Simply the Best a écrit:
Je crains Molko que tu confondes Travail et condition de travail ce qui étonnant de la part d'un homme comme toi qui fait preuve d'habitude de pertinence.
De plus, tu intégres dans ton raisonnement la notion de salaire qui n'est pas non plus un facteur déterminant dans l'épanouissement humain au travers le travail.
Un cadre n'est pas forcément plus valorisé qu'un ouvrier si comme tu le dis ses conditions de travail sont particulièrement stressantes.
A l'inverse l'ouvrier d'une petite PME qui ne touchera pas plus du SMIC peut s'épanouir et trouver du plaisir dans son travail.
Bref, je persiste à dire que pour l'épanouissement humain le Travail est indispensable (qu'il soit marchand ou non marchand d'ailleurs) et que lier la notion de rémunération financière avec la notion de satisfaction dans son travail est absurde.
Après on peut faire devier le débat sur la dégradation des conditions de travail de certains secteurs de l'économie causée par la mondialisation mais je pensais qu'on parlais ici que de la valeur Travail au sens propre du terme.
Simply The Best
Non, pas tout à fait. Le travail n’est pas indispensable à l’épanouissement humain ; l’affirmer, ce n’est appliquer qu’une théorie en la prenant pour une valeur universelle.
D’abord, il faut s’entendre sur ce dont on parle. Les conditions de travail sont inhérentes au travail, ce qui fait qu’elles entrent dans le raisonnement. Je prétends également que contrairement à ce que tu racontes, la notion de salaire est un facteur déterminant dans l'épanouissement humain au travers le travail. Parce que le travail, dans ma conception, est le moyen de gagner sa vie, pas de la vivre. C’est le fameux «je travaille pour vivre, je ne vis pas pour travailler». La question n’est pas de gagner «beaucoup», mais «assez», même si, chez certains de nos amis de droite, on a jamais «assez» et qu’il faut toujours plus.
Cela dit, ma conception n’a pas de visée universelle et je ne cherche pas à l’appliquer aux autres. Je ne prétends pas que Moi Je sais, mais que Moi Je fais comme ça et que chacun fait comme il l’entend.
Or, les tenants de la «valeur travail», l’érigent en dogme universel. C’est un peu le même rapport qu’avec une religion, en fait. Moi Je dis «j’en pense ceci, que chacun pense et fasse comme il l’entend», les autres disent «Voici ce que nous pensons et ce que nous pensons est la vérité».
D’abord, pour raisonner de manière universelle, il faudrait être capable de prendre le recul nécessaire et de réfléchir au-delà de ses seules situations personnelles. J’ai l’impression que les tenants d’une «valeur travaillent» ont beaucoup de mal dans ce domaine.
Par exemple, ils ne conçoivent pas que de nombreux travailleurs puissent vivre leur travail comme une aliénation ou comme une humiliation, ce qui est parfois le cas. Mal payé, pas suffisamment en tout cas pour couvrir le «minimum vital», mal considéré, volé par des employeurs pas scrupuleux, travaux répétitifs et désagréables. Sauf à entrer dans des considérations, souvent d’ordre religieuses d’ailleurs, selon lesquelles celui qui souffre s’épanouit, il est difficile pour ces gens-là de trouver «la voie» par ce biais.
Après, tout cela repose sur une conception qui fait du travail, d’un point de vue sémantique, ce qu’il est assez généralement dans le langage courant ; le moyen de gagner sa vie, la contrepartie en échange de quoi on reçoit l’argent qui nous permet de vivre. D’ailleurs, le préalable est là : il faut l’argent pour vivre et non l’inverse.
On ne peut pas confondre «l’activité» quelle qu’elle soit et le «travail», lui, chargé d’un sens utilitaire et nécessaire.
De la même façon, si par exemple, quelqu’un tire un petit revenu «annexe» d’une pratique artistique quelconque, cette pratique n’est pas considérée comme un «travail», mais comme une passion, un hobby, peut être le sens véritable d’une existence, mais pas un «travail».
Le travail, revêt alors une dimension utilitaire (on en a besoin) et indispensable (c’est nécessaire). Mais pas indispensable en tant que tel, mais par ce qu’il permet. Pas directement (il ne permet pas directement l’épanouissement), mais parce qu’il procure ce dont on a besoin pour vivre, donc pour tenter de s’épanouir. Ce n’est donc pas, de façon universelle, le travail qui épanouit, mais la façon dont on peut utiliser son fruit.
Parce que de la même manière que tu affirmes que le travail est indispensable à l’épanouissement, Moi Je pourrais dire d’un ton tout aussi péremptoire et pas moins ridicule que c’est l’art qui transcende l’homme, que ce soit dans sa conception ou sa délectation. ça se défend aussi bien, mais quasimment aussi «universel» : l’écrivain et son texte, le peintre et son tableau, l’architecte et son bâtiment, l’orfèvre et sa pièce remarquable, mais aussi le pâtissier et son macaron Ispahan, le cuisinier et la perfection de son plat, l’ouvrier du dimanche et la réfection de sa salle de bain, le Toudic et son but de la couille...
Après, cher STB, c’est aussi toi qui a cité l’exemple du mal être du chômeur. Mais justement ; ce mal-être n’est pas la conséquence de l’absence de travail ou d’activité (on a toujours besoin de bénévoles quelque part), mais la conséquence de l’absence du salaire qui vient avec le travail. Ce mal être n’est pas d’origine psychique mais d’origine économique. D’ailleurs, les cas connus de chômeurs «heureux» qui profitent (de manière éhontée il est vrai) d’un système d’entre aide et de solidarité - que nos amis de droite sont en train de démonter pour y substituer l’avènement de l’individualisme égoïste et cupide - l’illustre également très bien.
Et puis on se souvient de Voltaire et des Lumières qui disaient en substance que pour penser, il faut être libre, donc avoir du loisir, et là, le loisir s’oppose au travail. Là où on voit que les penseurs modernes sont justement très modernes, c’est que pour «s’épanouir», il faut le loisir de le faire, donc le temps qui n’est pas consacré au travail. Bref, en poussant le raisonnement jusqu’au bout, on pourrait même dire que le travail s’oppose à l’épanouissement.
Pour conclure, le travail n’est pas tout l’un ou tout l’autre ; tout dépend des contextes et des individus. Le travail peut épanouir celui qui aime ce qu’il fait et qui peut en vivre décemment
Le travail aliène forcément celui qui le subit, lorsque ce travail est pas assez payé pour en vivre «normalement», mal considéré et exploité de façon légale ou pas.
Au final, ce qui épanouit, c’est l’activité que chacun se choisit dans laquelle ce chacun se retrouve et se plaît. Pour l’un ce sera le jardinage des pommes de terres nouvelles, pour l’autre, ce sera passer 20h/jour derrière un bureau à se sentir important, ect.
PS : je cherche actuellement un éditeur pour mes oeuvres complètes en LXI volumes. Faire suivre en MP.