Extrait de l'article de Michel Dalloni publié en juillet dernier :
https://www.lemonde.fr/m-perso/article/2024/07/12/un-apero-avec-didier-roustan-moi-j-aimais-la-glandouille-et-le-foot_6249279_4497916.htmlC’est à Cannes (Alpes-Maritimes), où il a grandi, qu’il a vraiment appris à jouer. Son club : l’association sportive locale, qui a formé, excusez du peu, Zinédine Zidane, Patrick Vieira ou Johan Micoud. Son poste : libéro. L’ultime défenseur, celui qui couvre les autres, qui joue sans consigne. Tu m’étonnes. Sur le terrain, il multipliait les tacles. En dehors, il collectionnait les maillots. Il ne tacle plus que sur les plateaux de télévision, mais il collectionne toujours les tuniques. Il en possède cent cinquante, environ. La première ? Celle rouge et blanc de Max Dundov, l’attaquant croate qui faisait briller l’AS Cannes dans les années 1970. Sa préférée ? Celle rouge et blanc des Argentinos Juniors, l’équipe qui a fait commencer Diego Maradona, le dieu décadent du football, une de ses idoles. Notez qu’il aime tout en Argentine : « La tendresse des gens. Leur tristesse et leur gravité. La bouffe. La musique. Les stades. Le côté bordélique. » Il y va le plus souvent possible.
« Le rock est mort. Le foot aussi »
Sinon, il vénère également le « roi » Pelé, Johan Cruyff, surnommé le « Hollandais volant », le « Kaiser » Franz (Beckenbauer) et Henri Michel, dit « Mickey ». « Avec eux, on est dans la poésie. » Et dans la mélancolie. Ils ont tous disparu. « Le rock est mort. Le foot aussi. On est assez cons pour penser qu’il va revivre. Tout est guidé par le marketing. Un nouveau génie n’y changerait pas grand-chose. » Récemment, il a confié qu’il ne paierait pas « pour voir Mbappé » : « C’est un crack absolu, mais c’est un homme de son époque. Pour moi, le football est d’abord une affaire d’émotion. Tu comprends ? » Didier Roustan doit beaucoup au ballon rond, y compris la dèche et une dépression. De 1995 à 1999, il a coordonné l’Association internationale des footballeurs professionnels, créée pour contrecarrer les desseins du foot business. Il perd gros. De 2003 à 2023, il a piloté Foot citoyen, lancé pour lutter contre la violence et le racisme sur les pelouses. Il perd pied.
« Les financiers et les grandes fortunes tiennent tous les côtés du manche. On massacre les gens. C’est dégueulasse. J’ai essayé d’utiliser le système pour lui faire produire autre chose que ce qu’il entend produire. Je me suis effondré. Mais je continue à y croire. L’essentiel, c’est de ne pas trahir ceux avec qui on avance. » Il n’a pas trahi. « Je suis resté ferme sur les idéaux. Je suis plus guévariste que trumpiste. »