https://lequipe.fr/Football/Article/Remy-vercoutre-je-passais-a-l-eglise-tous-les-matins/847764CAEN – En fin de saison dernière, sollicité pour réaliser cet entretien, Rémy Vercoutre avait décliné, poliment. C'était juste avant la dernière journée de Championnat, contre le PSG, au Parc des Princes, où une rouste (et la relégation qui va avec) était promise aux Normands. Au travers de ses SMS, le gardien caennais était apparu résigné : «Je vais plutôt tâcher de bien préparer mon match (...) pour limiter la casse.» Il avait conclu par : «Je n'oublierai pas aussi de prier pour que les résultats soient en notre faveur.» Au bout d'un scénario miraculeux (1-1), ce croyant a été exaucé et, depuis, Caen, septième de L 1 avant son match à Marseille dimanche, surfe sur une dynamique positive.
«Vous étiez assez sombre en mai ...
Comme je vous l'avais dit à l'époque, je suis allé prier. Je passais à l'église tous les matins avant d'aller à l'entraînement les quinze jours qui ont précédé le match contre Paris. Pour m'apaiser, me ressourcer. Je n'étais pas pessimiste, je voulais juste avoir au moins l'opportunité de sauver notre peau, donc d'aller en barrages. Je pensais qu'on allait passer par la petite porte pour se sauver, j'avais même demandé à notre service vidéo d'avoir des matches d'Amiens, de Troyes...
Vous partiez complètement perdant à Paris ?
Et on n'a pas gagné. (Sourires.) J'aimais bien l'idée qu'on puisse aller au Parc dans la peau de ceux qui ne prétendent à rien alors qu'on avait quelque chose dans un coin de la tête. Je n'aime pas les déclarations tapageuses qui ne servent pas à grand-chose. Et puis on était plus concentrés sur ce qui se passait à Lorient (qui accueillait Bordeaux) et à Marseille (qui recevait Bastia) que sur notre match à Paris. On n'a jamais pensé que le scénario de notre match pouvait nous faire basculer du bon côté.
Mais n'avez-vous pas eu peur de vous démobiliser et de prendre une volée ?
La trouille, on ne l'a plus contre Paris quand on a déjà perdu deux fois 6-0. La première fois (en 2015-2016), ça fait mal, la deuxième (au match aller, à domicile) un peu moins et j'espère qu'il n'y aura pas de troisième. Si vous regardez bien, notre équipe alignée à Paris était composée de nombreux joueurs en reprise ou qui n'avaient pas beaucoup joué dans la saison, des revanchards. Cette équipe avait beaucoup de choses à prouver.
Pourtant, vous ne dormiez plus en fin de saison...
Je vivais très mal nos résultats. Certains rentrent chez eux détachés, moi pas. Le club, c'est une entreprise et nos résultats peuvent déboucher sur des catastrophes presque industrielles. Parce qu'on ne marque pas de but ou qu'on n'en arrête pas, des gars peuvent être au chômage et je ne voulais pas aller en L2. Personnellement, j'ai été béni des dieux, je n'ai connu que la L1 et je me suis retrouvé avec des joueurs qui avaient déjà bouffé leur pain noir, qui n'avaient pas envie d'y retourner. Alors cela m'a donné envie de ne pas y aller non plus. On était obnubilés par ça. On a réussi à le faire.
En prenant pourtant un but d'entrée de jeu (Rabiot, 13e)...
Ce qui nous a peut-être sauvés car Paris s'est senti à l'abri ! C'est fou mais on s'attendait à beaucoup souffrir et on n'a pas tant souffert que ça. Je pense que Paris n'était pas à 100 % de ses possibilités en termes d'envie et d'agressivité. À la mi-temps, on connaissait les résultats de Lorient et Bastia et on est dans notre truc (être barragistes). Sauf qu'à vingt minutes de la fin, Syam Ben Youssef se retourne vers moi et me dit : “Accélère sur les six mètres car il faut marquer.” Syam est un joueur-né, il a ça en lui, cette folie, il me redit : “Dépêche-toi, on va marquer.” Car il sait que Lorient a égalisé contre Bordeaux (1-1 au final) et qu'on n'est plus en L1. Derrière, il sauve sur sa ligne un tir de Cavani, Féret se voit refuser un but et on rate un penalty par Rodelin (75e). Et on marque à la toute fin par Ronny, au bon moment (90e+1). Si on marque avant,Paris nous fait vivre un enfer.
«Ce qui est vrai, c'est que cela a permis à l'état-major, aux joueurs, au staff de se poser les bonnes questions avant de repartir en L1»
Il reste alors deux minutes. À quoi pensez-vous ?
Je ne bouge pas, je ne savoure pas du tout. Car c'est là qu'il faut tenir, être là, placer les mecs, y aller sur les corners... Mon match a presque commencé à la 91e. Cela a été très très long mais le scénario était idéal. J'ai bien gagné du temps, vraiment bien gagné du temps sur les dégagements. (Rire.)
Ce maintien miraculeux participe-t-il à votre actuel bon début de saison ?
Je suis partagé car le groupe a été profondément changé cet été. Ce qui est vrai, c'est que cela a permis à l'état-major, aux joueurs, au staff de se poser les bonnes questions avant de repartir en L1. Les joueurs qui ont vécu ce sauvetage savourent grandement l'actuelle saison. Je me souviens que dans le vestiaire au Parc, on chantait “On est en L1” comme si c'était une montée ! Quand on est rentrés à Caen, tous les supporters nous attendaient, il y avait aussi les intendants, les joueurs blessés, c'était touchant. Mais il n'y avait rien de prévu, on est allés en boîte mais on est tous rentrés très tôt.
Vous aviez pourtant promis de vous “en mettre une sévère” en cas de maintien !
(Sourire.) Je m'en suis mis une sévère mais pas tant que ça. Le lendemain, Julien Féret s'est senti obligé d'organiser un barbecue chez lui car on allait tous se quitter et partir en vacances alors que tout le club était conditionné pour travailler encore une semaine, jusqu'au barrage. Pendant tout le repas, on a chambré Ronny. On lui servait à manger, à boire, on lui portait sa chaise, on lui a dit merci toute la journée : “On est là parce que tu l'as mise au fond.”
Dans la foulée, Patrice Garande, dans son bilan de la saison, n'avait pas épargné, dans Ouest France, certains joueurs dont vous. L'avez-vous mal pris ?
Non, car il y avait une part de vérité. Ce qui a pu choquer, c'est qu'il l'ait fait dans les journaux, mais ce que les gens ne savent pas, c'est qu'il nous l'avait dit en face avant...»