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Mes excuses sieur Guigui. L'identité noire en voie d'affirmation en France- Cliquez ici pour faire apparaître le contenu caché
Existe-t-il une histoire des "noirs" de France ? Peut-on regrouper sous la même bannière les personnes issues des migrations d'outre-mer et africaines ? Un collectif de chercheurs, parmi lesquels des spécialistes reconnus de l'histoire de l'Afrique et de la période coloniale, a décidé de répondre par la positive à cette question sensible, en publiant, jeudi 3 novembre, un vaste ouvrage : La France noire (La Découverte, 59 €).
Publié sous la forme d'un beau livre illustré de plus de 350 pages de papier glacé, La France noire tente de retracer plus de "trois siècles de présence", "d'Afrique, des Caraïbes, de l'Océan indien et d'Océanie", de l'ancien régime à nos jours. Nourri par de nombreux documents inédits, l'ouvrage raconte une histoire à la fois politique et culturelle : de l'abolition de l'esclavage (1848) à l'arrivée d'Audrey Pulvar à la tête du journal de France 3.
La particularité du livre est de s'inscrire dans une démarche militante de sensibilisation du grand public. Une exposition itinérante sur ce que peut être l'histoire des "noirs" doit commencer à tourner partout en France à partir de décembre. Et, dès janvier 2012, une série de trois documentaires intitulée Noirs de France sera diffusée sur France 5.
L'historien Pascal Blanchard, chercheur au CNRS, a codirigé l'ouvrage. Pour lui, il existe bien une histoire "propre" aux noirs de France. Une histoire qui est attestée sous le règne de Louis XVI (1774-1793) avec la création d'une "police des noirs". Se poursuit à l'époque napoléonienne, lors de "l'ordonnance d'expulsion de tous les noirs de France". Et est aussi celle des intellectuels de la Négritude, jusqu'aux "renois" (noir en verlan) des banlieues, considère-t-il.
Cette approche historique est nouvelle en France. Elle s'inscrit dans la droite ligne des "Black Studies" anglo-saxonnes, ce mouvement universitaire né aux Etats-Unis dans les années 1960 lors de la lutte des noirs pour leurs droits civils. Les étudiants afro-américains pensaient alors que la défense de leurs intérêts passait aussi par l'étude historique de leurs propres racines et la création de départements de recherche spécialisés.
La France Noire revendique surtout sa filiation avec le travail d'un sociologue britannique : Paul Gilroy, membre de la London School of Economics. Auteur de The Black Atlantic (1993) et de Black Britain (2007), il est l'un des intellectuels outre-Manche qui a le plus contribué à l'affirmation d'une identité noire au Royaume-Uni.
Cependant, si un travail de recherche sur l'histoire "noire" s'imposait en France, estime M. Blanchard, ce n'est pas dans le sens d'une "revendication black". C'est surtout parce que, dans ce domaine, "la mémoire est allée plus vite que l'Histoire", pense-t-il. "Nos élites ont produit un "non-savoir". Il y a des mythes à briser des deux côtés."
Pour Pascal Blanchard, il faut ainsi rappeler, d'une part, que l'arrivée des noirs en France "n'est pas une immigration récente : ils sont là depuis le XVIIIe siècle !". De l'autre, il faudrait cesser d'affirmer, selon lui, que les "tirailleurs sénégalais ont servi davantage de chair à canon que les Bretons, les Corses ou les Occitans". Et d'ajouter : "Comme on n'avait pas confiance en eux, ils étaient sur l'arrière-front et ne se sont pas beaucoup battus."
De la même façon, l'historien considère que la "mémoire noire" a eu tendance à ne retenir que les figures qui lui convenaient. "Tout le monde a oublié par exemple l'histoire de Gratien Candace !", rappelle-t-il. Cet homme politique né en Guadeloupe avait rejoint le régime de Vichy pendant la seconde guerre mondiale et en était devenu l'un de ses principaux cadres.
M. Blanchard considère enfin que les générations issues des migrations africaines et d'outre-mer ont trop construit leur imaginaire historique sur "la souffrance et le malheur". Si, aujourd'hui, selon lui, l'acceptation des minorités visibles a atteint un de ses niveaux historiques "les plus bas", dans les années 1910-1920, "Paris était l'une des villes les plus libres au monde". C'était l'époque des clubs de jazz, de Joséphine Baker et du Congrès de la race nègre, en 1919... "A New York, à la même époque, un noir ne pouvait pas s'asseoir avec une blanche à une terrasse de café", pointe-t-il.
Finalement, cet ouvrage serait une façon de reconnaître une "subjectivité noire", veut croire Timera Mahamet, spécialiste des migrations maliennes et enseignant à l'université Paris-VII. Avec l'historien d'origine congolaise Elikia M'Bokolo, qui a également participé à l'élaboration du livre, il estime appartenir à une ligne plutôt "modérée" sur la question identitaire. Il considère que l'ouvrage représente, malgré tout, une forme de "réponse aux discriminations".
La France noire n'est toutefois pas "une histoire des noirs uniquement pour les noirs, prend soin de préciser M. Blanchard. Moi, j'écris une Histoire de France !" En fait, tente de résumer Dominic Thomas, contributeur du livre et auteur de Black France (Indiana University Press, 2006), publié uniquement aux Etats-Unis : "Nous avons voulu parler de ce que c'était d'être noir et français, et non pas français tout court." "100 % Noirs de France" : le dernier numéro du magazine "Respect Mag" assume une visibilité décomplexée- Cliquez ici pour faire apparaître le contenu caché
Au magazine Respect Mag, on a longtemps réfléchi avant de se lancer dans le numéro qui vient de sortir en kiosques titré : "100 % Noirs de France". Cela fait deux ans que le rédacteur en chef de ce trimestriel axé sur la culture "urbaine, sociale et métissée", Marc Cheb Sun, 47 ans, y réfléchit. Mais, malgré des précautions infinies et quatre comités de rédaction, la polémique a quand même eu lieu.
Les attaques sont venues d'un petit encart dans Marianne du 22 octobre. Quelques lignes où Respect Mag est accusé "d'avoir troqué son traditionnel discours prodiversité contre une profession de foi communautariste". "Les associations antiracistes auraient crié au scandale si un magazine avait eu la mauvaise idée de tamponner sa "une" d'un bandeau "100 % Blancs de France"", poursuit l'hebdomadaire.
La polémique, pour l'heure, ne dépasse guère le cercle restreint de la blogosphère spécialisée, et Marc Cheb Sun s'y attendait. Il a quand même immédiatement riposté dans une tribune publiée sur Rue89 intitulée "C'est Marianne qui a loupé son siècle". Les attaques de l'hebdomadaire reflètent "le risque de louper notre futur qui, faute de réaliser le potentiel de nos réalités métissées, risque fort de nous échapper", y écrit-il.
"Fachos noirs" et aveugles
Dans le numéro qui vient de sortir, M. Cheb Sun fait en effet le pari de ne parler que de "Noirs". Un portrait est consacré à une présentatrice radio d'Africa no 1 d'origine gabonaise, l'autre à l'humoriste Pascal Légitimus, antillais par son père. Dans les pages "identités", on explore les "relations réinventées" de la diaspora africaine. La séquence "enjeux" s'est lancée dans un sujet sur les "fachos noirs". Le magazine tente aussi un débat avec deux aveugles : "La cécité empêche-t-elle le racisme ?"
Dans son magazine, Marc Cheb Sun, Français d'origine italo-égyptienne, tente toujours d'aborder les questions de multiculturalisme de façon apaisée et originale. Mais cette fois-ci, sa "conviction" était que le mot "noir" devait maintenant "rassembler".
Avec ce numéro, il voulait justement que "l'on réapprenne collectivement que ce n'est plus une insulte". "C'était sans doute l'un des numéros les plus compliqués à faire, mais aussi les plus importants, dit-il. Car, parler des "Noirs", ce n'est pas communautaire, c'est parler de la France, de ses blocages comme de ses potentiels."
Pour ce partisan d'une mesure statistique de la diversité, l'intégration républicaine à la française est un héritage important, mais la logique même de "modèle" lui paraît un carcan trop étroit. "Quand est-ce que l'on sortira de cette impasse ? Ce dont ne se rendent pas compte ceux qui le défendent, c'est que cela crée justement des communautarismes", regrette-t-il.
Avec ce dernier numéro, Marc Cheb Sun espère au moins populariser une nouvelle appellation : "Noirs de France". Une expression "décomplexée", "ni négative ni positive", et qui "émerge", selon ce bon connaisseur des différentes diasporas hexagonales. D'autant que les Etats-Unis ont bien leurs "Afro-Américains" et le Royaume-Uni leurs "Black British", rappelle-t-il.
Lorsqu'il a conçu la "une" avec son équipe de rédaction, ils ont bien essayé le mot "Afro-Français". Mais c'était "dur à prononcer et en fait peu usité", justifie M. Cheb Sun. Les mots "black" ou "renoi" (verlan de "noir") - même si beaucoup de jeunes des cités s'autodésignent encore ainsi - pourraient donc être remisés au placard, veut-il croire.
_________________ « Les capitalistes nous vendront la corde avec laquelle nous les pendrons. »Влади́мир Ильи́ч Улья́нов This is such a mind fuck.
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