La gazette des communes a écrit:
« Ce matin encore, le tramway était en panne ! » peste Rodolphe Thomas, vice-président chargé des transports et des infrastructures de la communauté urbaine (CU) Caen-la-Mer. Les déboires du TVR (transport sur voie réservée, un tramway sur pneus conçu par Bombardier dans les années 1990) auront eu raison de la patience des Caennais.
Le tramway sur pneus : moins cher que le tramway classique
A son lancement, pourtant, le TVR avait tout pour séduire : moins cher qu’un tramway classique, il offrait, contrairement aux trams standards, la possibilité de gravir des pentes de 8 %. Une innovation à laquelle se montre sensible Viacités, le syndicat mixte des transports en commun de l’agglo caennaise, au moment de l’appel à projets. C’est finalement le constructeur canadien Bombardier qui est retenu avec son TVR, un prototype à peine sorti de l’usine. Comme Nancy, qui fera le même choix, la CU est alors persuadée que c’est le projet qui répond le mieux aux exigences de son territoire pentu.
Dès 1994, Viacités signe un contrat de concession de travaux publics avec la Société concessionnaire du transport sur voie réservée (STVR), composée de Bombardier et de Colas rail, responsable des infrastructures. Ce contrat, d’une durée de trente ans à compter de la mise en service (2002) court jusqu’en 2032. En 1997, une concession de service public est également signée pour trente ans avec Keolis, pour l’exploitation.
Pannes à répétition
C’est ensuite que l’histoire se complique. Le TVR, qui dessert trois communes sur 16 kilomètres, enchaîne les déconvenues. « Au bout de deux à trois ans de fonctionnement, nous nous sommes rendu compte que les pannes étaient nombreuses », se souvient Rodolphe Thomas, alors élu d’opposition. A de multiples reprises, il a fallu faire descendre les voyageurs et mettre en place un bus de substitution.
« Ça a été une déconvenue totale », ajoute-t-il. Certes, le constructeur assure la maintenance, comme prévu dans le contrat, tandis que le petit entretien revient à Keolis. Mais la situation se tend. STVR et Keolis se renvoient la balle et la situation devient intenable pour les élus. Commence alors une série de batailles juridiques et d’expertises successives.
Résiliation anticipée du contrat
En 2010, à la demande du ministère des Transports, le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) planche sur le sujet. Son verdict est sans appel : il faut mettre fin au TVR. Fin 2011, la décision est prise d’arrêter le TVR en 2018. En 2014, la nouvelle équipe municipale accélère la manœuvre pour « sortir de ce bourbier technique et financier », pour reprendre les mots de Rodolphe Thomas. Fin 2014, le syndicat Viacités est dissous : l’agglo récupère la compétence et crée une direction des transports. Après de longs mois de négociations, un terrain d’entente est trouvé avec la commission de conciliation, saisie par les deux parties : le contrat avec STVR prendra fin le 31 décembre 2017, pour « motif d’intérêt général ».
L’agglo devra verser une indemnité de 17 millions d’euros au titre de la résiliation anticipée du contrat. Un divorce coûteux, mais moins, cependant, que les 70 millions prévus par certaines expertises – notamment celle du CGEDD. Caen-la-Mer devra aussi payer 13 millions d’euros pour rembourser l’emprunt contracté par la STVR pour l’achat du matériel, que l’agglo va récupérer. Quant à la rupture anticipée du contrat avec Keolis, il en coûtera 4,3 millions d’euros…
Tramway sur fer prévu pour 2019
L’année 2018 s’annonce difficile : pendant que la plateforme du TVR sera démontée pour y installer des doubles rails de tramway sur fer, les usagers utiliseront des bus de substitution. « Plusieurs éléments techniques du TVR seront conservés et utilisés – armoires et sous-stations électriques, lignes aériennes de contact –, soit une économie de 100 millions d’euros », précise Maxime Lecharpentier, le directeur des transports.
Le tramway sur fer sera opérationnel en septembre 2019. Les rames Citadis d’Alstom, largement éprouvées sur le marché, ont été choisies, et « pour l’exploitation, ce sera une délégation de service public de six ans, précise Maxime Lecharpentier. Les contrats de longue durée, à Caen, c’est fini ! » L’agglo de Nancy, elle, va maintenir le TVR jusqu’en 2022.