DECRYPTAGE - Le parquet de Nanterre a ouvert deux enquêtes préliminaires et pourrait en ouvrir une troisième…
Si le temps médiatique et le temps judiciaire diffèrent, les révélations parues dans les médias au sujet de l'affaire Woerth-Bettencourt imposent leur tempo à la machine judiciaire. Celle-ci s'est mis en branle et a ouvert plusieurs fronts. Qui enquête, comment et sur quoi? 20minutes.fr fait le point.
Qui enquête?
Le parquet de Nanterre. Il est actuellement dirigé par le procureur Philippe Courroye, ancien juge d'instruction contesté dans la profession car réputé proche de Nicolas Sarkozy.
Sous quelle forme?
Une enquête préliminaire. Elle est menée par la police sous la direction du procureur de la République. Contrairement à une information judiciaire, conduite par un juge d'instruction, elle limite le recours à «des mesures qui touchent aux libertés individuelles» (perquisitions, mise sur écoute, réquisitions bancaires...), explique à 20minutes.fr Gilles Devers, avocat au barreau de Paris. Néanmoins, «encouragé par les réformes législatives, le parquet a anticipé la disparition du juge d'instruction et peut aller beaucoup plus loin dans le cadre de ces enquêtes, comme cela a été le cas dans l'affaire Julien Dray par exemple, poursuit le conseil. S’agissant essentiellement d’écritures bancaires, le parquet aidé par les très compétents services spécialisés de police peut faire beaucoup.»
L'enquête préliminaire ouvre la possibilité sur le plan procédural - si les policiers le jugent nécessaire et si le Conseil des ministres donne son accord - de faire entendre le ministre du Travail, Eric Woerth, au centre d'une vive polémique depuis plus de trois semaines.
Sur quoi enquête-t-il?
Pour l'instant, sur deux affaires. Sur la nature des enregistrements, d'abord. Une enquête préliminaire a été ouverte après la plainte de Liliane Bettencourt pour «atteinte à la vie privée» après la mise en ligne sur Mediapart d'extraits de conversations entre la milliardaire et son entourage enregistrées clandestinement par le maître d'hôtel.
Le parquet de Nanterre a également ouvert une enquête préliminaire sur les allégations de l'ex-comptable de l'héritière de L'Oréal publiées par Mediapart lundi. Claire Thibout affirme notamment que le trésorier de l'UMP Eric Woerth a reçu de la part de Liliane Bettencourt une somme de 150.000 euros en liquide en mars 2007 pour financer la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy.
Le parquet de Nanterre envisage enfin d'ouvrir une troisième enquête préliminaire sur le contenu des enregistrements, qui font notamment référence à une évasion fiscale d'une partie de la fortune de Liliane Bettencourt. Patrice de Maistre, son gestionnaire, y explique: «Je suis en train d'organiser le fait de l'envoyer dans un autre pays, qui sera soit Hong Kong, Singapour ou en Uruguay (...) Comme ça, vous serez tranquille.»
Quels délits pourraient être poursuivis?
Il y en a plusieurs. Le délit de captation de conversation privée, d'abord, puni par le Code pénal d’un an de prison et 45.000 euros d’amende. Ensuite, un délit de financement illégal de parti politique pour la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007, si les déclarations de l'ex-comptable sont prises en compte.
Dans le cadre de la troisième enquête préliminaire, sur le contenu des enregistrements, deux autres délits pourraient être poursuivis. Celui de prise illégale d'intérêts. Elle pourrait être retenue contre Eric Woerth s'il était avéré qu'il avait profité de sa fonction de ministre du Budget pour obtenir l'embauche de sa femme au sein de la société Clymène, qui gère la fortune de Liliane Bettencourt. Il n'est pas nécessaire de s'être enrichi directement ou d'avoir obtenu quelque chose en contrepartie. Selon la jurisprudence, un intérêt simplement moral est suffisant pour relever de la prise illégale d'intérêts. Enfin, un délit de blanchiment de fraude fiscale.
Y'a-t-il prescription?
Oui, de trois ans en ce qui concernent les délits. Un délai déjà dépassé pour les faits remontant à la fin de la campagne présidentielle en mars 2007. Mais selon Gilles Devers, le point de départ des trois ans fait régulièrement débat. Selon la gravité des faits reprochés, il peut être fixé à la date à laquelle ces derniers sont portés à la connaissance de la police.
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