Ouest-France (site web) sport, samedi 19 avril 2025
Descente du SM Caen en National. Les cinq raisons d’une saison en enfer
Valentin PINEAU et Clément HÉBERT.
La descente du SM Caen en National a été actée ce vendredi 18 avril, après une nouvelle défaite face à Martigues. Malherbe retrouvera donc une troisième division qu’il n’avait plus connue depuis 41 ans. Mais comment le club détenu à 80 % par le clan Mbappé a-t-il pu tomber aussi bas ? Ouest-France a recensé cinq éléments de réponse.
Comment le SM Caen, racheté à hauteur de 80 % par le clan Mbappé à l’été 2024, a-t-il pu être relégué en National, pour la première fois depuis 41 ans ? Voici cinq explications.
Un été raté
« Il faut remettre les têtes à l’endroit, il y a une prise de conscience à avoir et une remise en question à faire. » Cette phrase n’a pas été prononcée par Michel Der Zakarian durant la fin de saison d’un SM Caen englué à la dernière place de la Ligue 2. Elle l’a été par Nicolas Seube, le 27 juillet 2024, lors d’une préparation estivale où Malherbe a perdu cinq de ses six matches amicaux (dont un 6-1 face à Guingamp le 3 août).
Quatre jours après cette prise de parole, le 31 juillet, l’annonce de la reprise du club par le clan Mbappé, à hauteur de 80 % (les 20 % restants ont été conservés par Pierre-Antoine Capton), mettait fin aux longs mois de recherche d’un nouvel actionnaire. Mais le flou et les questionnements entourant la mutation de gouvernance et l’arrivée d’un tel investisseur ne s’est dissipé que plusieurs mois après. En effet, il a fallu attendre le 9 septembre pour que la reprise du club soit officiellement actée et le 25 septembre pour que Ziad Hammoud, nommé président en remplacement d’Olivier Pickeu, prenne la parole devant les salariés puis la presse pour la première fois, afin d’exposer les contours du nouveau projet.
Durant ce laps de temps, le SM Caen a donc démarré son exercice 2024-2025 de Ligue 2 dans un contexte peu propice à la sérénité et la performance. Avec un nouvel actionnaire qui n’avait pas les mains totalement libres sur le marché des transferts et un entraîneur laissé seul devant la presse, sans parler des rumeurs d’éviction qui l’ont touché. Sans projet ni objectif clairement défini, Malherbe a pris du retard dans tous les domaines (organigramme, staff, terrain, préparation physique…) et démarré sa saison en ne prenant qu’un point à l’issue des cinq premières journées. Le petit sursaut qui avait précédé la prise de parole de Ziad Hammoud (deux succès) n’a pas été suivi d’effets (seulement 8 points pris sur 30 mis en jeu ensuite, jusqu’à la trêve hivernale). Quand une saison démarre mal, on ne sait jamais comment cela peut se terminer…
Des changements de coaches infructueux
Le SM Caen est 16 e, en position de barragiste, à la trêve hivernale. Une situation critique qui va pousser les dirigeants caennais à se séparer de Nicolas Seube, sur un siège éjectable depuis plusieurs semaines malgré son statut à part à Caen. L’annonce de son départ intervient le 29 décembre, en plein cœur de la trêve, et au travers d’un communiqué laconique. De quoi provoquer le courroux des fans du club normand et une scission entre la direction et eux !
Pour remplacer le « Héros » des supporters caennais, la direction opte pour le Portugais Bruno Baltazar , un globe-trotter inconnu en France. Un choix qui surprend, un choix perdant. Car de choc psychologique, il n’y aura pas. Sept défaites en autant de matches, un seul but, hors jeu de surcroît, inscrit : tel est le bilan cataclysmique de Baltazar en Normandie, limogé (seulement) le 18 février.
Appelé à la rescousse, Michel der Zakarian n’a pas su, pas pu inverser le cours des choses malgré son expérience. Sa moyenne de point par match (0,75) est même inférieure à celle de Nicolas Seube (0,94)…
Un mercato d’hiver qui n’a pas porté ses fruits
Au moment du licenciement de l’homme aux 520 matches avec Malherbe et de son remplacement par Bruno Baltazar, Ziad Hammoud avait évoqué deux autres leviers de redressement : le mercato et le retour des blessés. Si l’infirmerie ne s’est finalement jamais totalement vidée, le bilan du marché des transferts hivernal tient en un seul mot : échec.
Il convient de rappeler que Malherbe l’avait démarré sans directeur du recrutement (ni directeur sportif), puisque l’officialisation de l’arrivée de Reda Hammache n’est intervenue que le 13 janvier. Mais cela n’avait pas empêché l’arrivée d’Alex Moussounda dès le 2 janvier ni l’ancien directeur sportif du Red Star de travailler pour Malherbe avant qu’il ne pose sa valise en Normandie.
L’ancien directeur sportif du Red Star et la direction du SMC ont ensuite misé sur quatre autres recrues en manque de temps de jeu (Samuel Grandsir, D’Avila Ba Loua, Yassine Benrahou et Jules Gaudin). Et des départs de seulement deux éléments (Tidiam Gomis et Daylam Meddah, en prêt avec option d’achat pour ce dernier), alors que Bruno Baltazar avait annoncé vouloir réduire son effectif.
Au final, hormis Jules Gaudin , aucun des renforts n’aura apporté une plus-value immédiate, ce qui était pourtant la commande d’origine. Samuel Grandsir et Yassine Benrahou se sont blessés lors de leur premier match et ont été absents un mois. Ils n’ont retrouvé du rythme que dans les dernières journées, alors que Malherbe avait déjà un pied en National. D’Avila Ba Loua n’a jamais convaincu et a fini par ne plus apparaître sur les feuilles de match de Ligue 2. Enfin, Alex Moussounda a coûté un nombre de buts incalculable à Malherbe.
Une prise de conscience tardive
La prise de conscience qu’appelait de ses vœux Nicolas Seube dès la fin juillet a mis un temps fou à trouver un écho auprès des joueurs. Que ce soit sur le terrain ou devant les micros, ces derniers ont tardé à prendre la pleine mesure du danger réel qui les guettait. Donnant parfois le sentiment que sous prétexte d’évoluer au SM Caen, club habitué à faire l’ascenseur entre Ligue 1 et Ligue 2 et disposant d’infrastructures d’un certain standing, rien de mal ne pourrait leur arriver.
« Franchement, il n’y a pas urgence. Cela bosse très, très bien. J’y crois énormément pour la suite. J’ai vécu une saison où je suis descendu avec Dunkerque en National, je connais la recette et je sais que ce Malherbe-là n’a rien à faire dans le bas de tableau », disait, par exemple, Bilal Brahimi le 6 décembre, après la défaite à Laval (1-0).
Fin décembre, quand les dirigeants ont fini par prendre une décision forte - l’éviction de Nicolas Seube -, son successeur, Bruno Baltazar, a fait part de ses rêves « de Ligue 1 et d’Europe ». Une première sortie ratée, qui en a appelé d’autres. Et qui témoigne d’un climat encore relativement serein début janvier, alors que la menace d’une relégation planait déjà.
La nouvelle direction du club, qui a lancé tout un tas de chantiers au cours de cet exercice, a attendu trop longtemps pour se soucier du principal : l’avenir en Ligue 2 de son équipe fanion. Ce matin, le fiasco est total.
Un collectif faible mentalement et sportivement
Si personne ne l’avait vu venir l’été dernier, ce fiasco s’explique finalement par la faiblesse mentale et sportive de l’effectif. Durant l’exercice 2023-2024, ce dernier avait déjà montré qu’il pouvait s’enliser dans des séries négatives (à l’image de ses 11 matches sans victoire d’affilée la saison dernière) mais ses manques n’ont pas été gommés. Finalement peu renouvelé durant l’été, l’effectif est apparu trop déséquilibré durant toute la première partie de saison, sans joueur de côté capable de faire des différences et avec beaucoup trop de profils axiaux.
Pendant la totalité de l’exercice, il s’est aussi et surtout montré beaucoup trop faible défensivement. Le groupe a globalement ressemblé à un mélange de cadres défaillants, de recrues trop peu performantes et de jeunes qui n’ont pas confirmé les espoirs placés en eux. Trois entraîneurs n’auront pas réussi à faire performer le Stade Malherbe, ce qui prouve que ses joueurs n’étaient tout simplement pas au niveau du deuxième échelon national. Selon nos informations, le vestiaire s’est aussi fracturé durant la saison, sous l’impulsion de quelques éléments.
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Si le sentiment d’urgence est apparu bien trop tardivement (voir ci-dessus), la résignation est ensuite arrivée trop vite. Mentalement, les joueurs n’ont pas su trouver les ressources pour se sortir de la léthargie et aller chercher un miracle. Certains ont même jeté les gants au sol, alors que la relégation n’était pas mathématiquement actée, à l’image de la déclaration d’Alexandre Mendy après la défaite au Paris FC, le 31 mars. Parce qu’ils sont les seuls acteurs sur le pré, les joueurs du SM Caen sont les principaux responsables de la descente !
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