Diogene a écrit:
Jean-François Fortin « La remontée, je n'y crois pas » Évincé de son fauteuil à Caen il y a un an, l'ancien président de Malherbe revient sur cet épisode sans cacher un certain pessimisme pour la suite. Texte Timothé Crépin
« Un peu plus d'un an après votre départ de la présidence de Caen, avez-vous digéré cette éviction ?
La forte déception que j'ai pu avoir s'estompe. La manière dont ç'a été fait m'a fortement touché. Mais vous vous doutez bien de l'attachement que j'ai pour ce club. Voir Caen descendre en Ligue 2 ne me comble pas de joie. Je venais de vivre dix-sept ans où, pour de multiples raisons, je voulais trouver d'autres financements puisque le Stade Malherbe méritait mieux qu'un budget de dix-septième place, la dernière avant de descendre. On a fait de gros efforts. Je voulais installer le Stade Malherbe en Ligue 1 et prétendre à figurer en milieu de tableau. Ne pas être sans arrêt sur cette corde raide qui est très stressante.
Le Stade Malherbe se serait-il sauvé avec vous à sa tête ?
Le projet que j'ai présenté devait tendre à ce que le parcoures du Stade Malherbe soit différent de celui qu'il a été la saison passée. Le football n'est pas une science exacte. Il y a des budgets plus importants qui se sont cassé la gueule. Mais c'était se donner le plus de chances possible de pouvoir se maintenir un peu mieux. Le constat m'amène à vous dire que j'avais peut-être raison par rapport à ceux qui m'ont combattu, et qui prétendaient qu'on pouvait maintenir la politique en vigueur. Mes concurrents étaient sûrement convaincus que je m'y prenais mal avec le budget et qu'ils allaient pouvoir réussir à se maintenir plus facilement. Il faut croire que ce n'est pas le cas...
Quelles critiques sur votre gestion ont pu vous toucher ?
Prétendre que je n'étais pas suffisamment transparent, que je ne communiquais pas assez vis-à-vis des actionnaires, etc. J'essayais de faire comprendre qu'en période de recrutement, la confidentialité est primordiale. On est onze actionnaires. Faites une réunion, je vous fous mon billet que, dès le lendemain matin, on sait qu'on a pris contact avec lui ou lui. Ce qui est très drôle, même si cela ne l'est pas vraiment, c'est que si ma transparence était insuffisante, aujourd'hui, elle est inexistante ! L'autre critique concernait la position de Xavier Gravelaine. Je ne sais toujours pas ce qui lui est reproché. Je ne suis pas sûr que ça se serait vraiment passé, mais on m'a dit : "OK pour que tu restes président, parce qu'on n'a rien à te reprocher. Mais, par contre, tu vires Xavier Gravelaine." Je leur ai répondu : "Vous me connaissez mal." Donc s'ils voulaient absolument l'éliminer, il fallait dans un premier temps m'éliminer.
Y a-t-il autre chose qui a pu vous agacer ?
Je n'ai pas voulu parler pour ne pas qu'on me dise que j'en rajoutais aux malheurs du Stade Malherbe. Mais maintenant, certains estiment que je suis d'accord avec la situation parce que je ne parle pas (il sourit) ! La seule chose que je peux affirmer, c'est que depuis que je suis parti, en ce qui me concerne, mais aussi les trois autres actionnaires qui soutenaient mon projet, nous n'avons jamais, jamais, jamais été invités à une quelconque réunion. Vous avez assisté comme moi à l'annonce de la démission du président. J'ai constaté ensuite qu'un nouveau président avait été nommé avec une nouvelle composition. Mais nous n'avons pas été invités, ne serait-ce qu'à une réunion d'information...
Gilles Sergent, votre successeur, est-il votre ennemi ?
Je lui ai dit à plusieurs reprises que je pensais qu'il rêvait d'être président du Stade Malherbe. Il m'a toujours affirmé que non. Parmi les autres actionnaires, c'était celui qui connaissait le mieux le football. Ce qui m'a surpris, c'est que s'il connaissait le football, prendre le Stade Malherbe avec les moyens qui étaient les nôtres et affirmer, qu'avec ça, vous alliez voir ce que vous alliez voir... Ce qui m'a énormément surpris de sa part, dernièrement, ce sont un certain nombre de choses qu'il a balancées dans la presse. Je ne pensais pas qu'il pouvait faire ça.
Par exemple ?
Qu'il soit déçu, qu'il ait honte de la descente, OK ! Mais quand je le vois déclarer qu'il était temps qu'il arrive dans le club parce qu'il y avait un énorme problème au niveau du personnel, qu'il y avait de la promotion canapé... Ce n'est plus le Gilles Sergent que je croyais connaître. Peut-être qu'il y avait une ou deux personnes qui ont trouvé qu'on n'était pas sympas avec elles, mais il n'y avait pas de problème avec une très grande majorité. Et le coup de la promotion canapé... C'est diffamant. Je ne passerai pas. Ces affirmations sont odieuses.
Comment avez-vous vécu, de loin, la saison catastrophique de Caen qui a abouti à la descente ?
C'est facile de le dire, vu le constat.
J'ai toujours considéré que le risque de descente existait fortement. Quand je voyais comment ça se passait... J'en entendais parler, on me remontait plusieurs choses, je pensais que ça risquait d'aller sérieusement dans le mur. Ce qui m'animait, c'était de tout mettre
en oeuvre pour demeurer en Ligue 1 parce que c'est de plus en plus compliqué de remonter.
Je disais qu'il fallait arriver à un budget
proche de celui de Montpellier. Dans ce cas,
on redonnait à ce public fidèle et à ses partenaires ce qu'ils attendaient : un club qui continue son cheminement en Ligue 1 et leur apporte tous les quinze jours le plaisir de voir cette équipe faire de bons matches et obtenir des résultats.
Qu'est-ce qui a pu vous faire le plus tiquer ?
Quand j'ai vu partir le truc, et je n'ai aucune critique à faire sur (Fabien) Mercadal, mais quand on veut tout faire pour rester en Ligue 1, il vaut peut-être mieux mettre un entraîneur qui a cette expérience. N'ayant pas souhaité, parce que pour eux ce n'était pas nécessaire, augmenter le budget, ils sont partis avec une équipe... (Il ne finit pas sa phrase.)
Niveau recrutement, ils n'ont pas eu beaucoup de chance, on va dire... Il y a des joueurs que je n'aurais pas fait venir comme Bammou ou Tchokounté.
Qu'avez-vous pensé de l'apport de Rolland Courbis ?
Moi, je n'aurais pas appelé Courbis. C'est clair. Avec la franchise qui est la mienne, si l'arrivée de Courbis avait permis le maintien en Ligue 1, j'aurais reconnu le mérite de l'idée.
Receviez-vous parfois des messages de certains joueurs ?
Oui, j'ai reçu des SMS de joueurs et c'est ça qui m'a fait dire que c'était parti dans une mauvaise spirale. J'ai entendu parler de choses qui se passaient dans le vestiaire qui n'étaient pas sympathiques, notamment avec quelques divergences entre Fayçal Fajr et d'autres joueurs.
Est-il vrai que vous n'avez pas mis un pied au stade d'Ornano la saison passée ?
Je l'ai fait volontairement. Je ne veux pas faire le modeste, mais compte tenu du climat, je me disais que si j'allais voir des matches, inévitablement, des supporters, partenaires ou journalistes allaient me demander ce que je pensais de ci et ça. C'était réglé d'avance. Je ne voulais pas répondre à toutes ces questions, même en étant soft, pour me retrouver dans les journaux le lendemain et lire que l'ancien président en rajoutait. Qu'on ne me désigne pas responsable de la descente en Ligue 2. Je crois avoir bien fait car les tentatives de me faire dire que ça déconnait étaient nombreuses.
Croyez-vous à une remontée ?
Franchement, je n'y crois pas.
Pourquoi ?
Il y a eu un changement d'entraîneur (NDLR : Rui Almeida est arrivé). J e ne le connais pas, sinon que j'ai eu deux joueurs qui l'ont eu, et qui m'ont donné leur point de vue.
Et alors ?
Disons que ce n'était pas toujours très positif. Au-delà de ça, à ma connaissance, si ce n'est les jeunes à qui ils ont fait signer un contrat professionnel, et qui sont sûrement bons, c'est un peu tendre pour envisager une remontée. La Ligue 2, ce n'est pas du CFA 2. Niveau recrutement (l'entretien a été réalisé au début du mois de juillet) , il y a Gonçalves
(ex-Strasbourg) , c'est un bon élément. Mais j'enregistre simplement qu'il a trente-trois ans et qu'on lui a fait signer un contrat de trois ans.
Si le recrutement et le nouvel entraîneur vous laissent sceptiques, le nouveau président, Fabrice Clément, a-t-il les moyens d'assumer cette opération remontée ?
S'il a pris la présidence, c'est qu'il y croit. Il a été coprésident du club de Granville. Il a au moins une connaissance, à ce niveau-là, du football. Ce n'est pas péjoratif ce que je dis. Il a nommé Yohann Eudeline comme directeur sportif. Yohann, dieu sait que je le connais, puisqu'il a été joueur chez nous. Il ne me viendrait pas à l'idée, sur l'homme, de faire une quelconque critique. C'est un charmant garçon, un type bien. Maintenant, a-t-il le costard du directeur sportif ? Je le souhaite pour lui et pour le Stade Malherbe... Mais, là encore, il n'a pas non plus l'expérience nécessaire. Je ne veux pas le condamner, très clairement, car l'homme ne le mérite pas, mais il n'avait pas ce poste et cette responsabilité à Angers.
Du coup, il faut dire bon courage à Malherbe ?
Je souhaite de tout mon coeur, malgré les quelques réticences que j'ai, qu'il retrouve la Ligue 1 très rapidement, et dès la saison prochaine. C'est mon voeu le plus sincère vis-à-vis du club. Vis-à-vis d'eux (ses adversaires), je suis un peu moins triste que pour le club.
Reviendrez-vous un jour aux affaires de Caen ?
(Il coupe.) Non, non, non. Pour le moment, je suis toujours actionnaire, j'ai décidé de conserver mes actions comme les trois autres qui me rejoignent dans ma vision des choses. Mais je ne reviendrai pas en tant que président, ça c'est clair. Par contre, dans le cadre d'une politique menée par une équipe avec laquelle je pourrai avoir de réelles similitudes de visions, participer à un groupe pour gérer le club, pourquoi pas... »