J'ai commencé un
Jean Amila. J'avais déjà lu le
Boucher des Hurlus, qui se déroule juste après la première guerre mondiale, mais là
Jusqu'à plus soif, écrit en 62, se déroule chez nous, (enfin presque), Domfront et la campagne alentour. C'est des histoires de bouilleurs de cru qui trafiquent de la goutte. Ce serait un
Fantasia chez les ploucs made in Normandie.
Un extrait pour vous donnez le ton :
[ Une nouvelle institutrice arrive au bled, elle est accueillie par le Curé, la Bonne du curé et la directrice de l'école ] :
— Eh dame ! fit Mlle Dohzier, compréhensive. vous voilà toute barbouillée, bien sur... Buvez moi ça ! Ça vous remettra.
La moque pleine d'eau de vie était là, à trente centimètres du nez. Anne-Marie se sentit pâlir.
— Je n'ai pas soif non plus, s'excusa t-elle.
Il y eut un silence intrigué.
— Mais dit la directrice. Point besoin d'avoir soif, c'est de la bonne, Ça va vous secouer!
Elle avait mis le petit bol dans la main de Marie-Anne. Celle-ci se raffermit, posa le bol sur la table.
— je ne bois jamais d'alcoll, fit elle.
— Mais dit la directrice, un peu décontenancée, ce n'est pas de l'alcool de la ville, ça, ma pauvre ! ce n'est pas trafiqué. c'est un produit naturel du bon Dieu, pour des chrétiens qui ne le méritent sacrément pas!
Marie Anne avala sa salive, affronta le scandale.
— je ne bois que de l'eau, s'il vous plait.
— De l'eau ?
C'était comme une stupeur polie; trois personnages la clouaient sur place, sans comprendre ; Mlle Dhozier s'était un peu redressée, volontaire. Mais son sentiment de l'hospitalité fut le plus fort. elle se tourna vers la servante, accommodante, avec un rien d'ironie.
— Hé bien, va quèr' de l'iau, Charlotte!
Elle lui passa le bol de Marie Anne, en précisant :
Faut point laisser perdre!
Les trois normands se regardèrent et burent en silence.
Voilà, en fouillant chez vos bouquinistes, vous devriez trouver un exemplaire.