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Ça parle d'un budget de 7 à 8 millions d'euros, soit l'équivalent d'une petite Ligue 2... A ce sujet Mediapart a sorti des documents aujourd'hui sur Lopez à Bordeaux, et comment malgré ses beaux discours, il cherche à se payer sur la bête ni vu ni connu. - Cliquez ici pour faire apparaître le contenu caché
Gérard Lopez, trois ans d’esbroufe à la tête des Girondins de Bordeaux
Toujours aux manettes. Le 17 septembre, Gérard Lopez, propriétaire du Football club des Girondins de Bordeaux (FCGB) en redressement judiciaire depuis le 30 juillet, s’est vu accorder par le tribunal de commerce de la ville un nouveau délai pour relever le club, qui employait 229 salariés à la date du 30 juin.
Surprenant au premier abord, car depuis que Lopez a racheté, il y a un peu plus de trois ans, ce club centenaire où ont évolué de grands footballeurs français comme Alain Giresse, Jean Tigana ou Zinedine Zidane, la déflagration sportive et économique est totale.
Voyez plutôt : à la fin de la saison 2021-2022, les Girondins de Bordeaux ont été rétrogradés de la première division (Ligue 1) à la deuxième (Ligue 2) ; puis à la fin de la saison 2023-2024, de la deuxième à la quatrième – en National 2, un championnat amateur – faute d’argent pour équilibrer les comptes.
Gérard Lopez au stade Matmut Atlantique, le 2 juin 2023. © Photo Thibaud Moritz / AFP Ce n’est pas vraiment une surprise. Gérard Lopez, dont Mediapart avait révélé en 2017 les montages dans les paradis fiscaux, a l’art de transformer en plomb tout ce qu’il touche, avec toujours les mêmes méthodes. Il rachète des clubs en investissant un minimum d’argent de sa poche et emprunte des montants impossibles à rembourser, ce qui aboutit à des charges financières intenables et à la catastrophe économique.
Gérard Lopez a d’abord dû revendre l’écurie de Formule 1 Lotus pour un euro symbolique en 2015 afin d’éviter la faillite. Il a ensuite été poussé hors du club de foot de Lille (le Losc) en 2020 sous la pression des créanciers, et son club belge du Royal Mouscron a fait faillite en 2022. Puis il a dû renflouer en juin 2024 son club portugais du Boavista, lui aussi très mal en point.
Malgré ce très lourd passif, le tribunal de commerce de Bordeaux a autorisé l’homme d’affaires hispano-luxembourgeois à poursuivre ses activités avec le club au moins jusqu’à la fin de l’année. Peu avant l’audience du 17 septembre, Gérard Lopez aurait apporté de nouvelles garanties financières permettant d’éviter la liquidation. L’accord de dernière minute avec l’exploitant du stade Matmut Atlantique, propriété de la métropole bordelaise, qui permettra au club de renouer avec les recettes de billetterie, a certainement joué.
Déflagration Mediapart s’est procuré des documents financiers qui montrent le désastre de la gestion du club bordelais. Entre commissions juteuses qu’il remonte à ses sociétés mères, dettes qu’il remet toujours à plus tard, subventions publiques qu’il aspire, le tout en payant des intérêts faramineux à ses associés, on comprend assez vite pourquoi les pratiques de Gérard Lopez crispent les suiveurs des Girondins de Bordeaux.
Un constat similaire a été tiré dans le livre enquête de deux journalistes, Vincent Romain et Nicolas Paolorsi, Girondins de Bordeaux, enquête sur une descente aux enfers, paru le 27 septembre (Sud Ouest Éditions).
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Football et paradis fiscaux: Gérard Lopez, repreneur du Losc et roi de l’intox 17 janvier 2017 Toutefois, Gérard Lopez n’est pas le seul responsable de la chute des Girondins. Lorsqu’il a repris le club le 26 juillet 2021, celui-ci était déjà bien mal en point. Miné par la gestion financiarisée des fonds d’investissement américains GACP et King Street, qui l’ont racheté à l’actionnaire historique M6 fin 2018, mais aussi par les impayés de Mediapro, le diffuseur éphémère de la Ligue 1 qui a déposé le bilan à l’automne 2021 après avoir promis des milliards imaginaires aux clubs français ; et, enfin, par la crise du covid.
Quand Gérard Lopez est arrivé aux manettes, les Girondins de Bordeaux venaient de réaliser un exercice 2020-2021 cataclysmique, avec un résultat net négatif de 67 millions d’euros pour un chiffre d’affaires de seulement 40 millions, et une dette totale d’environ 110 millions d’euros.
Mais depuis la situation n’a fait qu’empirer. D’abord parce que Gérard Lopez a repris, comme à son habitude, le club avec une mise minimaliste. S’il a promis 40 millions d’euros à son arrivée, il n’a en fait apporté de sa poche que 10 millions d’euros sous forme d’avance de trésorerie.
Dix millions provenaient de subventions de l’État qui, à cette époque post-covid, arrosait aveuglement d’aides publiques les entreprises en difficulté. Les 20 millions restants étaient constitués de nouveaux prêts des fonds King Street et Fortress, alors actionnaire et créancier du club.
In fine, Gérard Lopez n’a consenti à convertir son avance de 10 millions d’euros en capital – c’est-à-dire à renoncer au fait que le club la lui rembourse – que près d’un an plus tard. Au moment où le club, sportivement rétrogradé en deuxième division, se retrouvait sous la menace d’être rétrogradé économiquement en troisième division par le gendarme financier du football français, la Direction nationale du contrôle de gestion (DNCG).
C’est aussi cela, la gestion financière de Gérard Lopez : promettre des montants importants pour relancer l’exploitation de l’entreprise, mais ne mettre vraiment de sa poche qu’en dernier recours, quand le club se retrouve au bord du précipice.
Commissions juteuses Durant sa première saison (2021-2022) à la tête des Girondins de Bordeaux, alors en Ligue 1, Gérard Lopez n’a pas lésiné sur les dépenses somptuaires aux frais du club. L’une de ses tactiques favorites était de faire payer par le club des commissions (en anglais management fees) à ses sociétés « holdings », actionnaires du club.
Le Football club des Girondins de Bordeaux (FCGB) est en effet une filiale de la société La Dynamie, elle-même filiale de la holding JB Dynamie, créée par Gérard Lopez, elle-même filiale de Jogo Bonito Group, la holding de tête de l’homme d’affaires, basée au Luxembourg.
Par exemple, le 18 août 2021, à peine trois semaines après avoir racheté le club, Gérard Lopez signe, en tant que président des Girondins de Bordeaux, une convention de services dite de « conseils organisationnels, stratégiques et de management » engageant le club à payer un montant de 3,3 millions d’euros à la holding La Dynamie, contrôlée par Gérard Lopez, soit l’équivalent de… 7 % du chiffre d’affaires de l’exercice 2021-2022 du FCGB.
Un montant « conséquent », admet l’avocat de Gérard Lopez, contacté par Mediapart (et dont les réponses sont disponibles en intégralité en annexe de cet article), mais selon lui justifié par la fourniture de « services essentiels liés à la gestion stratégique du club, notamment en termes de recrutement et de préparation pour la saison à venir, dans un contexte de reprise à quelques semaines du début du championnat ». Il précise que « ce montant a été ajusté dès la saison suivante à 500 000 euros, démontrant que cette convention était temporaire et destinée à répondre à des besoins urgents à court terme ».
Une dette en forte hausse Toujours selon les documents que Mediapart s’est procurés, Gérard Lopez a fait remonter 2,8 millions d’euros de « management fees », provenant de La Dynamie et du FCGB, à sa holding de tête au Luxembourg, Jogo Bonito Group. Il s’agissait, cette fois, de rémunérer « des services essentiels pour la gestion et la supervision globale des différentes entités, y compris le FCGB », dont « les opérations liées à la restructuration de la dette, notamment la renégociation des dettes King Street et Fortress », justifie son défenseur.
Il est impossible de vérifier ce que Jogo Bonito Group a fait de ces 2,8 millions d’euros : la société n’a toujours pas publié ses comptes 2022, alors que le délai légal pour ce faire expirait en juillet 2023.
Il faut aussi dire qu’avec l’avance concédée par King Street et Fortress à Gérard Lopez pour reprendre le club, la dette du FCGB a grimpé durant sa première saison de plus de 30 %, à 53 millions d’euros, faisant exploser les « charges financières » du club, constituées des intérêts et des commissions et frais liés à la renégociation de cette dette. Ces charges se sont établies à 6,3 millions d’euros durant la saison 2021-2022, en hausse de plus de 50 % par rapport à l’année précédente.
Au total, sur la saison 2021-2022, le club de Bordeaux s’est ainsi acquitté de 54 millions d’euros de charges autres que la masse salariale et les commissions d’agents, d’après le calcul des deux auteurs du livre Girondins de Bordeaux, enquête sur une descente aux enfers. C’est bien plus que lors de chacun des quatre exercices précédant le rachat par Gérard Lopez (24,3 millions d’euros en 2020-2021, 32,7 millions en 2019-2020, 48 millions d’euros en 2018-2019 et 30,2 millions en 2017-2018).
En outre, Gérard Lopez conservait à ce moment un goût prononcé pour réduire au maximum son dû à l’État français. Selon nos informations, le 6 octobre 2021, la société La Dynamie a signé une convention avec Claude Zimmer, codirigeant avec Gérard Lopez de Jogo Bonito Group, rémunéré 18 000 euros par mois pour élaborer « d’éventuels mécanismes d’optimisation fiscale » et prodiguer des « conseils en matière de fiscalité internationale notamment en ce qui concerne les relations fiscales franco-luxembourgeoises ».
L’avocat de Gérard Lopez justifie cette convention par le fait que « la connaissance approfondie » de Claude Zimmer « des implications fiscales liées à l’apport de fonds a permis de garantir que ces opérations soient optimisées sur le plan financier et conformes aux régulations fiscales en vigueur. Le montant de 18 000 euros par mois reflète les tarifs du marché pour ce type de prestations spécialisées ».
Finie la fête en Ligue 2 Évidemment, on peut dire sans trop s’avancer que la descente en Ligue 2 à la mi-2022 a largement compromis les plans de Gérard Lopez à Bordeaux. Finie la bamboche : les recettes de droits télévisuels et de billetteries se sont mécaniquement effondrées avec la rétrogradation, et il fut beaucoup plus compliqué de faire remonter autant de commissions à ses sociétés que l’année précédente.
Est alors venu le temps d’honorer ses engagements financiers. Et il faut rendre hommage à Gérard Lopez sur ce point : il n’a pas son pareil pour renégocier ses dettes sans jamais les payer. Il a ainsi réussi à tordre le bras des fonds King Street et Fortress pour qu’ils renoncent à ... 75 % de leur mise. « En 2022, après la relégation, Gérard Lopez a su sortir vainqueur de sa négociation avec King Street et Fortress en agitant la menace d’un dépôt de bilan », analysent sobrement les auteurs du livre précité.
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Les dirigeants du Losc ont servi de prête-noms à Manchester City pour acheter des parts de footballeurs 1 mars 2019 Du côté de la dette aux fournisseurs, l’ardoise s’est en revanche nettement allongée. À la fin de la deuxième saison de Gérard Lopez à la tête du club, elle était supérieure de 70 % à son niveau de la mi-2021, à 22,5 millions d’euros.
Cette hausse est principalement due aux loyers du stade Matmut Atlantique non payés à la métropole de Bordeaux qui, bonne poire, a accepté de faire crédit à Gérard Lopez de près de 5 millions d’euros à chaque saison.
« L’inadéquation entre le montant du loyer et la capacité financière d’un club en Ligue 2 s’est encore accentuée après la relégation. Des discussions ont été initiées avec la Métropole de Bordeaux pour rééchelonner cette dette et ajuster le montant du loyer en fonction de la situation sportive et financière du club », commente l’avocat de l’homme d'affaires. Toutefois, contrairement aux fonds américains, la collectivité ne compte pas s’asseoir sur cette dette.
À quelques jours de la fin de la saison 2022-2023, le club était à nouveau au bord du gouffre, les recettes provenant des transferts ayant été insuffisantes pour couvrir les pertes, qui s’élevaient encore à près de 15 millions d’euros. À la barre du tribunal de commerce, les experts évaluaient à 40 millions d’euros la somme nécessaire pour poursuivre l’exploitation de l’entreprise.
Somme que Gérard Lopez va trouver, à la surprise générale. La veille de son audition devant la Direction nationale du contrôle de gestion (DNCG), il envoie une requête en date du 27 juin 2023 au tribunal de commerce de Bordeaux, assurant qu’il s’engageait à apporter un prêt de 40 millions d’euros, pièces justificatives à l’appui. Suffisant pour convaincre la DNCG de maintenir les Girondins de Bordeaux en Ligue 2 et de reporter l’inéluctable.
Gérard Lopez s’est rapidement remboursé une partie de ces 40 millions, grâce aux ventes de joueurs au mercato d’été, à hauteur de 17 millions d’euros, alors même que le club avait cruellement besoin de cet argent.
Par ailleurs, ce prêt s’est fait à un taux d’intérêt très élevé : il a entraîné une augmentation de 2,8 millions d’euros des charges financières. Le défenseur de l’homme d’affaires indique que les Girondins n’ont finalement jamais payé ces frais, qui ont été inclus dans « l’effacement de la dette totale accordé par Gérard Lopez dans le cadre de l’ouverture du redressement judiciaire du club ».
Gérard Lopez a certes injecté 9 millions d’euros supplémentaires durant la saison, mais « le besoin de financement pour la saison 2024-2025 était similaire à celui de la saison précédente, avec un nouveau besoin de 40 millions d’euros, indépendamment du déficit de la saison précédente », déplore son avocat.
Gérard Lopez n’ayant pas pu reproduire le coup de théâtre de juin 2023, le club a été placé le 30 juillet en redressement judiciaire, laissant un passif de 118 millions d’euros. Et il a été relégué par la DNCG en National 2.
Cavalerie financière Dès lors, une question se pose : la faillite du club était-elle inéluctable, avec ou sans Gérard Lopez ? À la lecture de documents que nous nous sommes procurés sur le montage financier extrêmement baroque de la holding luxembourgeoise de Gérard Lopez, Jogo Bonito Group, il est permis d’en douter.
Selon nos informations, lorsque Jogo Bonito Group a racheté les Girondins en 2021, la holding contrôlée par Gérard Lopez était déjà plombée par une dette de 9 millions d’euros, levée entre l’été 2020 et l’hiver 2021, pour financer le rachat du Boavista.
Ces prêts sur cinq ans, accordés par les autres actionnaires de Jogo Bonito Group, sont assortis de taux d’intérêt énormes : 10 % par an, plus 5 % supplémentaires en cas de retard de remboursement.
À de tels niveaux d’intérêts supportés par la société mère, redresser une entreprise en difficulté financière, comme l’était déjà le Football club des Girondins de Bordeaux à la mi-2021, ne pouvait s’avérer que périlleux. Car il lui fallait par définition remonter un maximum d’argent pour honorer ses engagements auprès de ses associés.
« Les prêts octroyés par les associés, bien que consentis à des taux d’intérêt qui peuvent sembler élevés, étaient justifiés par l’urgence de la situation et par la nécessité de garantir la stabilité financière du club », assure l’avocat de Gérard Lopez.
Mais on voit aujourd’hui le résultat... Désormais, des voix importantes de la ville et de l’histoire du club s’élèvent pour que Gérard Lopez s’en aille. Citons le maire EELV de Bordeaux, Pierre Hurmic, qui expliquait à un média local que le modèle économique du club, « qui dépend d’un investisseur et de sa médiocre gestion, puisque c’est le cas, ne peut pas continuer » : « Un club de foot, ce n’est pas qu’un produit de spéculation, cela fait partie d’un patrimoine d’une ville, nous y sommes très attachés, c’est ce que n’a pas compris Gérard Lopez. »
Dimanche 29 septembre, c’est l’ancien joueur Bixente Lizarazu qui déclarait sur le plateau de « Téléfoot » : « Pour moi, ce ne sera pas possible tant que Gérard Lopez sera là. Je vais être factuel : tu es descendu de Ligue 1 à Ligue 2, puis de Ligue 2 à National 2 pour raisons administratives. Cela veut dire qu’il ne paye pas ses factures. C’est la personne qui te descend au fond du trou qui va te faire remonter ? J’ai du mal à comprendre. »
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