Je crois que Karibou a aimé également. Du coup, un bouquin apprécié par vous trois me semble incontournable.
De mon côté, du noir, du pas mal et du très fort.
Bien connu des services de police, de Dominique Manotti (auteure des excellents L'honorable société (avec DOA), Lorraine connection et Nos fantastiques années fric) ; polar incorruptible sur la politique et sa manipulation des outils de services publiques ; 240 p.
Thème :
"Le commissariat de Panteuil, banlieue nord de Paris, incarnation de la «nouvelle politique de sécurité» du ministre de l'intérieur ? C'est en tout cas ce que souhaite sa commissaire en cet été 2005. Ce haut fonctionnaire de la police ne manque pas d'ambition : sa politique de maintien de l'ordre dans les quartiers, radicale, théorisée, doit servir les objectifs du ministre et, en passant, sa propre carrière. Ses hommes, sur le terrain, s'y emploient à leur manière. Ils font comme ils peuvent, donnent des gages à la hiérarchie, s'arrangent avec les faits, avec les statistiques, avec les règles - ils font le métier, quoi ! - dans un climat de tension, de violence et de mensonge, avec la population, avec les «jeunes», avec les autres. Noria Ghozali, commandant aux Renseignements généraux, observe avec intérêt la vie et les soubresauts de ce commissariat, et notamment les contacts qui sont noués - sans doute pour la bonne marche des enquêtes -, entre certains policiers et certains grands voyous. Et puis, soudain, des squats, peuplés de travailleurs immigrés, brûlent..."
Domnique Manotti s'est spécialisée dans la charge lourdement casquée contre les abus des puissants. Ici, le thème, c'est la manipulation de la Police par Sarkozy à des fins électoralistes. On connait tous la fin, l'idée était de montrer un des rouages qui lui a permis d'arriver à ses fins, égratignant durablement au passage un grand pan de notre Société et de sa cohésion. Ce bouquin n'est pas mauvais, mais c'est une déception. Manotti n'est cette fois-ci pas allée au bout de sa charge. Elle avait matière à tout faire péter au C4. Or ici, c'est plutôt d'un pétard mouillé qu'il s'agit. Pas le meilleur Manotti, même si j'apprécie toujours la louable volonté de dézinguer du politicard et du flic facho et corrompu (
ce qui a beaucoup plu à certains).
L'ivresse des dieux, de Laurent Martin ; tragédie noire dans la grisaille de Marne-la-vallée ; 231 p.
Thème ;
""Je me souviens vaguement de quelques cauchemars pleins de carnavals tristes et de chagrins radieux. Je m'éveille enfin à l'existence. Je suis fatigué, fiévreux. Un bruit sonne. Ma tête résonne. Je reconnais mon salon. J'ai dormi vautré sur le canapé. Je reconnais les trois bouteilles vides de vieux malt, l'album de photo, les paquets de lettres, qui jonchent le sol. Il y a comme une odeur. Le chien Médor s'est laissé aller à ses fonctions primaires. Il a pissé, chié, devant la porte. Il a agressé violemment la poubelle pour tenter de se nourrir. Moi aussi, je me suis laissé aller. Les toilettes, le lavabo sont arrosés de vomissures séchées. Tout l'appartement pue, et moi plus encore. Je mets un disque. Schubert, Franz. La Jeune Fille et la Mort. stance.""
La tragédie grecque tourne autour du "héros", dont l'action est cernée par le "choeur" et suivi à distance par la "choryphée" (j" résume). Ici le héros est un policier municipale de Marne-la-vallée, la riante cité sortie du cerveau dérangé de quelques politiciens et architectes. Le choeur est constitué des personnages périphériques qui contextualise l'histoire, et la coryphée offre un point de vue salutairement ironique sur le héro. Je n'ai pas envie de résumer ce livre (
certains l'ont fait brillamment), il est court, lisez-le, c'est tout. Il est exceptionnel.