C'est quoi, le jeu du SM Caen ?Depuis le début de saison, l’animation de jeu du SM Caen fait débat, suscite interrogations et critiques. Au-delà du système tactique utilisé, quels sont ses principes fondamentaux ? Pourquoi peine-t-elle à trouver l'équilibre, à se montrer efficace ?
Jeu direct et transition
Oui, Caen a un projet de jeu. Bloc défensif relativement bas, jeu de transition pour atteindre rapidement le but adverse en un minimum de passes : les principes n’ont guère changé depuis que Patrice Garande dirige l’équipe.
Ce schéma avait trouvé un certain épanouissement entre 2014 et 2016, notamment avec un attaquant de pointe mobile, capable de prendre la profondeur. « Cette animation a fait ses preuves, sa cohérence est un des facteurs clés du maintien depuis 4 ans, soumet Fabien Picquenot, animateur du blog StatMalherbe, qui étudie et analyse le jeu du SM Caen. Mais cette saison, match après match, son exécution n’est plus aussi efficiente. Elle s’effrite. » Pourquoi ?
Mobilité en baisse
Le plan de jeu caennais impose des courses, beaucoup de courses. Donc une grande dépense d’énergie, liée forcément à un investissement mental constant. « On sait que si on baisse un peu d’intensité, on est tout de suite puni, et on manque clairement de mobilité, a dit ce jeudi Patrice Garande. Peut-être qu’inconsciemment, vu nos difficultés à marquer, on ose moins à partir de derrière et du milieu. Il y a moins de dépassements de fonction, une certaine retenue. Mais on s’aperçoit que quand on a le cul entre deux chaises (sic), on ne marque pas plus et on prend plus de buts. »
Selon Fabien Picquenot, « la faible mobilité intrinsèque des milieux caennais pèse, alors que les passes caennaises sont extrêmement longues pour s’appuyer sur Ivan Santini en fixation et jouer ensuite les 2e ballons. Les distances de passes sont trop grandes, et il est de plus en plus rare d’observer de la densité autour du point de chute du ballon. »
La saison morne du Croate, à la peine dans ses remises et peu disponible dans le jeu, est un élément de difficulté. Crivelli, qui pourrait revenir demain contre Toulouse, offre plus d’alternatives. Mais autour de l’avant-centre, quand le ballon est dévié à bon escient, le manque de propositions et de mouvements pour offrir des solutions et créer des décalages est un autre problème.
Profils redondants
Caen joue direct, centre beaucoup, parce qu’il doit s’adapter au profil de ses avant-centres, et il récupère énormément de ballons grâce à de nombreux duels gagnés. Mais il n’a plus vraiment les profils idoines autour, pour que son jeu de transition puisse se réaliser efficacement. « Cette équipe a perdu de sa capacité de projection, reprend l’analyste. Nous ne disposons plus de joueurs suffisamment explosifs et véloces pour profiter des espaces offerts par les déséquilibres adverses au moment de la récupération du ballon. L’absence de joueur box to box est handicapante. »
Kanté, Delort, Sala ou Karamoh ne sont plus là. Bazile n’est plus au niveau, Bessat a vécu une saison compliquée par les blessures, et, comme Féret, il vieillit.
Au milieu, le profil « passeur-relanceur » du capitaine se rapproche de celui de Peeters. Sankoh est plus un « destructeur » qu’un créateur. « À tout cela s’ajoute l’absence d’Ait Bennasser qui est le premier relanceur d’accoutumée, souligne Fabien Picquenot. Sankoh l’a remplacé en pointe basse du milieu de terrain, mais il ne permet pas de fluidifier et réguler le jeu comme le fait l’international marocain. Et cela force Féret à jouer plus bas. »
À l’arrivée, qui fait des différences ? Jadis très bon dribbleur (près de 20 tentés par match en 2014-2015, 4e score de L1), Malherbe ne l’est plus, parce qu’il n’a pas vraiment de joueurs de ce profil.
Un exemple : contre Montpellier, Rodelin a été le seul Caennais à tenter d’éliminer, il a dribblé deux fois. En face, huit Montpelliérains s’y étaient essayés…
Inefficacité chronique
L’étude statistique des « xG », les Expected Goals (1), est instructive sur le manque de réalisme du Malherbe 2017-2018, son défaut le plus pénalisant.
Caen n’a transformé en buts que 27 % de ses grosses occasions (pire ratio de L1), avec Santini (13 grosses occasions manquées) en symbole de ce gâchis.
Un tel déficit statistique - entre buts marqués et buts qui auraient dû l’être selon la qualité des occasions mesurée par les Expected Goals - n’existait pas avant. Même si la saison passée (terminée à la 17e place), Caen affichait un déficit au niveau des xG de 9,28 buts.
En 2015-2016 (7e place), Malherbe avait quasiment un ratio équilibré. Et en 2014-2015 (13e place), l’équipe était très efficace (« sur-performance » de 11,75 buts selon les xG).
(1) Les Expected Goals sont des données statistiques qui permettent de mesurer le nombre de buts qu’un joueur ou une équipe aurait dû marquer, selon la qualité de l’occasion de but créée.