le retour de le Natza a écrit:
Macron n'a rien fait d'anticonstitutionnel d'un point de vue de la règle. Et pourtant ...
Je rajouterais qu'il n'y a pas besoin, les institutions en l'état suffisent à confisquer la démocratie.
La Vème, depuis qu'elle n'existe plus complètement, c'est à dire depuis 1962 (lire les excellents travaux des constitutionnalistes qui se sont penchés sur le sujet depuis une cinquantaine d'années) porte en elle les germes d'un pouvoir autoritaire parce qu'il a été jugé utile par de Gaulle suite aux attentats contre sa personne et dans le contexte des tentatives de coups d'états d'extreme-droite contre la République, que pour maintenir celle-ci, il fallait un "surhomme" en tant que président, c'est à dire quelqu'un avec plus de pouvoir dans ses mains qu'aucun autre chef d'état démocratique (ça encore, c'est documenté, le chef de l'Etat en France possède sur "son" état, bien plus de pouvoir qu'aucun autre de ses homologues). Pour protéger la république, il fallait quelqu'un avec suffisamment de pouvoir pour l'étouffer, étant sous-entendu que ce pouvoir ne devait être utilisé que dans l'intérêt de la République (d'où l'article 16 qui autorise à abolir les liberté individuelles pour mieux les préserver, ceci dit sans ironie aucune).
Et la frontière avec la tyranie pour les fans de philosophie politique, elle reposait dans le fait que les titulaires de ce pouvoir depuis 1962, à commencer par de Gaulle ont mis l'Etat et la démocratie au dessus de tout, y compris de leurs intérêts personnels ; quand il y avait le choix entre la démocratie et perdre la face, ils ont tous choisi la démocratie, même si ce fut parfois difficile. C'est Hollande qui fait du Hollande, c'est Sarko bio préfère détricoter lui-même sa réforme principale la loi TEPA, c'est Chirac qui renonce au CPE et à Villepin en même temps, c'est Mitterrand qui laisse Balladur agir ou qui, s'il refuse les ordonnances de Chirac, les laisse passer au Parlement, c'est Giscard qui prend des mesures sociétales contre son camp, c'est Pompidou qui renonce à sa réforme des institutions, c'est de Gaulle qui part.
Tant que ces pouvoirs étaient dans les mains de gens qui avaient le sens des responsabilités, ça tenait. Là, la nouveauté, c'est que celui qui détient ces pouvoirs ne l'a pas, ce sens des responsabilités et est prêt à toutes les interprétations de la Constitution, juste par ego. Chirac était critiqué pour son opportunisme et son manque de convictions, mais les manœuvres des derniers mois, que Natza décrit très bien, ni lui, ni aucun autre ne se serait abaissé à ça.
Ce n'est pas la première fois qu'un président viole la Constitution, de Gaulle a été le premier, justement avec la réforme constitutionnelle de 1962, mais jamais ça n'avait été au point d'Emmanuel Macron qui pousse le texte dans ses retranchements, par pur intérêt personnel. La Cinquième République ne tiendra que tant que la personne à la présidence veut bien jouer le jeu de la démocratie. A la minute où ce sera plus le cas, la bascule peut être rapide et tout à fait légale et constitutionnelle.
Les historiens remonteront même le cas de la Constitution de l'empire Napoléonien qui, dans les textes était une République dont le Gouvernement était "confié à un Empereur" (titre I, article I) qui montre que ça peut aller très vite.
Quelqu'un comme Sarkozy était dangereux politiquement, par ses idées, son affairisme, son extrémisme. Mais Macron, ce n'est pas politiquement qu'il est dangereux, c'est pour la République et ses valeurs.