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La suite :
- Quotas: la FFF avait été alertée :
Mohamed Belkacemi, l'homme qui a enregistré la réunion du 8 novembre 2010 de la Direction technique nationale (DTN) de la Fédération française de football (FFF), au cœur de l'affaire des quotas discriminatoires révélée par Mediapart, avait confié une copie de l'enregistrement dans les jours qui ont suivi à un haut responsable de la FFF, selon des informations recueillies de sources concordantes.
Il s'agit d'André Prévosto, aujourd'hui en charge du football amateur au sein de la fédération et homme de confiance du président Fernand Duchaussoy. M. Prévosto était à l'époque directeur général adjoint de la FFF. Sollicité à de nombreuses reprises par Mediapart, M. Prévosto n'a pas donné suite à nos appels.
Mohamed Belkacemi, fonctionnaire du ministère des sports qui travaille depuis trois ans comme conseiller technique à la DTN, où il s'occupe de la thématique du «football dans les quartiers», a été entendu, mardi 3 mai, par les membres de la commission d'enquête de la FFF dirigée par le député Patrick Braouezec, chargée de faire la lumière sur le scandale des quotas discriminatoires.
Comme Le Parisien l'a écrit mercredi 4 mai, M. Belkacemi a dévoilé durant son audition être l'auteur de l'enregistrement de la réunion qui ébranle le football français depuis une semaine. Selon nos informations, il a toutefois précisé à la commission qu'il n'avait transmis ces enregistrements à aucun média mais avait souhaité jouer un rôle d'alerte auprès des instances fédérales.
«J'ai pris acte des informations que vous venez de partager avec nous, a déclaré le directeur de la communication de la FFF, Pierre-Jean Golven, joint par Mediapart. Nous en restons à ce que nous avons indiqué par voie de presse: une commission s'est mise au travail et nous attendons ses conclusions. Nous ne pouvons ni confirmer ni infirmer.» Fernand Duchaussoy, le président, se refuse à tout commentaire. Quant à Jacques Lambert, le directeur général de la Fédération à l'époque des faits, il affirme qu'André Prévosto, alors son adjoint, ne lui a jamais communiqué l'enregistrement, et qu'il ne lui en a pas parlé.
De son côté, le ministère des sports a indiqué mercredi 4 mai à la mi-journée: «Vous nous l'apprenez comme le reste. Nous ne souhaitons pas réagir à vos informations.»
Quelques heures plus tôt, au micro de France Inter, la ministre Chantal Jouanno avait expliqué: «Il faut aller au bout de l'enquête, savoir pourquoi cet enregistrement a été fait, pourquoi il ne sort que six mois après, en pleine période préélectorale à la fédération, pourquoi on n'a pas estimé nécessaire de s'adresser au ministère pour faire part de l'illégalité des méthodes?»
En fait, selon Olivier Dord, professeur de droit public reconnu (Université Paris Ouest-Nanterre La Défense): «Quand un fonctionnaire quitte son service et son corps d'origine pour exercer un autre emploi auprès d'une personne morale qui assure une mission de service public, il n'est plus soumis à l'obligation d'informer son corps d'origine. Selon le statut de la fonction publique, l'obligation est vis-à-vis de la personne publique qui embauche désormais le fonctionnaire.» En l'occurrence, la Fédération française de football.
n octobre 2009, Mohamed Belkacemi a été fait chevalier de l'ordre national du Mérite, suscitant les hommages appuyés de plusieurs figures du monde du football français.
Gérard Houllier, alors DTN, devant la caméra de Visiofoot: «S'il y a quelqu'un qui mérite bien cette distinction de chevalier de l'ordre national du mérite, c'est Momo.» Fernand Duchaussoy, à l'époque président de la Ligue du football amateur, aujourd'hui président de la FFF: «Je suis hyper ravi d'assister à cette manifestation qui a honoré Mohamed Belkacemi qui le mérite mille fois par son action, son soutien à fond dans les quartiers.» Jean-Pierre Escalettes, alors président de la FFF: «Le mot mérite, je crois, prend tout sons sens, pourquoi Momo est un exemple, un type formidable (...) Si le foot a un rôle (...) social, un rôle humain, eh bien ici, Momo démontre dans ces quartiers, avec l'équipe qu'il a su construire autour de lui, que le football est quelque chose de merveilleux.»
C'est sur la base de l'enregistrement de la réunion du 8 novembre, obtenu par une source dont nous ne pouvons révéler l'identité, que Mediapart a pu publier, le 30 avril, après enquête et recoupements auprès de témoins divers, le verbatim de la réunion où tout s'est joué à la DTN, en présence notamment du sélectionneur de l'équipe de France, Laurent Blanc.
Ce 8 novembre, il s'était agi à la DTN de mettre en place des quotas discriminatoires dans les centres de formation et de changer les critères de détection des jeunes espoirs pour limiter le nombre de joueurs français de type africain et nord-africain sur les terrains.
Lors de cette réunion présidée par le directeur technique national, François Blaquart (suspendu depuis), l'entraîneur des Bleus s'était déclaré «tout à fait favorable» à l'idée de «limiter», dès l'âge de 12 ans, le nombre de joueurs français d'origine étrangère qui, après avoir été formés en France, sont susceptibles d'aller rejoindre des «équipes nord-africaines ou africaines», selon ses propres mots.
«Il ne faut pas que ce soit tous les joueurs qui puissent faire ça (changer de nationalité, NDLR). Parce que tous les blacks, si tu enlèves les Antillais, ils ont des origines africaines. Donc, africaines, ils vont pouvoir aller dans une équipe africaine», avait notamment précisé M. Blanc.
Durant la même réunion, M. Blanc avait également indiqué qu'il fallait changer les critères de détection chez les jeunes pousses du ballon rond dans les centres de formation, où, regrettait-il, «on a l'impression qu'on forme vraiment le même prototype de joueur: grands, costauds, puissants». «Qu'est-ce qu'il y a actuellement comme grands, costauds, puissants ? Les blacks», avait estimé Laurent Blanc.
«Je crois qu'il faut recentrer, surtout pour des garçons de 13-14 ans, 12-13 ans, avoir d'autres critères, modifiés avec notre propre culture», a-t-il ajouté, citant en exemple l'Espagne: «Les Espagnols, ils m'ont dit: "Nous, on n'a pas de problème. Nous, des blacks, on n'en a pas".»
Les révélations de Mediapart ont d'abord suscité une cascade de démentis véhéments au sein des plus hautes instances du football. «Je n'ai jamais entendu parler de quotas !», avait ainsi assuré Laurent Blanc, vendredi 29 avril, à Bordeaux. Avant de présenter, le lendemain, ses excuses pour les propos tenus à la DTN... Le même jour, François Blaquart était suspendu de ses fonctions par la ministre de sports.
Depuis, un témoin de premier plan, André Mérelle, ancien directeur du centre de formation de Clairefontaine (Yvelines), a confirmé la teneur de nos informations. «On nous reprochait déjà, à mon époque, de prendre autant de blacks et de beurs», a-t-il confié à Mediapart. Ajoutant: «Disons que j'ai senti, à la DTN, des relents racistes. En 2010, au cours d'une réunion d'avril je crois (en tout cas une des dernières de la saison), quelqu'un a parlé de "caractéristiques ethniques"».
Dans un entretien au Parisien, publié le mardi 2 mai, la ministre Chantal Jouanno a prévenu que «si des quotas concernant les binationaux sont établis, c'est un délit et cela relève du pénal. Dans ce cas-là, nous transmettrons au procureur».
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