Samba : "c'est moi qui ai déconné"Perçu comme un espoir à son arrivée à l'OM en 2013, le gardien caennais, héros des tours précédents, s'est égaré. Mais explique avoir retenu les leçons.
Au fil de ses prestations en coupes, il est devenu l'un des chouchous du public caennais. Gardien numéro 2 derrière Rémy Vercoutre, Brice Samba découvre la lumière. Espoir du foot français à seize ans, perçu comme le successeur de Steve Mandanda à l'OM, l'ex-Havrais (23 ans) a traversé des années dans l'ombre. Dans cet entretien, Samba revient sur son parcours, en n'éludant pas ses «conneries». Et affirme ses objectifs, toujours élevés.
[b]«Quand on voit Monaco encaisser sept buts face au PSG (1-7, dimanche), est-ce qu'on a peur d'en prendre douze ?
(Rires.) On n'a pas attendu le match de Monaco pour connaître la force de frappe de Paris. Je ne ressens pas de la crainte mais plus de l'excitation.
Qu'est-ce qui peut vous faire dire que Caen peut battre ce PSG-là ?
La semaine dernière. Qui aurait parié que Marseille renverserait Leipzig de cette manière, qui aurait pensé que le Barça perdrait 3-0 à Rome ? Personne. On joue chez nous, avec de la ferveur... Techniquement, c'est impossible de lutter. Faudra surfer sur l'engouement, se dédoubler (rires).
Des supporters de Caen préconisent une solution : dix joueurs derrière, on attend la séance des tirs au but que Samba nous qualifie...
J'en ai arrêté plusieurs contre Le Canet(1-1, 4-3 aux t.a.b.), Metz(2-2, 3-2 aux t.a.b.) mais moi, je paierais pour m'arrêter à la 90e et passer. Subir trente minutes contre Paris, ouah, c'est trop compliqué. C'est impossible d'arrêter quatre tirs au but à chaque fois, j'étais touché par la grâce de Dieu ce jour-là contre Metz (rires).
Vous étiez destiné à un haut niveau au moment de votre signature à l'OM à dix-huit ans (en 2013). Votre entraîneur actuel, Patrice Garande, expliquait cet hiver à votre sujet : "Il n'y a aucun club qui va vous dire que ce n'est pas un gardien qui a de très grosses qualités (...). Mais s'il ne joue pas en L 1, c'est qu'il y a forcément un problème." C'est quoi le problème ?
Je pense que certains arrivent à maturité plus tard que d'autres. Et ceux qui me connaissent savent que jusqu'à peu j'étais un enfant. Mon problème, il était mental. J'ai fait des conneries dans ma vie, à Nancy par exemple (*), qui m'ont pénalisé. Quand tu signes pro à seize ans, que deux ans plus tard tu signes à l'OM, et qu'en jeunes, ça dit "Brice, Brice, Brice", à un moment, tu tombes dans une certaine facilité. On ne va pas se voiler la face, je n'ai pas bossé. T'as dix-huit ans, tu touches de gros salaires, tu vis seul, faut être fort mentalement pour ne pas partir en vrille.
Personne n'a essayé de vous recadrer ? Vous avez eu des coéquipiers et entraîneurs à forte personnalité à l'OM.
Marcelo Bielsa, un coach avec lequel j'ai énormément appris, ce n'est pas sa méthode de venir te voir pour ça. Souleymane Diawara me parlait beaucoup. Élie Baup, Franck Passi m'ont parlé. Mais peut-être qu'il fallait que je me teste.
À l'OM, la comparaison avec Steve Mandanda a-t-elle été lourde à porter ?
Honnêtement, non. Steve, quand je suis arrivé à l'OM, je le connaissais, et pourtant ça n'a pas été aussi simple qu'on le pense. Les gens me disent : "Steve t'a aidé." Mais Steve, il était froid, il ne m'a pas aidé. J'ai du respect pour lui, sa carrière, mais il faut être clair par rapport à ça.
A posteriori, n'auriez-vous pas dû quitter l'OM plus tôt ?
Non, j'y ai beaucoup appris. Je me suis endormi et je n'ai plus bossé. Et quand, l'année dernière, il n'y a plus Steve et que tu ne joues pas... Il y a eu un moment capital : au moment de l'arrivée de Rudi Garcia, un match contre Clermont (le 26 octobre, 2-1). Je pars en conférence de presse, en pensant jouer. Au final, je ne joue pas. Je n'étais pas loin de craquer. Stéphane Cassard (entraîneur des gardiens), un homme extraordinaire, m'a beaucoup parlé, aidé. Il te faut des coups durs pour passer un cap mental, ç'a été celui-là.
Il y avait eu l'échec à Nancy en 2015 avant...
À Nancy, je me suis vu trop beau. Je me suis dit : je viens de Marseille, forcément, je vais jouer. C'est un raisonnement totalement con. J'aurais aimé être plus mature à l'époque.
Percevez-vous ce parcours en Coupe de France comme une manière de dire : "O.K. je suis encore là" ?
Je ne le perçois pas comme une revanche, parce que c'est moi qui ai déconné. Ce n'est pas comme si on m'avait mis des bâtons dans les roues. Je veux montrer que ce que les coaches disaient de moi il y a sept, huit ans était vrai.
Vous imaginez-vous encore numéro 1 dans un très bon club à moyen terme ?
Oui, j'y crois. Je ne suis pas un gardien lambda. Les personnes le percevront comme de l'arrogance, mais ce n'en est pas. Si je vous le dis, c'est que j'y crois, et je crois en mon Dieu. Ça n'engage que moi.»
(*) Il avait été impliqué dans un accident de la route, sous l'emprise de l'alcool.