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Répondre en citant le message  MessagePosté: 04 Fév 2019 12:26 
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"On a tous en nous quelque chose de bourgeois parce qu’on a tous en nous quelque chose de sécuritaire. A chaque fois que devant une actualité notre réflexe est plus sécuritaire que d’aller du côté de ce qui désordonne la situation, à ce moment-là, j’ai un réflexe bourgeois."[...]"J'appartiens à une classe supérieure dont je persiste à envisager la destitution."




Tu es un bourgeois.
Mais le propre du bourgeois, c’est de ne jamais se reconnaître comme tel.

Petit test :

Tu votes toujours au second tour des élections quand l’extrême droite y est qualifiée, pour lui faire barrage.
Par conséquent, l’abstention te paraît à la fois indigne et incompréhensible.
Tu redoutes les populismes, dont tu parles le plus souvent au pluriel.
Tu es bien convaincu qu’au fond les extrêmes se touchent.
L’élection de Donald Trump et le Brexit t’ont inspiré une sainte horreur, mais depuis lors tu ne suis que d’assez loin ce qui se passe aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne.
Naturellement tu dénonces les conflits d’intérêts, mais tu penses qu’en voir partout relève du complotisme.
Tu utilises parfois (souvent ?) dans une même phrase les mots racisme, nationalisme, xénophobie et repli sur soi.
Tu leur préfères définitivement le mot ouverture.

Si tu as répondu oui au moins une fois, ce livre parle de toi.
Prends le risque de l’ouvrir.

_________________
« Les capitalistes nous vendront la corde avec laquelle nous les pendrons. »
Влади́мир Ильи́ч Улья́нов
This is such a mind fuck.


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Répondre en citant le message  MessagePosté: 04 Fév 2019 13:55 
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Pour les petits bourgeois de gauche, la réalité est fasciste, il convient donc de la nier jusqu'à l'absurde s'il le faut : le niveau monte, l'immigration est une chance pour la France, ill n'y a pas d'insécurité mais un sentiment d'insécurité....


Dernière édition par rix le 05 Sep 2019 14:33, édité 1 fois.

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Répondre en citant le message  MessagePosté: 04 Fév 2019 19:18 
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Viking_14 a écrit:
Moi j'avais compris que l'info donnée par RT était une fake news selon Molko, et en fait non, c'est Molko qui essai de nous faire croire n'importe quoi. Je suis deçu, je prenais Molko pour quelqu'un de sérieux.


C'est bien ce que J'écrivais et précisé ici-même par d'autres personnes: il ne s'agit pas de la même pièce (salle des fêtes / vs salon Napoléon III) comme l'a prouvé la cellule de fact checking de l'AFP, qui reste malheureusement un média mainstream aux ordres du gouvernement.

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Tel est mon bon plaisir.


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Pour les petits bourgeois de gauche, la réalité est fasciste, il convient donc de la nier jusqu'à l'absurde s'il le faut : le niveau monte, l'immigration est une chance pour la France, ill n'y a pas d'insécurité mais un sentiment d'insécurité....


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Où est le problème ? Préserver le patrimoine (car les Macron ne seront que de passage) en faisant travailler les meilleurs artisans ne me semble en rien scandaleux. C'est pure démagogie que d'avancer que cet argent pourrait être mieux employé pour je ne sais quoi. Ce qui n'empêche pas d'être attentif aux dépenses trop longtemps faites sans compter.


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Répondre en citant le message  MessagePosté: 04 Fév 2019 20:44 
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Localisation: La Forêt-Fouesnant, Mecque des navigateurs.
Les mots de Macron après la déclaration de Christophe Dettinger me choquent beaucoup plus.
"Il ne faut pas se tromper. On est d'une naïveté extraordinaire (…) Le boxeur (Christophe Dettinger, ndlr), la vidéo qu'il fait avant de se rendre, il a été briefé par un avocat d'extrême gauche. Ça se voit ! Le type, il n'a pas les mots d'un gitan. Il n'a pas les mots d'un boxeur gitan", affirme le président au Point.


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http://boitalopez.neuviemepage.com/
Oui oui en effet.Le dictionnaire canonique est formel...


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bigdudu a écrit:
Les mots de Macron après la déclaration de Christophe Dettinger me choquent beaucoup plus.
"Il ne faut pas se tromper. On est d'une naïveté extraordinaire (…) Le boxeur (Christophe Dettinger, ndlr), la vidéo qu'il fait avant de se rendre, il a été briefé par un avocat d'extrême gauche. Ça se voit ! Le type, il n'a pas les mots d'un gitan. Il n'a pas les mots d'un boxeur gitan", affirme le président au Point.


"Le complotiste de l’Élysée", par Frédéric Lordon

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L'histoire n'est pas la science du passé, mais la science des hommes dans le temps.


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Répondre en citant le message  MessagePosté: 04 Fév 2019 22:00 
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Pour les petits bourgeois de gauche, la réalité est fasciste, il convient donc de la nier jusqu'à l'absurde s'il le faut : le niveau monte, l'immigration est une chance pour la France, ill n'y a pas d'insécurité mais un sentiment d'insécurité....


Dernière édition par rix le 05 Sep 2019 14:33, édité 1 fois.

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Répondre en citant le message  MessagePosté: 04 Fév 2019 22:25 
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bigdudu a écrit:
Où est le problème ? Préserver le patrimoine (car les Macron ne seront que de passage) en faisant travailler les meilleurs artisans ne me semble en rien scandaleux. C'est pure démagogie que d'avancer que cet argent pourrait être mieux employé pour je ne sais quoi. Ce qui n'empêche pas d'être attentif aux dépenses trop longtemps faites sans compter.

Voilà.

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Tel est mon bon plaisir.


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La dérive autoritaire d'Emmanuel Macron (Mediapart) :

Le parquet de Paris a tenté de perquisitionner Mediapart

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Pour la première fois dans l’histoire de Mediapart, le parquet de Paris a tenté de perquisitionner la rédaction, lundi 4 février au matin, dans le cadre d’une enquête préliminaire ouverte pour (notamment) atteinte à la vie privée dans l'affaire Benalla, à la suite de nos révélations de la semaine dernière.

Il est 11 h 10, ce lundi 4 février. La traditionnelle conférence de rédaction de Mediapart, durant laquelle il a notamment été question des récentes dérives liberticides du pouvoir sur le droit d’informer et celui de manifester, touche à sa fin. Deux procureurs du parquet de Paris, accompagnés de trois policiers, dont un commissaire divisionnaire de la brigade criminelle, sonnent alors à la porte du journal.

C’est une perquisition.

Le représentant de l’autorité judiciaire, le procureur de la République adjoint Yves Badorc, nous informe qu’il souhaite, avec sa collègue du parquet et les policiers qui l’accompagnent, perquisitionner la rédaction dans le cadre de l’affaire Benalla. Mais pas dans n’importe quel cadre de l’affaire Benalla.

Selon les informations fournies par le magistrat, le parquet de Paris a ouvert, après les révélations de Mediapart la semaine dernière, une enquête préliminaire non pas sur le fond des faits mis au jour mais pour (entre autres délits visés) atteinte à l’intimité de la vie privée de l’ancien collaborateur du chef de l’État Alexandre Benalla et/ou de son acolyte, le gendarme Vincent Crase.

Mediapart a publié, jeudi 31 janvier, le fruit d’une enquête de plusieurs mois reposant sur une dizaine de sources indépendantes et des documents inédits, dont des extraits sonores, jetant une nouvelle lumière sur les dessous de l’affaire Benalla, devenue affaire d’État.

L’enquête du parquet vise également les moyens par lesquels ont été réalisés les enregistrements, qui mettent aujourd’hui dans le plus grand des embarras l’ancien collaborateur d’Emmanuel Macron. Le magistrat a évoqué la diffusion des enregistrements portant atteinte à la vie privée de MM. Benalla et Crase ainsi que la possible détention illicite d’appareils d’interception.

Nos révélations permettaient de démontrer que MM. Benalla et Crase avaient violé le contrôle judiciaire auquel ils sont astreints dans le cadre de l’affaire des violences du 1er Mai, en se rencontrant secrètement le 26 juillet, en début d’après-midi, à Paris. Des enregistrements clandestins réalisés ce jour-là, dont Mediapart a diffusé des extraits, le prouvent.
Notre enquête prouvait par ailleurs l’implication personnelle d’Alexandre Benalla dans un contrat sécuritaire avec un oligarque proche de Poutine, alors qu’il travaillait à l’Élysée. Il ressortait également de cette même enquête que MM. Benalla et Crase avaient tout fait pour dissimuler des preuves dans cette même affaire du contrat russe, craignant qu'elles ne soient découvertes par la police.

Et pour cause : l’oligarque au cœur de ce volet du dossier est non seulement un proche de Vladimir Poutine mais il est aussi soupçonné de liens avec le pire des groupes criminels de Moscou, d’après plusieurs magistrats européens.

Face à ces informations, dont aucune n’a été démentie par les intéressés depuis leur publication, qu’a décidé le parquet de Paris ? Ouvrir une enquête judiciaire visant plusieurs délits, dont l’atteinte à la vie privée dont auraient été victimes… MM. Benalla et Crase. Le représentant du parquet n’a pas dit si une plainte des avocats de MM. Benalla et/ou Crase avait été déposée en ce sens préalablement.

Plus tard dans la journée du 4 février, le parquet de Paris a fait savoir que ni Benalla ni Crase n'avaient déposer de plainte, mais qu'il avait été « destinataire d'éléments ayant justifié l'ouverture d'une enquête préliminaire des chefs d'atteinte à l'intimité de la vie privée et de détention illicite d'appareils ou de dispositifs techniques de nature à permettre la réalisation d'interception et de télécommunications ou de conversations ».

Mediapart, représenté par les deux responsables des enquêtes du journal Fabrice Arfi et Michaël Hajdenberg (en l'absence du représentant légal de Mediapart Edwy Plenel, retenu au procès intenté par Denis Baupin), s’est formellement opposé à la moindre perquisition dans la rédaction au nom de la protection du secret des sources. C’est la première fois dans l’histoire de Mediapart qu’une autorité judiciaire souhaite perquisitionner nos locaux.

La loi autorise notre refus. En effet, dans le cadre d’une enquête préliminaire, le parquet doit obtenir l’autorisation préalable de la personne visée avant de mener la perquisition. Le parquet peut toutefois obtenir un mandat du juge des libertés et de la détention (JLD) pour rendre la perquisition obligatoire et coercitive. Le procureur adjoint a mentionné cette possibilité lors de nos discussions.

La volonté du parquet de Paris, soumis hiérarchiquement au pouvoir exécutif, de perquisitionner un journal qui ne fait que son travail – publier des informations vérifiées et d’intérêt général – dans une affaire ouverte en défense des intérêts de Benalla et Crase ne laisse pas de surprendre. Et ce, pour plusieurs raisons.

Primo, Mediapart avait été sollicité, vendredi 1er février, par un service de police agissant sous les ordres des juges d’instruction de l’affaire du 1er Mai, réclamant la copie des extraits sonores révélés par Mediapart. Ainsi que Fabrice Arfi l’a écrit, lundi 4 février, à 9 heures du matin, au responsable de la police en charge de cette enquête, Mediapart a annoncé faire droit à cette demande, dont l’objectif est de documenter en procédure la violation du contrôle judiciaire de MM. Benalla et Crase. L’enjeu n’est pas mince : les deux hommes risquent désormais la détention provisoire.

C’est pourtant le même jour, dans le cadre d’une enquête ouverte en catastrophe, que le parquet de Paris a souhaité perquisitionner Mediapart.

Secundo, cette célérité du parquet tranche singulièrement avec sa lenteur et sa mollesse quand, dans le cadre du dossier sur les violences du 1er Mai, le même parquet a mis 48 heures à perquisitionner le domicile de M. Benalla (faute de clé…) et ne s’est pas ému de la disparition, dans l’intervalle, d’une chambre forte appartenant au même Benalla dans laquelle pouvaient dormir des pièces intéressant l’enquête – ou d’autres enquêtes.

Mediapart ne compte pas se laisser intimider par les protagonistes de cette affaire ni par le parquet. Et continuera de vous informer.


Macron veut placer l’information sous contrôle

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Macron ne veut pas seulement restreindre la liberté de manifester ; il rêve, aussi, de placer la presse sous tutelle en créant des « structures » qui auraient la charge de « s’assurer de sa neutralité ». La menace est d’autant plus grave que les grands médias, croqués par des milliardaires, ont perdu leur indépendance et que des lois liberticides se sont accumulées depuis le début du quinquennat.

Emmanuel Macron a décidément fait le choix de multiplier les atteintes aux libertés publiques. Il y a d’abord eu la première salve, déjà gravissime, avec la loi anticasseurs, qui doit être définitivement adoptée ce mardi par l’Assemblée nationale et qui restreint de manière spectaculaire le droit de manifester. Et puis il y a la deuxième salve, apparemment en préparation, qui pourrait conduire à une très grave remise en cause de la liberté de la presse.

Une remise en cause d’autant plus dangereuse qu’une poignée de milliardaires ont déjà croqué ces dernières années la plupart des médias, ruinant ainsi leur indépendance, et que des lois liberticides se sont accumulées depuis le début du quinquennat, constituant autant de remises en cause du droit de savoir des citoyens.

De cette volonté d’Emmanuel Macron de placer la presse sous tutelle et l’information sous contrôle, il existe de nombreux indices récents. Et le dernier en date, qui est la tentative de perquisition, lundi, des locaux de Mediapart, dans le cadre d'une enquête pour (notamment) atteinte à la vie privée d’Alexandre Benalla à la suite de nos révélations de la semaine dernière, n’est pas la moins inquiétante. Diligentée par le parquet, qui est placé sous l’autorité hiérarchique du pouvoir – en clair de l’Élysée –, cette perquisition, que nous avons refusée, constitue une grave tentative d’atteinte au secret des sources, l’une des pierres angulaires de la liberté de la presse.

Mais il y a d’autres indices, tout aussi révélateurs : ce sont les propos que le chef de l’État a tenus la semaine passée devant une poignée de journalistes choisis par lui, afin de leur faire part de ses projets en divers domaines. Et dans le lot des confidences qu’il leur a servies, de nombreuses convergent dans le même sens : Emmanuel Macron rêve bel et bien d’une presse sous tutelle et d’une information sous contrôle.

Parmi les médias qui ont été conviés à l’Élysée et qui rendent compte des états d’âme présidentiels, il y a Le Point. Sur son site internet, le magazine rapporte ainsi le 31 janvier (c’est à lire ici) des bribes de la conversation : « Emmanuel Macron se dit “inquiet du statut de l'information et de la vérité” dans notre démocratie. Selon lui, il est urgent de rétablir des “tiers de confiance” et “accepter la hiérarchie des paroles”. Un maire, un député, un ministre ne peut pas être mis sur le même pied qu'un citoyen lambda vêtu d'un gilet jaune et qu'à la fin “tout se vaille”. Il a bien sûr fait allusion à la kyrielle de Gilets jaunes qu'on a vus sur les chaînes d'info et qui ont pu proférer n'importe quelle vérité invérifiable sans que les journalistes puissent hiérarchiser, vérifier, classer… »

Selon plusieurs autres médias invités, Emmanuel Macron s’est dans la foulée indigné que sur certaines antennes, on leur donne trop la parole. Dans une formule méprisante, il a eu ces mots : « Jojo avec un Gilet jaune a le même statut qu’un ministre ou un député ! » L’affreux Jojo contre monsieur le Ministre…

Le Point poursuit ainsi son compte-rendu : « Comment recrédibiliser les médias et faire la part du vrai et du faux ?, s'interroge-t-il. Emmanuel Macron y réfléchit et invite la presse à faire de même. “Le bien public, c'est l'information. Et peut-être que c'est ce que l'État doit financer”, dit-il, dans une réflexion à voix haute. “Le bien public, ce n'est pas le caméraman de France 3. Le bien public, c'est l'information sur BFM, sur LCI, sur TF1, et partout. Il faut s'assurer qu'elle est neutre, financer des structures qui assurent la neutralité. Que pour cette part-là, la vérification de l'information, il y ait une forme de subvention publique assumée, avec des garants qui soient des journalistes. Cette rémunération doit être dénuée de tout intérêt. Mais quelque part, cela doit aussi venir de la profession.” »

L’intérêt de ces propos d’Emmanuel Macron, c’est qu’ils laissent clairement transparaître sa conception de l’information. Une conception caporalisée : à l’entendre, le rôle de la presse serait de faire entendre le « vrai », pour étouffer le faux. En quelque sorte, le bon journal serait celui qui propage la vérité – la pravda en russe ! Pas celui qui enquête, qui investigue, qui révèle les faits que les pouvoirs, quels qu’ils soient, financiers ou politiques, voudraient cacher aux citoyens ; non : la presse qui ne dérange pas.
Sous-entendu : forcément, la vérité telle que la conçoit le régime. Et du même coup, la bonne presse devrait être « neutre ». Foin du pluralisme de la presse, qui permet aux citoyens de choisir tel titre plutôt que tel autre en fonction de ses choix éditoriaux, de la hiérarchie choisie des faits. Le chef de l’État affiche son choix : une presse uniforme.

Le propos est même beaucoup plus menaçant que cela, puisque Emmanuel Macron va jusqu’à envisager que l’État puisse « financer des structures qui assurent la neutralité » de tous les titres. En somme, l’État ferait intrusion au sein de tous les médias, même privés, pour orienter l’information ou la certifier, avec l’aide de journalistes qui accepteraient de collaborer à ce système d’information fléchée.

Les remarques d’Emmanuel Macron ne sont, certes, pas toutes explicites ou abouties. Ce système de « structures » financées par l’État et destinées à certifier l’information a-t-il quelque chose à voir avec le projet de conseil de déontologie de la presse auquel le gouvernement travaille, et qui suscite beaucoup d’inquiétudes ou de réticences parmi les sociétés et syndicats de journalistes ? Ou est-ce un projet complémentaire, se surajoutant à ce conseil de déontologie et débouchant sur une mise sous tutelle renforcée des rédactions ?

Sans grande surprise, les propos présidentiels ont, quoi qu’il en soit, suscité de très vives critiques, venues d’horizons multiples. Dans un autre article, Le Point lui-même a donné le ton : « Vous ne rêvez pas. Le président de la République propose que l'État rémunère certains journalistes dans les rédactions. Il envisage sans ciller ce qui ressemble à une nationalisation partielle de la presse. On passe sur l'affirmation délirante selon laquelle il existerait dans le journalisme une “part” destinée à la “vérification” : le reste serait autorisé à raconter n'importe quoi ? L'essentiel est là : il s'agit tout simplement d'un programme de tutelle. Le président s'en rend-il compte ? Il évoque, certes, des modalités qu'il imagine sans doute plus douces : “cela doit aussi venir de la profession”, dit-il, évoquant des “garants qui soient des journalistes”. Bien sûr… Prenant conscience de la sagesse infinie de notre infaillible Jupiter, les journaux décideront spontanément de lui confier la détermination de la vérité via un système financé par lui, et ce, pour le plus grand bonheur du peuple… »

Dans une chronique remarquée sur le site Slate.fr, intitulée Emmanuel Macron, le journalisme de cour, et le contrôle des médias, le journaliste Claude Askolovitch a tenu des propos encore plus acerbes : « Notre président de la République veut réordonner notre monde ; nous manquons de vérité, il va y remédier. Il veut “s’assurer de la neutralité” et “vérifier l’information” dans les médias, en créant des “structures”, financées par l’État, qui contrôleraient médias publics et privés, structures nanties de journalistes qui seraient les “garants” de l’affaire. Notre président de la République, disons simplement, veut mettre le journalisme sous tutelle, telle une classe sociale assistée dont il faudrait encadrer les “conneries”, tels des présupposés casseurs qu’il faudrait bannir des manifestations. La liberté s’épanouira sous la contrainte ? Son organe de vérification s’imposera-t-il à la presse ? Les journalistes qui lui seront affrétés deviendront-ils nos supérieurs et nos gardiens, nos censeurs, les auxiliaires du pouvoir, de l’État ? »

Le précédent sur le secret des affaires
Et le journaliste, qui ordinairement tient la revue de presse de France Inter, ajoute : « C’est un péché récurrent, chez les idéalistes, de s’autoriser à régenter les autres, dans leur vie ou leurs paroles, leurs images ou leurs écrits – on nous dit toujours que c’est pour le bien commun. On a connu d’autres ennemis de la liberté de la presse, tonitruant ici, tweetant aux Amériques. On n’imaginait pas Emmanuel Macron en Trump lissé, en Mélenchon poli ? Il leur ressemble pourtant et les dépasse quand il pense à voix haute, et par un journaliste, nous ne pouvons l’ignorer. Qu’en ferons-nous? »

On pourrait certes objecter que le chef de l’État a parlé de manière impromptue, sans forcément peser chaque mot, comme cela peut arriver dans une conversation à bâtons rompus. Cette hypothèse ne peut pourtant pas être prise en compte. D’abord parce qu’Emmanuel Macron sait ce que parler veut dire : quand il parle devant une poignée de journalistes, c’est parce qu’il souhaite que son propos soit divulgué.

Surtout, ces pistes préoccupantes de mise sous tutelle de l’information sont en ligne avec la politique déjà mise en œuvre par Emmanuel Macron, depuis son accession à l’Élysée.

Avant qu’il n’arrive au pouvoir, le droit de savoir des citoyens a, certes, déjà été gravement mis en cause. Tout au long des quinquennats de Nicolas Sarkozy puis de François Hollande, une dizaine de milliardaires ont fait l’acquisition de tous les grands médias français, dont les derniers journaux indépendants, et d’immenses conglomérats se sont constitués. Celui de Patrick Drahi, avec Libération, L’Express, RMC, BFM Business, BFM TV ; celui de Xavier Niel et Matthieu Pigasse, associé depuis peu au milliardaire tchèque Daniel Kretinsky, par ailleurs propriétaire du magazine Marianne ; celui de Bernard Arnault, propriétaire des Échos et du Parisien ; ou encore celui de Vincent Bolloré, avec Canal+ et CNews…

Et de cette normalisation économique a découlé, comme Mediapart en a tenu la chronique tout au long de ces dernières années, une normalisation éditoriale inquiétante, avec à la clé une cascade de censures ou d’instrumentalisations, sans parler de l’autocensure très forte que génère dans de nombreuses rédactions cet écosystème délétère d'une presse entre les mains des puissances d'argent.

Accédant à l’Élysée, Emmanuel Macron n’a donc pas apporté sa touche à cette concentration de la presse, lourde de dangers pour son pluralisme, pour la bonne et simple raison que cette opération main basse sur l’information était déjà très avancée. Tout juste a-t-il pris soin d’afficher sa proximité avec certains des oligarques qui ont récemment pris possession des grands médias français, et notamment avec l’un d’entre eux, Xavier Niel, copropriétaire du Monde et de L’Obs. Lequel Xavier Niel, en retour, a affiché son soutien appuyé à Emmanuel Macron pris dans les turbulences de la crise sociale, comme le montre son entretien le 6 décembre, au micro d’Europe 1 :
"Même si ce n'est pas populaire de dire ça, je crois que nous avons un super Président capable de réformer la France. Il est en train de faire des lois fantastiques, comme celle qui permet la redistribution des richesses", dit @Xavier75 @nikosaliagas #europe1

Mais l’opération main basse sur l’information étant presque menée à son terme, Emmanuel Macron a tout de même contribué, lui aussi, à ce grave recul historique du droit à l’information, en promouvant deux textes majeurs en France, celui sur le secret des affaires et celui sur les « fake news ». Deux textes qui présentent un point commun, celui de détricoter la grande loi progressiste du 29 juillet 1981 (lire ici). Encadrant la vie de la presse depuis 138 ans, celle-ci affiche son ambition libérale, au sens anglo-saxon du terme, dès son article 1 : « L’imprimerie et la librairie sont libres. » En clair, à son origine, la loi fixait la liberté et la transparence comme principes majeurs encadrant l’activité de la presse, et définissait par la suite les sanctions en cas d’abus de cette liberté.

Avec Emmanuel Macron, on a assisté à un véritable renversement : au travers de ces deux textes sur les « fake news » et le secret des affaires, les principes de la loi de 1881 ont été battus en brèche et l’opacité est devenue la règle, la loi définissant juste quelques exceptions.

De ces deux textes, organisant une grave régression démocratique, jusqu’aux propos récents d’Emmanuel Macron suggérant des systèmes de certification de l’information contrôlés par l’État, il y a donc une continuité : du libéralisme progressiste qui était consigné dans la Déclaration des droits de l’homme et qui a inspiré la grande loi de 1881, la France est en train de basculer vers un système illibéral, pour ne pas dire liberticide. Hier, selon la belle formule de Camille Desmoulins, la presse était conçue comme la « sentinelle » de la démocratie ; aujourd'hui, Emmanuel Macron rêve d'une « sentinelle » appointée par l’État pour encadrer le travail de la presse…


Les origines économiques de l’autoritarisme d’Emmanuel Macron

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La tentation d’un régime plus autoritaire dans la France de 2019 trouvait déjà ses racines dans la vision économique du candidat Macron. Or cette soumission à l’exigence néolibérale de circulation du capital est définie comme une exigence transcendante, qui dépasserait le cadre national et s’imposerait au pays.

L’évolution autoritaire du quinquennat d’Emmanuel Macron ne peut se comprendre qu’en partant de la source de ce pouvoir : l’économie. L’actuel président de la République a construit sa candidature et son existence politique sur une certitude : celle que la France était en déclin et que ce déclin s’expliquait par son refus de se soumettre à la « modernité ».

Or si la France a été incapable de s’y soumettre, c’est parce qu’elle avait un système politique qui était incapable d’adapter le pays à la « réalité » de la mondialisation et à l’ordre économique qu’elle induit. Dans son ouvrage Révolution, Emmanuel Macron le dit clairement : « Notre vie politique est aujourd’hui organisée autour d’un clivage ancien qui ne permet plus de répondre aux défis du monde. »

La « vérité » selon Emmanuel Macron

Dès lors, l’identité politique de l’hôte de l’Élysée peut se comprendre comme l’idée qu’il convient de briser avec les compromis du passé et de soumettre le pays, pour son « bien », à l’ordre économique. Le 1er mai dernier, dans un entretien accordé à la revue étasunienne Forbes, Emmanuel Macron avait déjà revendiqué cette vision du monde ; les investisseurs choisissent les pays qui seront les destinataires de leurs bienfaits et la fonction des États est de se rendre « attirants » (le président le dit explicitement dans ce texte). Ceci est clairement une politique néolibérale.

Comme le souligne l’auteur Quinn Slobodian dans son récent ouvrage Globalists (paru aux Presses universitaires de Harvard en 2018), le « néolibéralisme » est un courant de pensée qui vise avant tout à favoriser la liberté de circulation du capital. Or la condition principale de cette liberté réside dans la concurrence entre les États, concurrence qui elle-même s’appuie sur la capacité de ces derniers à offrir le « meilleur coût », donc moins d’impôts et un prix du travail faible. Ce sont les fameuses « réformes structurelles » qui forment la pierre angulaire du programme d’Emmanuel Macron et sur lesquelles l’exécutif n’entend à aucun prix revenir. Pour une raison évidente : c’est sur la réalisation de ces réformes que s’est constituée la vision politique du chef de l’État.

Or cette soumission à l’exigence néolibérale de circulation du capital est définie comme une exigence transcendante, qui dépasserait le cadre national et s’imposerait au pays. Elle l’est parce que la science économique lui a permis de l’être. Durant une trentaine d’années s’est en effet construit, comme l’explique dans cette vidéo de Mediapart l’économiste à l’OFCE Francesco Saraceno, un « compromis » scientifique entre les pensées néokeynésiennes et néoclassiques, qui a sanctionné les bienfaits de la concurrence. Tout ce qui s’est retrouvé hors de ce compromis, ce que l’on appelle « l’hétérodoxie », a été placé hors du champ scientifique.

Voici qui tombait à point : les réformes, visant à renforcer l’ordre concurrentiel à tous les niveaux, sont dès lors devenues la réalisation concrète d’une vision rationnelle du monde s’opposant à un « obscurantisme », pour reprendre les mots des économistes Pierre Cahuc et André Zylberberg dans leur pamphlet contre le « négationnisme économique ».

Dès lors, cette politique devient non plus une simple soumission, mais une reconnaissance de la vérité du monde et donc du réel. Et la tâche de la politique doit être de faire entrer le pays dans cette réalité à laquelle il se refuserait. « Nos partis politiques sont morts de ne s’être pas confrontés au réel », expliquait le futur président dans Révolution. Pour enfoncer le clou, on présente quelques exemples édifiants, mais toujours isolés et hors contexte général, prouvant le succès de cette reconnaissance de la vérité : l’Allemagne pour le marché du travail, la Suède pour les taxes sur le capital, le Canada pour les finances publiques, le Royaume-Uni pour l’administration, la Suisse pour l’innovation…

Alors la solution cesse d’être politique. Le débat n’oppose plus la droite et la gauche, mais les défenseurs de la vérité, rebaptisée « réel » ou « modernité », et ceux de l’erreur. La fonction du chef de l’État n’est plus que de faire entrer son pays dans cette vérité. C’était là le sens de cette « transcendance » qui emporterait le président de la République et dont parlait Emmanuel Macron dans un entretien de septembre 2016.

Sa mission est celle de faire passer la France des ténèbres à la lumière. Et seule l’acceptation de cet ordre néolibéral permettra de faire renaître le pays de son supposé déclin. « Le destin français est d’embrasser la modernité, non pour faire table rase ou pour s’adapter servilement au monde mais pour le conquérir en le regardant bien en face », écrivait Emmanuel Macron. La soumission à l’ordre économique devient alors le salut du pays. Cette fonction sacerdotale se retrouve aujourd'hui dans les grand-messes du « grand débat », où le président porte la bonne parole devant les foules.

L’impossible compromis social

En France, une telle pensée franchement revendiquée a pu paraître effectivement « révolutionnaire », comme l’a prétendu le pompeux titre du livre-programme de l’actuel président de la République. L’économiste Bruno Amable, professeur à l’université de Genève, permet de mieux comprendre pourquoi dans un ouvrage publié en anglais en 2017 (Structural Crisis and Institutional Change in Modern Capitalism: French Capitalism in Transition, paru aux Presses universitaires d’Oxford). Selon lui, la France a bien connu, notamment après le « tournant de la rigueur » de 1983, de « substantiels changements institutionnels » allant vers l’idéal néolibéral. Mais, précise-t-il, « la transformation du modèle français reflète l’adaptation des institutions néolibérales à la structure institutionnelle française préexistante dont les éléments remontent pour la plupart à la période fordiste de l’après-guerre ».

Ce modèle que Bruno Amable appelle « hybride » n’est pas une forme dégénérée ou incomplète, il a sa propre cohérence et sa propre justification. De fait, il correspond à la réalité sociale et politique du pays. Les différents gouvernements depuis 1983 se sont efforcés d’introduire des éléments néolibéraux, mais de manière progressive, afin de préserver des équilibres qui permettaient de conserver leurs propres ancrages dans la société.

« Les institutions sont le résultats des compromis sociopolitiques », rappelle Bruno Amable. La France, pays marqué jusqu’à la Première Guerre mondiale par de fortes inégalités et une forte liberté accordée au capital, est restée attachée au modèle issu de l’après-guerre. Et comme ce modèle a été créé par des éléments de gauche et de droite, les deux camps ont dû en préserver des pans entiers.

Or c’est précisément contre cette « hybridation » que s’est défini Emmanuel Macron. Puisqu’on ne transige pas avec la vérité, on ne peut accepter de compromis. Le rejet du « clivage droite-gauche » de l’actuel président de la République, c’est le rejet de ce compromis permanent, c’est la promesse d’une pureté de la politique, incarnée dans une vérité technocratique. En cela, cette démarche est d’une véritable radicalité : celle qui vise une politique qu’il veut plus « vraie », mais qui refuse toute résistance de la réalité sociale. Le réel rêvé par les technocrates prend alors le pas sur le réel concret, social, politique. Il faut faire entrer cette dernière réalité dans l’idéal, s’il le faut aux forceps puisque c’est pour le bien de la société.

Dès lors, la politique d’Emmanuel Macron s’éclaire d’un jour nouveau : réaliser un compromis sur les « réformes », ce serait revenir aux méthodes politiques précédentes, ce serait accepter l’hybridation et donc refuser que la vérité triomphe. C’est absolument impossible. Cette intransigeance, qui s’est manifestée dans le mode d’organisation du « grand débat », ne peut porter que sur les « baisses d’impôts » et les « économies à réaliser ».

Pour passer outre les résistances, ne reste que l’autoritarisme
Seulement voilà, la société française résiste. L’hybridation du système français correspondait à un équilibre social. Le détruire laisse nécessairement place au conflit. D’autant qu’Emmanuel Macron a, pour mener sa « révolution », ou plutôt sa destruction de ce système, surestimé l’ampleur de son soutien en se prévalant des élections présidentielle et législatives de 2017. Mais ces deux scrutins n’ont guère apporté de soutien clair à ses choix économiques. Le 5 mai, le scrutin a d’abord été un vote de rejet de l’extrême droite, tandis que les législatives sont souvent marquées par un « légitimisme » en faveur du chef d'Etat élu, qui ne s’est jamais démenti depuis 2002, et par une forte abstention.

La réalité est que le socle de soutien à cette politique économique présidentielle est réduit à ce que Bruno Amable et Stefano Palombarini appellent « le bloc bourgeois ». Un bloc qui n’est pas majoritaire, à la différence de ce que l’on observe dans les pays du nord de l’Europe, mais qui, système électoral oblige, peut l’emporter compte tenu de la division du bloc adverse. Sauf que ce bloc adverse peut faire front pour s’opposer à la politique de destruction du modèle français. C’est là que l’on en est désormais : un face-à-face violent et sans compromis possible, parce que l’essence même du système français est en jeu et que le régime électoral n’a pas pu clairement expliciter le choix de la majorité sur ce sujet.

Mais pour Emmanuel Macron, céder est impossible. Ce serait non seulement renoncer à son identité politique, mais aussi échouer à une épreuve essentielle, une forme de « baptême néolibéral ». « Les néolibéraux mettent en évidence la nécessité de passer outre les décisions populaires lorsqu’elles contreviennent à ce qui est vu comme un principe supérieur », écrit Quinn Slobodian. Assumer son impopularité, c’est se montrer capable de défendre la vérité envers et contre tout.
Il y a là une forme de fanatisme dans lequel on prouve sa capacité par son opposition à son propre peuple. On a vu des postures de ce genre dans toute l’Europe durant la crise de la dette : au Portugal, en Grèce, en Italie ou en Espagne. Pour Emmanuel Macron, c’est une façon de construire sa stature internationale, de montrer qu’il peut « réformer » ces Gaulois irréformables. C’était ce qui impressionnait tant les médias anglo-saxons au début du quinquennat.

Mais si céder est impossible, comment « passer outre » la résistance de la société française ? Quinn Slobodian décrit comment, à partir des années 1980, ont été construites des structures internationales capables de soumettre les États à l’ordre néolibéral : l’OMC, le FMI, l’UE, les marchés financiers… Lorsqu’un État décidait de changer de politique, cette pression « externe » le ramenait à la raison. Mais la France ne prête guère le flanc à ce genre de pression. La France n’a pas à craindre ses créanciers. Les marchés ont soutenu son modèle hybride et ne s’inquiètent guère du mouvement des gilets jaunes, ce qui rend, du reste, toute menace de l’UE peu crédible, à la différence du cas italien. Bref, cette option ne fonctionne pas.

Par ailleurs, Emmanuel Macron ne peut guère s’appuyer sur une prétendue « efficacité » de ses recettes économiques. Aucune de ses réformes, pas davantage que les précédentes, n’ont été en mesure de rendre la France plus solide économiquement, bien au contraire. En brisant le subtil équilibre entre État, consommateurs et entreprises et en faisant un mauvais diagnostic, centré sur l’attractivité et la compétitivité coût, il l’a plutôt affaiblie. Dès lors, la politique de « compensations » mise en place n’a guère porté ses fruits, d’autant qu’elle a été timide. Et les 10 milliards d’euros annoncés en décembre ne devraient pas tellement changer la donne, dans la mesure où les « réformes » atteignent le cœur du système français et donc de la confiance des ménages : l’emploi, la retraite, le chômage, le logement. On peut prétendre, comme le font les néolibéraux, qu’il en faut « encore plus », et c’est, du reste, ce que prétend le président de la République. Mais cette stratégie de la « fuite en avant » permanente est peu convaincante.

Incapable de prouver l’efficacité de sa politique, Emmanuel Macron n’a plus qu’une seule carte en main pour imposer sa « vérité » : celle de l’abus d’autorité. Une carte que le régime actuel, régime personnalisé dont le berceau est une guerre sanglante, lui permet de jouer aisément. Puisque le président de la République connaît la vérité, sait quelle est la bonne voie pour la France, il a le devoir, pour le bien de la France, de mener le pays dans cette voie, contre le désir du pays lui-même. Il lui faut faire le bonheur de « son » peuple malgré lui. Et cela vaut bien de le secouer, par une limitation du droit de manifester, par une tentation de contrôler la « neutralité » de la presse (donc son acceptation de la « vérité » néolibérale) et par une répression des mouvements d’opposition.

La certitude d’Emmanuel Macron d’agir pour le bien du pays et d’être guidé par une vérité transcendantale a de quoi fondamentalement inquiéter. Le néolibéralisme est actuellement sur la défensive. La crise de 2008 et ses suites, son inefficacité à relancer la croissance et à gérer la transition écologique tendent à le remettre en question.

Les grandes organisations internationales remettent en cause certains de ses dogmes comme la libéralisation du marché du travail, la « théorie du ruissellement », la liberté des capitaux… Ce qui se joue aujourd’hui, c’est une crise de régime économique, au sens de celle que l’on a connue dans les années 1930 et 1970. Dans ce contexte, la tentation autoritaire du néolibéralisme se renforce.

En février dernier, Dani Rodrik, l’économiste étasunien d’origine turque, professeur à Harvard, signalait que les démocraties libérales n’étaient pas menacées uniquement par un glissement vers la « démocratie illibérale », danger souvent agité. Un autre existe : « les libéralismes non démocratiques ». Cette idée a été développée par un autre chercheur de Harvard, Yascha Mounk, dans un chapitre de son ouvrage Le Peuple contre la démocratie, traduit aux éditions de l’Observatoire. Il s’agit d’un système où les vraies décisions sont soumises à des règles non choisies, issues de principes non démocratiques définis par l’ordre économique, et où le pouvoir se doit d’assurer l’obéissance des États à ces lois, s’il le faut au prix des libertés fondamentales. C’est vers un tel destin que la France semble désormais se diriger.


«Cette loi “anticasseurs” ne menace pas le délinquant, elle menace le citoyen»

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Malgré de vives critiques, exprimées jusque dans les rangs de la majorité, la loi « anticasseurs » devrait faire l’objet d’un vote solennel le 5 février. De François Sureau à Henri Leclerc, en passant par des soutiens d’Emmanuel Macron tels que Jean-Pierre Mignard, les défenseurs des libertés publiques s’inquiètent de cet énième texte répressif.

Son cri d’alarme a résonné bien au-delà des murs de l’Assemblée nationale. Mercredi 30 janvier, en plein examen de la proposition de loi « prévention et sanction des violences lors des manifestations », autrement connue sous le nom de loi « anticasseurs », le député centriste Charles de Courson (Libertés et Territoires) a soudainement exprimé haut et fort ce que beaucoup, y compris au sein de la majorité, pensent tout bas.

« Réveillez-vous mes chers collègues ! Le jour où vous aurez un gouvernement différent, vous verrez, quand vous aurez une droite extrême au pouvoir, vous verrez, c’est une folie que de voter cela ! » a-t-il lancé au sujet de l’article 2 du texte, qui permet d’interdire de manifestation des personnes par arrêté préfectoral. C’est aussi en raison de cet article que le député La République en marche (LREM) Aurélien Taché a indiqué au JDD qu’il ne voterait pas cette proposition de loi « en l’état ». Les deux élus ne sont pas les seuls à s’inquiéter des dispositions qui figurent dans ce texte élaboré par la droite sénatoriale à l’automne 2018 et recyclé dans l’urgence par le gouvernement d’Édouard Philippe.

Car au-delà de la seule sphère politique, les défenseurs des libertés publiques et des droits individuels dénoncent également une énième « loi de circonstance », qui n’aura d’autre effet que de restreindre le droit de manifester, lequel découle de l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme sur la liberté d’opinion. Dans ses observations en date du 29 janvier, le secrétariat général de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) a lui aussi mis en garde le législateur sur les risques engendrés par ce texte.
« Si l’objectif est d’interdire aux “casseurs” de manifester, l’arsenal juridique existant y répond déjà », indique l’institution, en pointant, article par article, toutes les carences – et elles sont nombreuses – de la proposition de loi. Avant d’en conclure que « les pouvoirs publics ne sauraient restreindre encore davantage la liberté de manifester, déjà fortement encadrée, sans porter atteinte à l’un des piliers d’une démocratie vivante ». Ces observations n’ont pour l’heure rien changé. Et malgré les vives critiques qu’il suscite, le texte, dans sa forme toilettée par le Palais-Bourbon, devrait faire l’objet d’un vote solennel mardi 5 février.

Ces critiques n’ont pourtant rien d’une simple opposition politique classique. Elles sont d’ailleurs parfois émises par des personnalités qui, sur bien d’autres sujets, soutiennent l’action d’Emmanuel Macron. Or, depuis le début du quinquennat, elles n’ont jamais été entendues, comme en témoigne la façon dont avait été adopté, à l’automne 2017, le projet de loi « renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme », qui fit entrer dans le droit commun les principales mesures de l’état d’urgence. À l’époque déjà, l’ensemble des défenseurs des droits humains, tout comme les experts qui en ont officiellement la charge aux Nations unies, s’était dressé contre les dérives de ce texte. En vain.

Pour l’avocat François Sureau, avec qui le président de la République échange à intervalles réguliers, cette nouvelle loi « anticasseurs » est « un tournant plus important que celui de la loi de sortie de l’état d’urgence ». « Au fond, déroger aux principes pour lutter contre le terrorisme, ça se conçoit parce que le terrorisme menace la société de liberté. Je n’adhère pas à cette position mais elle se comprend, explique-t-il à Mediapart. Mais s’attaquer au droit de manifester en le soumettant au contrôle administratif a priori, c’est s’attaquer à la liberté elle-même. S’il y a des casseurs, le droit commun y pourvoit. »

Et de poursuivre : « Réduire les libertés publiques au motif que certains en feraient un mauvais usage, c’est s’engager sur une pente extrêmement dangereuse. Un jour viendra ou on tiendra le même raisonnement à propos de la liberté d’association ou de la liberté de la presse. Que veut-on instituer à la fin ? Le permis de manifester, qui ne serait accordé qu’à des manifestants bien propres adoubés par le préfet de police ? »

Selon François Sureau, derrière ces questions, « c’est l’existence du citoyen libre, qui ne doit jamais pouvoir être intimidé a priori par le gouvernement », qui se joue. « Quant aux auteurs de délits, le droit existant permet déjà de les réprimer, conclut-il. Cette loi ne menace pas le délinquant, elle menace le citoyen. » Un avis partagé par trois autres avocats, défenseurs eux aussi des libertés fondamentales, que Mediapart a également interrogés sur le sujet.

De la loi « anticasseurs » qui « fait craindre le pire pour l’avenir » (Henri Leclerc, avocat, président d’honneur de la Ligue des droits de l’homme – LDH), aux mauvaises réponses apportées « dès l’origine » au mouvement social des « gilets jaunes » (Jean-Pierre Mignard, avocat, proche d’Emmanuel Macron, membre de LREM et du comité consultatif national d’éthique – CCNE), en passant par leur inquiétude plus générale face à la « dérive sécuritaire » d’un « pouvoir politique décrédibilisé » (Patrice Spinosi, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, représentant notamment la LDH), ils donnent de la voix pour tenter de « réveiller » à leur tour ceux qui s’apprêtent à voter un énième texte répressif.

Henri Leclerc, avocat, président d’honneur de la LDH

« Le nom qui est communément attribué par tout le monde à cette loi est en lui-même significatif, dans la mesure où il évoque la précédente loi anticasseurs de 1970, qui avait été prise dans les mêmes conditions : une situation un peu chaude, en l’occurrence post-soixante-huitarde. Considérée comme une loi liberticide, elle fut d’ailleurs l’une des premières à avoir été abrogée par la gauche à son arrivée au pouvoir en 1981.
Cette nouvelle loi est une loi de communication. Le ministre de l’intérieur dit que ce n’est pas une loi de circonstance. C’est un mensonge. C’est une loi de circonstance, dans le sens où elle arrive au Parlement en raison des circonstances. Le gouvernement ne l’avait pas portée à l’Assemblée après son adoption au Sénat à l’automne, évoquant “un délai de sagesse”. Aujourd’hui, la sagesse a disparu.

Les lois de circonstance sont toujours de mauvaises lois. Parce qu’une loi, ça se réfléchit, ce n’est pas un arrêté ministériel. Les plus célèbres exemples à ce sujet, ce sont les fameuses lois qu’on a appelées les lois scélérates de 1893 et 1894, destinées à répondre aux menées anarchistes. L’anarchie a disparu très vite pour des raisons qui n’ont rien à voir avec ces lois, qui, elles, sont restées et n’ont servi qu’à réprimer l’ensemble du mouvement ouvrier pendant tout le XXe siècle.

Pour répondre à une situation de crise, on ne trouve rien d’autre que de chercher à promouvoir des dispositions qui restreignent les libertés au nom de la sécurité. Ce n’est pas nouveau. Depuis quelques années, on a créé un code de la sécurité intérieure, à côté du code de procédure pénale, qui dépossède au maximum le pouvoir judiciaire de son rôle de gardien des libertés individuelles. Cette nouvelle loi s’inscrit dans la même lignée.

L’article 2, qui instaure l’interdiction préfectorale de manifester, est à ce titre le plus préoccupant. Cette idée d’un pouvoir d’interdiction du préfet, de mise à l’écart de citoyens qui n’ont pas été condamnés, me paraît tout à fait inquiétante. C’est encore une fois une dépossession du pouvoir judiciaire. Nous sommes en face de quelque chose qui est grave, quels que soient les petits amendements qui ont été faits. C’est une grande régression des libertés.

L’autre point préoccupant est celui du fichier. On est en train de créer un fichier gigantesque avec des sous-fichiers contenant toute personne suspecte, toute personne qui ne serait pas véritablement soumise. L’idée selon laquelle nous pourrions résoudre le problème des casseurs en faisant un fichier est d’ailleurs absurde. Ce problème-là est une question de police générale et ne se résout ni par la violence ni par les fichiers.

On ne peut pas dire que Macron soit un homme qui ignore les mécanismes réels des principes fondamentaux de la démocratie. Mais il pense que nous sommes dans une société libérale, qui considère que les principes fondamentaux sont des superstructures qui ne font pas le poids face à l’efficacité du système. Dans cette conception générale, il ne faut pas que ces principes viennent entraver l’efficacité de l’action. Au fur et à mesure des années, on a peu à peu oublié que libertés individuelles devaient être préservées. Et la situation s’est encore aggravée sous ce quinquennat.
Face aux futures réformes, celle des retraites notamment, qui vont forcément être très impopulaires, le gouvernement se donne des armes, mais ce n’est pas de cette façon que l’on arrête une contestation. Ce que je crains le plus, c’est un changement de majorité considérable, avec un passage à l’extrême droite. Mettre dans notre arsenal législatif des dispositions anti-manifestations aussi dangereuses pour les libertés publiques me fait craindre le pire pour l’avenir.

D’autant que, comme ils ne réussiront pas à juguler les manifestations très fortes qu’il va y avoir, ils prendront une nouvelle loi plus répressive encore. C’est ce qu’on a fait pour le terrorisme. Depuis les premiers grands attentats de ces dernières années, il y a eu pratiquement une nouvelle loi antiterroriste par an, parce que les précédentes, tout en restreignant les libertés de tous, n’avaient pas réussi à éradiquer le terrorisme. C’est un enchaînement. La seule chose qui me donne un peu d’espoir, c’est le frémissement que l’on a aperçu parmi les députés LREM. Ils ne sont pas allés très loin, mais c’est déjà pas mal. »

Jean-Pierre Mignard, avocat, membre de LREM et du CCNE

« Les graves incidents d’ordre public avec la police sont d’abord nés de l’erreur d’appréciation politique du mouvement des gilets jaunes, que l’on a voulu marginaliser. Or ce mouvement allait bien au-delà de lui-même. Cette loi “anticasseurs” est une loi de circonstance. On fabrique une nouvelle fois dans l’urgence un texte qui, de l’avis même des professionnels, sera difficile à utiliser.
Dans le même temps, je constate qu’il n’y a pas eu de travail sérieux sur les carences des dispositifs législatifs existants. On doit toujours considérer que c’est le fait, et le fait lui seul, qui doit être punissable. Or cette loi crée un délit de présomption de participation à une manifestation en vue de procéder à des dégradations de biens ou à des violences contre les personnes.

Manifester est une liberté fondamentale, comme celle d’aller et de venir. Qui veut-on interdire de manifestation ? Est-ce que ce sont des personnes qui ont des opinions radicales ? Qu’est-ce qu’une opinion radicale ? Une opinion reste une opinion, qu’elle soit radicale, déplaisante, voire insupportable. Elle ne cause pas de violences physiques ni aux personnes ni aux biens. Il revient au juge, et au juge seulement, de pénétrer sur le terrain des libertés publiques et des droits individuels. Cette loi n’est pas une mesure de droit, c’est une mesure de police. Les parlementaires devraient sérieusement y réfléchir.

Ce sera ensuite au juge constitutionnel de trancher. Je ne vois pas certaines dispositions de ce texte faire long feu. Elles ne résisteront pas à un examen de droit. Je pense que ceux qui sont à l’origine de cette loi le savent, en tout cas s’ils ne savent pas, c’est encore plus inquiétant parce que ça signifie que leur documentation juridique est très faible.

Comme d’habitude depuis tant d’années, on répond à des manifestations par un souci de fermeté, de sévérité affirmée. On cherche à rassurer une partie de l’opinion qui demande toujours plus de textes de loi, sans forcément vérifier leurs fondements juridiques. Je note le grand silence du président de la République à ce sujet. Je pense que ce n’est pas son initiative. On sait depuis très longtemps que l’administration du ministère de l’intérieur est toujours très prolifique en nouveaux textes. Et dans des périodes comme celle-ci, par définition, on ne lui refuse rien.

Christophe Castaner prend la défense de ses fonctionnaires, ce qui est bien normal, mais il devrait prendre en considération toutes les violences. Il n’est pas ministre de la police, il est ministre de la République, c’est-à-dire qu’il est aussi responsable des personnes qui ont été blessées dans des circonstances qui n’ont rien à voir avec la protection des fonctionnaires de police.

Depuis l’origine du mouvement des gilets jaunes, nous disons que c’est une colère légitime, mais en même temps, nous parlons de “factieux”. Il y a deux lignes dans la majorité, deux manières d’appréhender ce qui est d’abord l’expression d’une crise sociale grave. Quand il y a une crise sociale, les gens ne vont pas manifester avec un traité du savoir-vivre sous la main. Ceux qui commencent à marcher avec des intentions pacifiques peuvent être saisis à un moment donné par des intentions violentes, dans une confrontation avec la police, sans avoir de volonté prédéterminée de commettre des actes. Une manifestation, c’est un groupe en fusion comme dit Sartre.

La réponse du gouvernement n’a pas été pour rien dans les réactions rageuses de certains manifestants. C’était dangereux de le réduire à une prise d’otages des courants extrémistes, populistes, ou même fascistes. Il me semble qu’il eût fallu faire preuve de prudence, d’autant plus que ce mouvement n’est pas organisé : il n’a pas de leader ni de représentant ni de cordon de sécurité. Il fallait donc le protéger de lui-même et pas forcément envoyer des milliers de grenades lacrymogènes. Il fallait sans doute aussi répondre à la crise sociale beaucoup plus rapidement que cela n’a été fait. Et être plus attentif à ce qu’elle révélait. »

Patrice Spinosi, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation

« Je pense que nous vivons en ce moment un glissement très dangereux. On est entré dans une logique d’exception, en habituant notre société, pendant les presque deux ans qu’a duré l’état d’urgence, à un certain nombre de mesures attentatoires à nos libertés. Il s’agit en particulier de mesures de police administrative, qui tendent à écarter le juge judiciaire, en donnant de plus en plus de pouvoir aux forces de police et au ministère de l’intérieur, pour contrôler et sécuriser l’espace public.
Aujourd’hui, le gouvernement et les forces de police sont en train de réemployer les mêmes mécanismes pour procéder au maintien de l’ordre public, non plus à l’égard des terroristes, mais à l’égard de ceux qui dérangent ou qui apparaissent comme des fauteurs de troubles. On voit bien comment l’exception, une fois qu’elle a été posée dans notre droit, fait tache d’huile, pour finir par devenir la règle.

L’exemple le plus typique de cette dérive, dans la loi “anticasseurs”, se manifeste avec les interdictions administratives de manifester. Il s’agit très exactement de la réplique de ce qui existait dans le cadre de l’état d’urgence. On avance toujours plus loin dans la logique de justice prédictive. Concrètement, cela est très grave. Petit à petit, on habitue les citoyens à vivre dans un régime de plus en plus contrôlé par le gouvernement, où on donne de plus en plus de pouvoirs et de libertés aux forces de police.

Pour qu’une démocratie fonctionne, il faut des pouvoirs et des contre-pouvoirs. Bien sûr il est nécessaire que les forces de police puissent avoir la latitude de faire leur travail, mais sous le contrôle des juges et sous l’égide de la loi. Or, aujourd’hui, nous sommes régis par la politique du pire. On a l’impression que pour qu’un gouvernement se montre fort, il faut qu’il adopte une législation de plus en plus répressive. Mais c’est tout l’inverse : la répression n’est qu’une marque de faiblesse, en particulier lorsqu’elle s’applique dans le cadre de manifestations dans l’espace public.

Au lieu de gérer la crise avec le dispositif législatif déjà en vigueur, le gouvernement propose une énième législation répressive, que LREM avait pourtant refusé de voter au Sénat, il y a quelques mois. Certes, les temps ont changé, mais on voit bien comment les choses se font sous le coup de l’émotion et de la peur que représente le mouvement des gilets jaunes.

Dans la logique du gouvernement, on ne pourrait prétendre au droit de manifester qu’à la condition que le faire de façon paisible et silencieuse. Sauf que ça n’est pas la réalité. Dans les manifestations, on sait qu’il peut y avoir des dérapages et ces dérapages doivent être traités, sans forcément être réprimés par la force comme c’est le cas aujourd’hui. La violence engendre toujours la violence. Plus la répression sera dure à l’égard des manifestants, plus les manifestations seront susceptibles de monter d’un échelon dans la violence.

Cette dérive sécuritaire n’est pas nouvelle. Elle a été initiée sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, elle s’est perpétuée sous celui de François Hollande et se maintient avec Emmanuel Macron. Nous vivons dans une société de plus en plus inquiète, de plus en plus agressive, face à laquelle le pouvoir politique décrédibilisé se retrouve démuni et n’a d’autre choix que de montrer qu’il est actif pour essayer de ne pas perdre la face. Mais tout cela ne fonctionne pas. Depuis plusieurs années, la logique sécuritaire se renforce dans notre législation, mais au bout du compte, nous n’améliorons pas notre sécurité.

Le problème c’est que l’on ne voit pas comment les choses s’inverseraient. Il y a un consensus général pour aller dans le sens d’une plus grande répression. Cela d’autant plus que, sous ce quinquennat, il n’y a plus d’opposition politique structurée. L’ancienne droite appelle de ses vœux une législation encore plus répressive et l’ancienne gauche est tellement tétanisée et en minorité qu’elle n’est plus susceptible de faire entendre une voix audible.

Restent les juges, constitutionnels, judiciaires, administratifs… Ce sont les derniers gardes fous de nos libertés. Mais pour eux aussi, la pression est considérable. On en voit une illustration avec la décision par le Conseil d’État qui vient d’être rendue sur l’utilisation des LBD. Face à la pression sociale, il est très difficile pour les juges de tête au gouvernement et d’imposer, contre la volonté des politiques, la garantie de nos libertés fondamentales. »

_________________
L'histoire n'est pas la science du passé, mais la science des hommes dans le temps.


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Répondre en citant le message  MessagePosté: 04 Fév 2019 23:04 
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François de Malherbe a écrit:

«Cette loi “anticasseurs” ne menace pas le délinquant, elle menace le citoyen»

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Malgré de vives critiques, exprimées jusque dans les rangs de la majorité, la loi « anticasseurs » devrait faire l’objet d’un vote solennel le 5 février. De François Sureau à Henri Leclerc, en passant par des soutiens d’Emmanuel Macron tels que Jean-Pierre Mignard, les défenseurs des libertés publiques s’inquiètent de cet énième texte répressif.

Son cri d’alarme a résonné bien au-delà des murs de l’Assemblée nationale. Mercredi 30 janvier, en plein examen de la proposition de loi « prévention et sanction des violences lors des manifestations », autrement connue sous le nom de loi « anticasseurs », le député centriste Charles de Courson (Libertés et Territoires) a soudainement exprimé haut et fort ce que beaucoup, y compris au sein de la majorité, pensent tout bas.

« Réveillez-vous mes chers collègues ! Le jour où vous aurez un gouvernement différent, vous verrez, quand vous aurez une droite extrême au pouvoir, vous verrez, c’est une folie que de voter cela ! » a-t-il lancé au sujet de l’article 2 du texte, qui permet d’interdire de manifestation des personnes par arrêté préfectoral. C’est aussi en raison de cet article que le député La République en marche (LREM) Aurélien Taché a indiqué au JDD qu’il ne voterait pas cette proposition de loi « en l’état ». Les deux élus ne sont pas les seuls à s’inquiéter des dispositions qui figurent dans ce texte élaboré par la droite sénatoriale à l’automne 2018 et recyclé dans l’urgence par le gouvernement d’Édouard Philippe.

Car au-delà de la seule sphère politique, les défenseurs des libertés publiques et des droits individuels dénoncent également une énième « loi de circonstance », qui n’aura d’autre effet que de restreindre le droit de manifester, lequel découle de l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme sur la liberté d’opinion. Dans ses observations en date du 29 janvier, le secrétariat général de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) a lui aussi mis en garde le législateur sur les risques engendrés par ce texte.
« Si l’objectif est d’interdire aux “casseurs” de manifester, l’arsenal juridique existant y répond déjà », indique l’institution, en pointant, article par article, toutes les carences – et elles sont nombreuses – de la proposition de loi. Avant d’en conclure que « les pouvoirs publics ne sauraient restreindre encore davantage la liberté de manifester, déjà fortement encadrée, sans porter atteinte à l’un des piliers d’une démocratie vivante ». Ces observations n’ont pour l’heure rien changé. Et malgré les vives critiques qu’il suscite, le texte, dans sa forme toilettée par le Palais-Bourbon, devrait faire l’objet d’un vote solennel mardi 5 février.

Ces critiques n’ont pourtant rien d’une simple opposition politique classique. Elles sont d’ailleurs parfois émises par des personnalités qui, sur bien d’autres sujets, soutiennent l’action d’Emmanuel Macron. Or, depuis le début du quinquennat, elles n’ont jamais été entendues, comme en témoigne la façon dont avait été adopté, à l’automne 2017, le projet de loi « renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme », qui fit entrer dans le droit commun les principales mesures de l’état d’urgence. À l’époque déjà, l’ensemble des défenseurs des droits humains, tout comme les experts qui en ont officiellement la charge aux Nations unies, s’était dressé contre les dérives de ce texte. En vain.

Pour l’avocat François Sureau, avec qui le président de la République échange à intervalles réguliers, cette nouvelle loi « anticasseurs » est « un tournant plus important que celui de la loi de sortie de l’état d’urgence ». « Au fond, déroger aux principes pour lutter contre le terrorisme, ça se conçoit parce que le terrorisme menace la société de liberté. Je n’adhère pas à cette position mais elle se comprend, explique-t-il à Mediapart. Mais s’attaquer au droit de manifester en le soumettant au contrôle administratif a priori, c’est s’attaquer à la liberté elle-même. S’il y a des casseurs, le droit commun y pourvoit. »

Et de poursuivre : « Réduire les libertés publiques au motif que certains en feraient un mauvais usage, c’est s’engager sur une pente extrêmement dangereuse. Un jour viendra ou on tiendra le même raisonnement à propos de la liberté d’association ou de la liberté de la presse. Que veut-on instituer à la fin ? Le permis de manifester, qui ne serait accordé qu’à des manifestants bien propres adoubés par le préfet de police ? »

Selon François Sureau, derrière ces questions, « c’est l’existence du citoyen libre, qui ne doit jamais pouvoir être intimidé a priori par le gouvernement », qui se joue. « Quant aux auteurs de délits, le droit existant permet déjà de les réprimer, conclut-il. Cette loi ne menace pas le délinquant, elle menace le citoyen. » Un avis partagé par trois autres avocats, défenseurs eux aussi des libertés fondamentales, que Mediapart a également interrogés sur le sujet.

De la loi « anticasseurs » qui « fait craindre le pire pour l’avenir » (Henri Leclerc, avocat, président d’honneur de la Ligue des droits de l’homme – LDH), aux mauvaises réponses apportées « dès l’origine » au mouvement social des « gilets jaunes » (Jean-Pierre Mignard, avocat, proche d’Emmanuel Macron, membre de LREM et du comité consultatif national d’éthique – CCNE), en passant par leur inquiétude plus générale face à la « dérive sécuritaire » d’un « pouvoir politique décrédibilisé » (Patrice Spinosi, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, représentant notamment la LDH), ils donnent de la voix pour tenter de « réveiller » à leur tour ceux qui s’apprêtent à voter un énième texte répressif.

Henri Leclerc, avocat, président d’honneur de la LDH

« Le nom qui est communément attribué par tout le monde à cette loi est en lui-même significatif, dans la mesure où il évoque la précédente loi anticasseurs de 1970, qui avait été prise dans les mêmes conditions : une situation un peu chaude, en l’occurrence post-soixante-huitarde. Considérée comme une loi liberticide, elle fut d’ailleurs l’une des premières à avoir été abrogée par la gauche à son arrivée au pouvoir en 1981.
Cette nouvelle loi est une loi de communication. Le ministre de l’intérieur dit que ce n’est pas une loi de circonstance. C’est un mensonge. C’est une loi de circonstance, dans le sens où elle arrive au Parlement en raison des circonstances. Le gouvernement ne l’avait pas portée à l’Assemblée après son adoption au Sénat à l’automne, évoquant “un délai de sagesse”. Aujourd’hui, la sagesse a disparu.

Les lois de circonstance sont toujours de mauvaises lois. Parce qu’une loi, ça se réfléchit, ce n’est pas un arrêté ministériel. Les plus célèbres exemples à ce sujet, ce sont les fameuses lois qu’on a appelées les lois scélérates de 1893 et 1894, destinées à répondre aux menées anarchistes. L’anarchie a disparu très vite pour des raisons qui n’ont rien à voir avec ces lois, qui, elles, sont restées et n’ont servi qu’à réprimer l’ensemble du mouvement ouvrier pendant tout le XXe siècle.

Pour répondre à une situation de crise, on ne trouve rien d’autre que de chercher à promouvoir des dispositions qui restreignent les libertés au nom de la sécurité. Ce n’est pas nouveau. Depuis quelques années, on a créé un code de la sécurité intérieure, à côté du code de procédure pénale, qui dépossède au maximum le pouvoir judiciaire de son rôle de gardien des libertés individuelles. Cette nouvelle loi s’inscrit dans la même lignée.

L’article 2, qui instaure l’interdiction préfectorale de manifester, est à ce titre le plus préoccupant. Cette idée d’un pouvoir d’interdiction du préfet, de mise à l’écart de citoyens qui n’ont pas été condamnés, me paraît tout à fait inquiétante. C’est encore une fois une dépossession du pouvoir judiciaire. Nous sommes en face de quelque chose qui est grave, quels que soient les petits amendements qui ont été faits. C’est une grande régression des libertés.

L’autre point préoccupant est celui du fichier. On est en train de créer un fichier gigantesque avec des sous-fichiers contenant toute personne suspecte, toute personne qui ne serait pas véritablement soumise. L’idée selon laquelle nous pourrions résoudre le problème des casseurs en faisant un fichier est d’ailleurs absurde. Ce problème-là est une question de police générale et ne se résout ni par la violence ni par les fichiers.

On ne peut pas dire que Macron soit un homme qui ignore les mécanismes réels des principes fondamentaux de la démocratie. Mais il pense que nous sommes dans une société libérale, qui considère que les principes fondamentaux sont des superstructures qui ne font pas le poids face à l’efficacité du système. Dans cette conception générale, il ne faut pas que ces principes viennent entraver l’efficacité de l’action. Au fur et à mesure des années, on a peu à peu oublié que libertés individuelles devaient être préservées. Et la situation s’est encore aggravée sous ce quinquennat.
Face aux futures réformes, celle des retraites notamment, qui vont forcément être très impopulaires, le gouvernement se donne des armes, mais ce n’est pas de cette façon que l’on arrête une contestation. Ce que je crains le plus, c’est un changement de majorité considérable, avec un passage à l’extrême droite. Mettre dans notre arsenal législatif des dispositions anti-manifestations aussi dangereuses pour les libertés publiques me fait craindre le pire pour l’avenir.

D’autant que, comme ils ne réussiront pas à juguler les manifestations très fortes qu’il va y avoir, ils prendront une nouvelle loi plus répressive encore. C’est ce qu’on a fait pour le terrorisme. Depuis les premiers grands attentats de ces dernières années, il y a eu pratiquement une nouvelle loi antiterroriste par an, parce que les précédentes, tout en restreignant les libertés de tous, n’avaient pas réussi à éradiquer le terrorisme. C’est un enchaînement. La seule chose qui me donne un peu d’espoir, c’est le frémissement que l’on a aperçu parmi les députés LREM. Ils ne sont pas allés très loin, mais c’est déjà pas mal. »

Jean-Pierre Mignard, avocat, membre de LREM et du CCNE

« Les graves incidents d’ordre public avec la police sont d’abord nés de l’erreur d’appréciation politique du mouvement des gilets jaunes, que l’on a voulu marginaliser. Or ce mouvement allait bien au-delà de lui-même. Cette loi “anticasseurs” est une loi de circonstance. On fabrique une nouvelle fois dans l’urgence un texte qui, de l’avis même des professionnels, sera difficile à utiliser.
Dans le même temps, je constate qu’il n’y a pas eu de travail sérieux sur les carences des dispositifs législatifs existants. On doit toujours considérer que c’est le fait, et le fait lui seul, qui doit être punissable. Or cette loi crée un délit de présomption de participation à une manifestation en vue de procéder à des dégradations de biens ou à des violences contre les personnes.

Manifester est une liberté fondamentale, comme celle d’aller et de venir. Qui veut-on interdire de manifestation ? Est-ce que ce sont des personnes qui ont des opinions radicales ? Qu’est-ce qu’une opinion radicale ? Une opinion reste une opinion, qu’elle soit radicale, déplaisante, voire insupportable. Elle ne cause pas de violences physiques ni aux personnes ni aux biens. Il revient au juge, et au juge seulement, de pénétrer sur le terrain des libertés publiques et des droits individuels. Cette loi n’est pas une mesure de droit, c’est une mesure de police. Les parlementaires devraient sérieusement y réfléchir.

Ce sera ensuite au juge constitutionnel de trancher. Je ne vois pas certaines dispositions de ce texte faire long feu. Elles ne résisteront pas à un examen de droit. Je pense que ceux qui sont à l’origine de cette loi le savent, en tout cas s’ils ne savent pas, c’est encore plus inquiétant parce que ça signifie que leur documentation juridique est très faible.

Comme d’habitude depuis tant d’années, on répond à des manifestations par un souci de fermeté, de sévérité affirmée. On cherche à rassurer une partie de l’opinion qui demande toujours plus de textes de loi, sans forcément vérifier leurs fondements juridiques. Je note le grand silence du président de la République à ce sujet. Je pense que ce n’est pas son initiative. On sait depuis très longtemps que l’administration du ministère de l’intérieur est toujours très prolifique en nouveaux textes. Et dans des périodes comme celle-ci, par définition, on ne lui refuse rien.

Christophe Castaner prend la défense de ses fonctionnaires, ce qui est bien normal, mais il devrait prendre en considération toutes les violences. Il n’est pas ministre de la police, il est ministre de la République, c’est-à-dire qu’il est aussi responsable des personnes qui ont été blessées dans des circonstances qui n’ont rien à voir avec la protection des fonctionnaires de police.

Depuis l’origine du mouvement des gilets jaunes, nous disons que c’est une colère légitime, mais en même temps, nous parlons de “factieux”. Il y a deux lignes dans la majorité, deux manières d’appréhender ce qui est d’abord l’expression d’une crise sociale grave. Quand il y a une crise sociale, les gens ne vont pas manifester avec un traité du savoir-vivre sous la main. Ceux qui commencent à marcher avec des intentions pacifiques peuvent être saisis à un moment donné par des intentions violentes, dans une confrontation avec la police, sans avoir de volonté prédéterminée de commettre des actes. Une manifestation, c’est un groupe en fusion comme dit Sartre.

La réponse du gouvernement n’a pas été pour rien dans les réactions rageuses de certains manifestants. C’était dangereux de le réduire à une prise d’otages des courants extrémistes, populistes, ou même fascistes. Il me semble qu’il eût fallu faire preuve de prudence, d’autant plus que ce mouvement n’est pas organisé : il n’a pas de leader ni de représentant ni de cordon de sécurité. Il fallait donc le protéger de lui-même et pas forcément envoyer des milliers de grenades lacrymogènes. Il fallait sans doute aussi répondre à la crise sociale beaucoup plus rapidement que cela n’a été fait. Et être plus attentif à ce qu’elle révélait. »

Patrice Spinosi, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation

« Je pense que nous vivons en ce moment un glissement très dangereux. On est entré dans une logique d’exception, en habituant notre société, pendant les presque deux ans qu’a duré l’état d’urgence, à un certain nombre de mesures attentatoires à nos libertés. Il s’agit en particulier de mesures de police administrative, qui tendent à écarter le juge judiciaire, en donnant de plus en plus de pouvoir aux forces de police et au ministère de l’intérieur, pour contrôler et sécuriser l’espace public.
Aujourd’hui, le gouvernement et les forces de police sont en train de réemployer les mêmes mécanismes pour procéder au maintien de l’ordre public, non plus à l’égard des terroristes, mais à l’égard de ceux qui dérangent ou qui apparaissent comme des fauteurs de troubles. On voit bien comment l’exception, une fois qu’elle a été posée dans notre droit, fait tache d’huile, pour finir par devenir la règle.

L’exemple le plus typique de cette dérive, dans la loi “anticasseurs”, se manifeste avec les interdictions administratives de manifester. Il s’agit très exactement de la réplique de ce qui existait dans le cadre de l’état d’urgence. On avance toujours plus loin dans la logique de justice prédictive. Concrètement, cela est très grave. Petit à petit, on habitue les citoyens à vivre dans un régime de plus en plus contrôlé par le gouvernement, où on donne de plus en plus de pouvoirs et de libertés aux forces de police.

Pour qu’une démocratie fonctionne, il faut des pouvoirs et des contre-pouvoirs. Bien sûr il est nécessaire que les forces de police puissent avoir la latitude de faire leur travail, mais sous le contrôle des juges et sous l’égide de la loi. Or, aujourd’hui, nous sommes régis par la politique du pire. On a l’impression que pour qu’un gouvernement se montre fort, il faut qu’il adopte une législation de plus en plus répressive. Mais c’est tout l’inverse : la répression n’est qu’une marque de faiblesse, en particulier lorsqu’elle s’applique dans le cadre de manifestations dans l’espace public.

Au lieu de gérer la crise avec le dispositif législatif déjà en vigueur, le gouvernement propose une énième législation répressive, que LREM avait pourtant refusé de voter au Sénat, il y a quelques mois. Certes, les temps ont changé, mais on voit bien comment les choses se font sous le coup de l’émotion et de la peur que représente le mouvement des gilets jaunes.

Dans la logique du gouvernement, on ne pourrait prétendre au droit de manifester qu’à la condition que le faire de façon paisible et silencieuse. Sauf que ça n’est pas la réalité. Dans les manifestations, on sait qu’il peut y avoir des dérapages et ces dérapages doivent être traités, sans forcément être réprimés par la force comme c’est le cas aujourd’hui. La violence engendre toujours la violence. Plus la répression sera dure à l’égard des manifestants, plus les manifestations seront susceptibles de monter d’un échelon dans la violence.

Cette dérive sécuritaire n’est pas nouvelle. Elle a été initiée sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, elle s’est perpétuée sous celui de François Hollande et se maintient avec Emmanuel Macron. Nous vivons dans une société de plus en plus inquiète, de plus en plus agressive, face à laquelle le pouvoir politique décrédibilisé se retrouve démuni et n’a d’autre choix que de montrer qu’il est actif pour essayer de ne pas perdre la face. Mais tout cela ne fonctionne pas. Depuis plusieurs années, la logique sécuritaire se renforce dans notre législation, mais au bout du compte, nous n’améliorons pas notre sécurité.

Le problème c’est que l’on ne voit pas comment les choses s’inverseraient. Il y a un consensus général pour aller dans le sens d’une plus grande répression. Cela d’autant plus que, sous ce quinquennat, il n’y a plus d’opposition politique structurée. L’ancienne droite appelle de ses vœux une législation encore plus répressive et l’ancienne gauche est tellement tétanisée et en minorité qu’elle n’est plus susceptible de faire entendre une voix audible.

Restent les juges, constitutionnels, judiciaires, administratifs… Ce sont les derniers gardes fous de nos libertés. Mais pour eux aussi, la pression est considérable. On en voit une illustration avec la décision par le Conseil d’État qui vient d’être rendue sur l’utilisation des LBD. Face à la pression sociale, il est très difficile pour les juges de tête au gouvernement et d’imposer, contre la volonté des politiques, la garantie de nos libertés fondamentales. »


Merci FdM.

Ça n'a pas ému grand monde quand ça ne concernait que les supporters, ces sous-citoyens... Idem pour les LBD.

https://www.sofoot.com/le-stade-est-un- ... 51170.html

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Répondre en citant le message  MessagePosté: 04 Fév 2019 23:10 
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Ça n'émeut jamais grand monde quand on ne sent pas concerné...

C'était aussi le cas pour les perquisitions massives et inédites d'un grand mouvement d'opposition. Le fond n'intéresse jamais, seule la forme et l'anecdote font les choux gras des éditiorialistes.

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Répondre en citant le message  MessagePosté: 05 Fév 2019 09:04 
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François de Malherbe a écrit:
Ça n'émeut jamais grand monde quand on ne sent pas concerné...


On est bien d'accord et c'est terriblement non pas dommage, mais dangereux.
Il faut défendre des principes et non des causes.

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Tel est mon bon plaisir.


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Répondre en citant le message  MessagePosté: 05 Fév 2019 10:18 
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Les deux ne sont pas incompatibles !

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