Un article signé G.Lainé datant de 2012, avant l'euro U17 en Slovénie.
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Thomas Lemar a le verbe rare de l'ado qui n'ose pas. Il a de l'indifférence dans la voix, pas vraiment ébloui par la lumière médiatique. « Dans le vestiaire, il est comme ça aussi, dans sa bulle », commente Philippe Tranchant, son formateur et entraîneur en CFA.
Car Lemar joue déjà dans ce championnat exigeant, alors que les U17 devraient plutôt l'accueillir. Et sa régularité impressionne déjà son coach. Doublement surclassé, comme toujours depuis qu'il a commencé le foot, au centre de préformation de Guadeloupe. « J'avais participé à un stage là-bas il y a 4 ans. J'ai eu la chance de le voir avant les autres : il faisait une tête de moins que tout le monde, mais on ne voyait que lui, un manieur de ballon vraiment exceptionnel. »
Ne pas se « déformer »
Une dizaine de clubs français sont vite arrivés sur le coup. Tranchant a fait jouer ses relations et rencontré illico la famille pour le convaincre de rejoindre Malherbe. En 2009, Lemar a signé un accord de non-sollicitation avec Caen, puis un contrat aspirant. « Mes parents et mon frère vivent toujours du côté de Basse-Terre, ils viennent me voir tous les deux mois. Je réalise mon rêve ici. »
Thomas Lemar, dix sélections en équipe de France U17, est un joueur atypique. Une « crevette » d'1,66 m pour 55 kg en plein processus de croissance, dont la gestuelle et le sens du jeu « à l'espagnole » sont innés.
Plutôt milieu défensif en bleu, neuf et demi avec la réserve de Caen, c'est une pépite à préserver. « C'est un créatif, extrêmement doué techniquement, mais il n'a pas la dimension athlétique pour jouer récupérateur, énumère Tranchant. C'est un joueur d'anticipation, en CFA il ne va pas aux duels, il les évite ! Je n'ai pas hésité une seconde à le faire jouer en B, mais ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas faire attention à son temps de jeu ou à son intégrité. Bien entouré, avec des joueurs complémentaires et un projet de jeu défini, ça peut devenir un crack. »
Au club, tout le monde a vu le potentiel du garçon, à commencer par le directeur sportif Alain Cavéglia. Lemar a déjà été supervisé plusieurs fois par des « scouts » français et européens, sollicité notamment par le club espagnol de Valence, mais Caen s'attelle à bloquer le dossier.
Sous contrat aspirant jusqu'en 2013, ce fils de responsable des douanes et d'une mère secrétaire médicale, fan de Xavi ou Iniesta, pourrait devenir pro ensuite. « Je l'espère bien sûr, mais je ne m'occupe pas de tout ça : pour l'instant, j'ai juste envie d'aller loin avec la France à l'Euro. »
Tranchant, encore : « Le problème, avec ce genre de joueur, c'est de ne pas se déformer par rapport au milieu, aux gens qui tournent autour. Il a pour lui une très bonne éducation, une famille qui lui a inculqué des valeurs. Rester lui-même, ce sera la difficulté. Si c'est le cas, il percera, c'est obligatoire. » Thomas Lemar a une nouvelle opération séduction à mener dès la semaine prochaine en Slovénie.