Aucun championnat au monde n'arrive à la cheville brisée par un tackle rageur et totalement incontrôlée, à la cheville donc de la 5ème division de district du Calvados.
Le charme de l’arbitrage à la maison : Roger qui vient de jouer avec les vétérans enfilent les bottes pour tenir le sifflet non sans rechigner qu’il aurait fallu prévenir avant, il aurait mis de l’eau dans son pastis. Roger est assisté de Jean-Miche, le fiston du président du club, qui s’applique à lever le drapeau pour signaler un hors-jeu dès que la balle quitte les pieds d’un milieu. Il applique en cela consciencieusement les consignes de papa qui lui a promis « Mega Tunning 5 » à Noël en échange d’une impartialité très partisane.
Le charme des défenseur centraux de 40 ans : Il y’a 2 espèces. Celui des terres qui s’est fait retiré son permis de chasse et préfère éviter de rester chez lui un dimanche après-midi parce bobonne serait bien fouttue de lui demander de ranger les canettes qui traînent sous le lit depuis maintenant une semaine (dernier match de l’équipe de France).
Et puis, il y a le marin pêcheur : celui qui a joué dans tous les clubs de Luc sur Mer à Ouistreham en ayant réussi l’exploit de briser 6 joueurs dans sa carrière sans jamais écoper d’un rouge (se référer à Roger). Le bruit d’un choc entre tibia est pour lui ce qu’une sonate de Clayderman est à sa femme : une onctuosité qui ravit les oreilles.
Et puis y a Johnny, le petit attaquant vif et rapide mais vicieux comme son père qui n’est autre que le défenseur central. D’ailleurs, il s’applique bien à fouttre la merde sur le terrain parce qu’il sait que Roger va pas broncher et que son daron attend que ça que ça parte en sucette. Johnny n’est pas vraiment talentueux, d’ailleurs il est toujours hors-jeu ce que ne voit jamais Jean-Miche qui gueule « Joueeeeeeez il est couvert !!! ».
Et puis il y a le public épars mais bruyant. C’est souvent des potes du défenseur des campagnes qui se posent au stade avec une canette avant d’aller tirer le lapin. C’est l’occasion de se raconter les exploits de Roucas dans la première compagnie. Ils n’apprécient rien de plus qu’un match contre une équipe de la ville. C’est que y a souvent du… Enfin vous voyez quoi, ils sont pas pareils mais y’en a des biens : c’est toujours l’occas’ de lâcher une ou deux injures tendancieuses, la bière aidant, en se disant que si ça tourne mal, y a l’fusil pour calmer ces racailles.
Et parfois même que ça part en live pour de la bonne : tout sait pas d’où ça vient mais t’as 3-4 coups de tatannes qui partent comme ça et le reste des équipes qui se précipitent à l’endroit chaud du terrain. Les locaux foncent dans l’tas car ils adorent ça, même Jean-Miche y va de son coup de drapeau. Les visiteurs, floués par l’arbitrage, expulsent comme ils peuvent leur frustration en essayant de chopper Johnny. D’ailleurs, dans l’affaire t’as 3 jaunes et un rouge qui sortent… pour les visiteurs. Mais Roger, à la fin du match, t’explique qu’il est sympa et qu’il a pas reporté l’incident sur le feuille de match. C’est surtout qu’il est bien pressé de rejoindre la buvette pour finir la bouteille de pastaga.
Je vous raconte même pas les derby’s, les truanderies sur les licences, les matches de Coupe…
Et le pire, c’est que le dimanche soir, allongé dans ton pieux – des crampes partout – harassé par la fatigue, t’attends qu’une chose : le dimanche suivant.
Nan, y a pas à dire, le plus beau championnat au monde, c’est la 5ème div’ du Calvados.
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