La réaction de Marc Batta, responsable de la DNA :
Propos recueillis pas MICHAEL BALCAEN De Sports.fr Marc Batta, responsable de la Direction Nationale de l'Arbitrage, revient sur les soucis rencontrés par les arbitres de Ligue 1 en ce début de saison. S'il ne nie pas que des erreurs aient pu être commises, l'ancien arbitre s'insurge contre les "propos inacceptables" tenus par certains entraîneurs et dirigeants en marge de la 10e journée. Il prône néanmoins l'apaisement et propose une journée de travail en commun pour "mieux se comprendre".
Marc Batta prône l'uniformité des décisions.
Comment analysez-vous les prestations des arbitres français en ce début de saison de Ligue 1?
Cette saison, nous avions trois axes de travail: lutter contre la perte de temps, la protection des stratèges et la gestion des surfaces. On savait que ce dernier thème serait sujet à polémique car ces décisions entraînent la modification des résultats. Mais par rapport aux saisons précédentes, il y avait un besoin urgent de permettre aux attaquants de s'exprimer. On s'est rendu compte qu'en France, il est difficile de faire appliquer une loi et de faire changer les mentalités. Il y a eu, c'est vrai, certains manquements dus à un manque d'uniformité et de discernement.
Vous acceptez donc l'idée qu'il y ait effectivement eu des erreurs ?
On ne peut pas nier ce qui est réel! Ce qui est regrettable en revanche, c'est de créer des polémiques lorsque cela n'a pas lieu d'être. Le week-end dernier, il y a eu notamment une expulsion et un penalty qui ont été sujet à polémiques alors que les images nous donnaient clairement raison. Là, cette démarche n'est plus correcte.
"J'ai parlé à Antonetti"
Comment réagissez-vous aux propos de Frédéric Antonetti notamment qui mettait en cause gravement le corps arbitral ?
J'en ai discuté directement avec lui et je lui ai dit que je ne pouvais pas accepter ses propos. Je sais que le coeur et la passion ont parlé, mais ce sont des propos qui ne sont pas acceptables.
Et lorsque Rousselot parle "d'arbitrage à la con" ?
Franchement, je ne comprends pas. C'est une équipe qui réalise une saison exemplaire, qui réalise un parcours en UEFA dont le football français peut être fier avec l'élimination de Schalke. Cette équipe gagne sur le terrain et il y a un égarement après l'expulsion d'un joueur. S'il y a parfois des décisions difficiles à comprendre, certains propos le sont également.
Quels sont les moyens de défense mis à votre disposition dans ce cas ?
Les personnes concernées seront convoquées devant la Commission d'éthique pour montrer qu'une limite a été atteinte. Comme les équipes, on essaye d'avancer, on utilise la vidéo et on a également mis en place un partenariat avec la DTN et Aimé Jacquet. Ainsi Bruno Martini, René Girard ou Pierre Repellini sont venus nous parler du jeu. On accepte mieux ce que l'on comprend. L'étape suivante serait une journée de travail avec les 20 entraîneurs de Ligue 1.
La vidéo est-elle un plus ?
On travaille pour atteindre le niveau maximum afférent à la nature humaine. Les moyens télés sont mis en place pour qu'il y ait un spectacle chatoyant. C'est un plus indéniable qui se retourne quelque part contre le corps arbitral car avec 25 caméras, tous les gestes sont épiés. Ce serait bien que cela puisse aussi nous aider.
"Une sanction rétroactive"
Qu'entendez-vous par là ?
Dans un premier temps, lorsque les images nous sont favorables, il faudrait dire que les décisions sont justifiées. Ensuite, lorsqu'il y a une simulation, plutôt que se borner à dire qu'il s'agit d'une erreur de l'arbitre, revenir sur le détournement de la loi et sanctionner en conséquence.
Parlez-vous de sanction rétroactive, d'arbitrage vidéo ?
De sanction rétroactive. Il s'agit d'aider l'arbitre quand c'est possible. Avant de parler d'arbitrage vidéo, on pourrait emboîter le pas de Michel Platini avec deux arbitres sur le terrain. Et puis, les propos de certains consultants sur l'arbitrage ne nous aident pas. Quand quelqu'un qui connaît très bien l'arbitrage parle sur le cas Hilton d'erreur d'arbitrage sans essayer d'expliquer que le placement de l'arbitre, le conglomérat de joueurs dans la surface font qu'il est impossible de voir que l'attaquant passe le bras autour du défenseur... Parfois, une simple explication peut éviter une grosse polémique.
Que pensez-vous des propos d'Olivier Thual lorsqu'il explique après l'expulsion de Bruno Cheyrou, que s'il ne donne pas le carton, il peut être sanctionné par son superviseur ?
Je me pose la question autrement: y a-t-il plus de pression d'un contrôleur ou de 25 caméras ? Marseille n'est pas devenu un grand club du jour au lendemain, Saint-Etienne non plus et Lyon a mis dix ans pour en arriver là où il est. On ne peut avoir une unité parfaite après seulement 10 journées de championnat.
"Je félicite nos arbitres"
Mais la notion d'uniformité des décisions existait déjà auparavant...
C'est un discours récurrent qui se retrouve également lors des grandes compétitions. J'ai fait la Coupe du monde 98 et c'était le cas, pareil à l'Euro 96 ou encore lors de la Coupe du monde 2006. Et c'est plus difficile encore dans les grandes compétitions puisque sur les cinq continents, le football est différent.
Pour en revenir aux soucis actuels, peut-on les imputer à un changement de génération avec notamment plusieurs départs à la retraite ?
Ce sont des arguments fallacieux. Nos jeunes arbitres ont la compétence mais l'expérience en moins. J'en profite pour féliciter nos arbitres et je les encourage à poursuivre la démarche dans laquelle ils sont inscrits. Avec davantage de discernement et d'uniformité, ce sera très bien.
Que pensez-vous de la volonté de boycott du SAFE (un des syndicats des arbitres) ?
Je ne m'arrête pas là-dessus mais plutôt sur la position du SAFE sur le protocole. Cette position est compréhensible et acceptable car elle est accompagnée de propos raisonnables. Il y a une volonté d'ouverture car c'est "provisoire"... Ce n'est pas un geste de confrontation.
_________________ Grand Voyant 2015-2016
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