jesperolsen a écrit:
Oui, je vois ce que tu veux dire.
Mais je pense que Art Spiegelman n'a pas été le premier à aborder la politique dans ses oeuvres. Il a peut-être été le premier à centrer son travail sur cet aspect, et encore, ça se discute.
Et sur le traitement médiatique de la BD sérieuse ... Tu penses pas que la génération des trentenaires-quarantenaires qui a toujours lu des BD y est pour beaucoup ? Ce constat est général.
Il y a de moins en moins de personnes (même si il semble qu'il y ait au moins -K-) qui opposent BD et littérature, ou BD et art, faisant de la BD une sous-référence.
Mais bon, encore une fois, je ne connais pas Joe Sacco.
Je voudrais pas exprimer de parano particulière mais je doute que la bd soit prise au sérieux, je veux dire par là qu'il est évident que certains illustrateurs ou scénaristes de bd (et ils sont de plus en plus nombreux heureusement) sont respectés mais le langage et les possibilités théoriquement infinies de la bd en temps que mode d'expression ne le sont pas tant que ça.
Par exemple dans le milieu de l'art la bd est loin d'être prise au sérieux, ça tient à plusieurs facteurs qui s'expliquent plus ou moins bien mais va dire à ton prof des beaux arts que tu veux faire de la bd, il risque fort de te prendre pour un con ou au moins de pas comprendre pourquoi.
Dans l'inconscient des gens la bd est la forme d'art qui est perçue probablement le plus clairement, lorsque quelqu'un ne pige pas une bd il va avoir tendance à se dire qu'elle est mal foutue, que c'est de la faute de l'auteur alors que si la même personne ne "comprend" pas une peinture contemporaine il va plutôt se dire qu'il n'a pas la culture pour le faire il va se remettre en question et rarement remettre en question l'artiste.
Quelque part dans cet exemple s'il est pertinent (il est pas de moi) on peut constater que c'est une forme d'expression tellement accessible pour un peu tout le monde que certaines fois ça la dessert presque.
Lorsque c'est bien et impressionant c'est la force de quelqu'un de très doué qui fait un travail remarquable mais en BD (je dirais pas malgrès la bd parce que c'est trop fort mais l'idée c'est un petit peu ça).
Alors evidemment vu la maxi dose de sombres daubes que la bd génère on peut constater qu'il y a de quoi conforter ce genre de prêt à penser mais le nombre ahurissant de daubes en proportion on retrouve sensiblement le même avec le cinéma, pourtant le cinéma c'est une forme d'expression que très peu de personnes vont prendre de haut dans sa nature, même de façon inconsciente.
Bon j'ai ressorti un peu beaucoup ce que j'ai lu dans le bouquin sur Chris Ware mais je suis plutôt d'accord avec lui.
Je cite un passage du bouquin tiens d'ailleurs tant qu'on y est:
Chris Ware a écrit:
"La tactilité d'une expérience racontée en images par delà les frontières de la langue et le rythme qu'acquiert la succession des cases dans la lecture, c'est là que réside l'art véritable. [...] C'est un art de la composition pure, soigneusement construite comme la musique, mais structurée comme une architecture, par le découpage de chaque page, que vient animer et interpréter le lecteur, telle une partition en couleur qui attend d'être lue.
[...] Contrairement à la prose, l'étrange processus qui consiste à écrire en images permet aux associations et aux réminiscences de s'accumuler littéralement sous les yeux du lecteur; des gens, des lieux, des événements apparaissent comme sortis de nulle part. Des portes s'ouvrent sur des pièces de l'enfance, des visages prennent les traits de parents disparus, de lointains amours surgissent, comme par magie, sur la page - images toutes plus fuyantes qu'il n'y paraît -, viscérales, et dont la combinaison est parfois révélatrice. Cette caractéristique étonnante, presque onirique est propre à ce médium.
[...] Si l'écriture et la lecture traditionnelles induisent une espèce d'aveuglement temporaire, la bd se lit les yeux mi-clos, substituant à l'ambiguïté des mots la certitude simulée des images.
Cette envolée de compliments ne change rien au fait que la bd est aussi merveilleusement vulgaire et crue, résistant à l'excès de fioritures ou de sentimentalisme. Elle a toujours fait appel au désir de voir et de voir des choses vraiment sales.
[...]
La BD n'est pas un genre mais un langage en plein developpement et malgrès l'extraordinaire difficulté de la discipline, l'intense labeur qu'elle exige et la pâle rétribution qu'elle génère, la véritable récompense de cette forme bâtarde entre dessin et écriture, telle une vision musicale, purement subjective, prenant vie sur le papier , est à découvrir, je l'espère, dans la séléction présentée ici"
(oui parce que c'est un extrait de l'introduction d'un album pour lequel il a compilé une selection de travaux de divers artistes, donc après forcement il y a des bd à lire sauf que là non)
Enfin bref j'en ai marre de taper là du coup mais tout ça pour dire qu'à mon sens il y a du chemin à faire encore avant que personne n'ai plus besoin de se justifier ou de convaincre quelqu'un du bien fondé de son amour pour la BD, ça va pas de soi et la grande majorité de ceux qui la commente dans les média la maltraite sans même s'en rendre compte, parce qu'ils ignorent de quoi ils parlent vraiment, ils focalisent sur le sujet comme dans le cas de Joe Sacco par exemple.
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« Les capitalistes nous vendront la corde avec laquelle nous les pendrons. »Влади́мир Ильи́ч Улья́нов
This is such a mind fuck.