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Football : Traoré, confessions d'un blessé
« Quand on m'a pris la jambe, à l'hôpital, je l'ai vue partir. Elle ne tenait à rien du tout, elle pendait. »
Allongé sur son canapé, avec vue sur d'Ornano, Mustapha Traoré revit ces sales moments : « Là, j'étais effondré. Ça a été le pire. » On est vendredi soir, Istres et Caen jouent encore. La soirée du défenseur caennais est finie depuis la 4e minute du match. Depuis que le foot et le sort se sont unis pour un de ces croche-pattes singuliers, détestables. Gara Dembélé, l'ancien prodige de la formation française, qui va descendre en National avec Istres, attrape la jambe de Mustapha Traoré, qui a repris le foot à 17 ans, et montera peut-être en L1 avec Caen. La journée avait déjà commencé par un étrange clin d'oeil du destin. Traoré ferme les siens : « Le matin, à l'aéroport, on avait croisé les Marseillais, et Djibril Cissé. J'avais dit à Julien Toudic : T'as vu, ça fait bizarre son tibia. » Celui que l'attaquant phocéen avait eu brisé, à deux reprises.
Maillot de Zizou sur les épaules, Traoré raconte ses nuits, son matin. « Je suis rentré avec une attelle, dans l'avion avec mes coéquipiers. Je suis arrivé au CHU de Caen à 2 h 30, on m'a opéré à 8 h 30. La nuit de samedi à dimanche a été dure. J'avais mal, et j'essayais de ne pas cogiter. » Le défenseur repense à l'action fatale. « Je sais que nous avons marqué le 1e but. Je jubile 30 secondes. Sur l'engagement, Dembélé tente de lober Vincent Planté. C'était injouable. » L'Istréen est énervé, par le but encaissé, par son geste manqué. Planté relance à la main sur Traoré, qui s'apprête à dégager : « Je le vois arriver sur le côté au dernier moment, comme un fou, mais il ne m'a pas taclé. Je n'ai pas de trace de crampon. » Il semble que ce soit avec sa 2e jambe que Dembélé accroche le Malherbiste : « J'ai fait un tour sur moi-même. Tout de suite j'ai su. Je tenais ma jambe, par terre. Je disais aux autres, c'est cassé, c'est cassé. Eux me disaient que non. Mais moi, je savais. »
Dimanche, à la soirée des Oscars du foot, Dembélé était penaud. Hier, il ne s'était pourtant pas encore excusé. « Je ne lui en veux pas, lâche sa victime. Je crois que c'est de la maladresse. » Il caresse ses pansements, celui au genou, entaillé pour glisser une vis. La 2e est près de la cheville. « Dans trois semaines, un mois, je pourrai reprendre appui sur mon pied. Dans trois mois, trottiner. Dans six mois, si tout est OK, rejouer normalement. »
Six mois, le temps est long, même à 24 ans, même avec deux saisons de contrat derrière, pour se rassurer. Mardi, Mus'est allé dire au revoir à ses coéquipiers, avant leur départ pour la mise au vert à Port-en-Bessin : « Si quelqu'un m'emmène là-bas, j'irai les voir. Mais ce n'est pas facile sur place avec des béquilles, car il n'y a que des descentes... » Vendredi, il suivra Libourne - Caen à la télé. Et peut-être les festivités, sur l'esplanade d'Ornano, en voisin : « S'il n'y a pas trop de monde, je descendrai voir. Ou peut-être que les copains viendront me faire coucou. Je ne serai pas frustré de ne pas être allé au bout. Ça voudra dire que le travail a été fait, et ça me donnera une raison supplémentaire pour revenir. J'ai le moral. » Ou presque. « Sans ma copine, je crois que je serais resté au CHU cette semaine. »
D. F.
Ouest-France