revenir à condamner la démocratie parce que certains élus peuvent se révéler corrompus, à renoncer au débat parce qu'il est source d'opposition, à interdire la sociologie parce que certains sociologues disent des âneries, etc. Et afficher un tel dédain pour les passions et les formes de sociabilité populaires, pour les émotions collectives qui rompent l'ordinaire, pour la fête ou pour le carnaval, voilà un bien sinistre programme. Au mépris du peuple se conjoint le dégoût des manifestations de joie. Ne reste-t-il plus alors qu'à confier le destin de ces "meutes" ignorantes et "mystifiées" à quelque guide éclairé qui saura leur montrer le droit chemin ?
En revanche, il a dit une chose à mon avis juste sur la théorie brohmienne. En effet, bien qu'il soit fondamental dans la compréhension de la question sportive, le courant brohmien se complaît trop dans un raisonnement néo-marxiste à partir duquel ils envisagent le sport uniquement en terme de désagrégation sociale, de dépolitisation sociale, de chloroformisation des consciences, et d'insconscient social. De fait, en fronçant les sourcils en entendant parler du dernier match, Brohm et ses épigones oublient que le football est malgré tout un lieu de sociabilité populaire et pas seulement un "espace qui châtre les masses et détourne leur énergie révolutionnaire" (E. Galeano).
Et pour revenir sur la notion d'
opium du peuple, dont l'acception moderne a été dévoyée de son sens originel, je dirai qu'il est assez cocasse de remarquer que la théorie critique s'oppose au sport comme il a dénoncé jadis la religion en omettant de souligner la dimension fondatrice de quelconques communautés.