Isaac a écrit:
Oui je suis dubitatif concernant la saillie de Benco, perdu entre l'outrance facile, lâche comme une corde de Peeter Steele, et le vrai dédain pour un style qui a botté le cul aux amateurs de brame transgenres du cirque Pinder. Bien moins proche de nos amis les animaux il est vrai, la communauté des jazzmen a accompagné les mouvements pour les droits civiques, et pas que comme théâtre mais bien comme partie prenante culturelle et politique. Concernant l'argument de classes, c'est pas très bien joué puisque Marsalis a dédié sa vie à la promotion de son art à New Orleans, parfait contre exemple du privilège éducatif musical qui ne saurait concerner que les plus riches. La musique est dans la rue. Bon en Scandinavie il fait sans doute trop froid.
Je passe sur la nouveauté, et sur le mépris facile (aveugle ) envers tout ce qui est académique par aliénation réactionnaire confondant cadre/éducation et élite/autorité.
Voilà.
Pardonnez mon post au 7e degré.
Ok, le soldat Benco est un poil revêche. Mais le coup des cases à remplir est plutôt bien senti, je trouve.
Pour peaufiner sa caricature, j'ajouterais que le concours de bite entre musiciens virtuoses, qui tourne à la battle de zélés, rend la pratique du jazz assez détestable. Sur certains sets, c'est comme si les bons élèves passaient leurs gammes à tour de rôle, sous les applaudissements machinaux et les interjections falsifiées du public. L'étonnement est carrément contrefait et l'émotion corrompue jusqu'à l'os.
Sans compter que, comme le rappel l'Oberführer Benoît Cauet, le jazz (comme beaucoup d'autre styles artistiques) reste une forme dissimulée de tyrannie du bien-créer. Et, dans l'cas présent, la norme étant expressément élitiste (difficile de nier le contraire), le style demeure plus détestable encore. Toujours la même suite de petits plans connus, toujours les mêmes arrangements, les mêmes standards éculés, depuis des lustres. Du réchauffé servi en boucle. De la soupe aux prétendus érudits.
Le problème, c'est l'improvisation, et c'est probablement ce qu'il y a de plus risqué dans l'art en général. Le résultat est souvent douteux et toujours basé sur des répétitions foireuses, des gimmicks, des tics de langage et des tocs d'expression. Mais ici, les défauts et les petites manies sont magiquement transformés en génie créatif, sacralisés et portés au rang d'Art. Par des ignorants, en réalité.
[J'ajoute qu'en ce moment même, j'écoute Avishai Trio Cohen avec beaucoup de délectation.]
Oui donc, je confirme que l'impro, c'est une sacrée connerie. Et parfois même le pire ennemi de la créativité. On est censés être face à un processus créatif sans écriture préliminaire… Mais dans le jazz, c'est souvent le contraire, tout est écrit au préalable. Entre logorrhée technique et incontinence stylistique, le jazz répète ses acquis et ses certitudes jusqu'à la nausée. Tout en imposant Sa vérité artistique dans une prétendue spontanéité.
Au fond, l'impro est juste la révélation instinctive d'une obsession. Ça confine au trouble obsessionnel chez certains artistes, dont le style se focalise sur un seul point, comme une idée fixe. Mais ces récurrences sont bêtement maladives et juste propices à identifier les névroses de l'artiste.
[Du coup, c'est probablement ce qui en fait l'intérêt, c'est vrai.]
Par exemple, en peinture, le travail d'improvisation, souvent hyper nombriliste, est concentré sur un simple et maigre objet : "Regardez-moi en train de peindre". Dans les séries d'improvisation, les gestes sont répétées en boucle, pour mieux enfoncer le clou et pour mieux réduire le message. Rendre l'œuvre accessible aux savants - qui ont quand même besoin de repères - facilite le boulot de reconnaissance. Il faut savoir cocher la bonne case, comme le rappelle Notre Gruppenführer Benoît Cauet. On ne sait jamais faudrait pas que la critique passe à côté du message.
[En même temps, Cy Twombly c'est c'qui se fait de mieux sur le marché de l'instinct créatif]