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Répondre en citant le message  MessagePosté: 11 Jan 2019 13:25 
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Enfin, il faut lire le lien proposé par Karibou pour pouvoir le commenter, hein <kash14>c'est nul c'est en anglais </kash14>

La pauvreté aurait tendance à abaisser les capacités cognitives, et l'hypothèse avancée, c'est que les préoccupations liées à cette pauvreté (comment s'en sortir, se débrouiller, etc...) en seraient la cause, ne laissant guère de place à d'autres tâches plus stimulantes.


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Répondre en citant le message  MessagePosté: 11 Jan 2019 13:29 
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malheureusement la culture le temps etc...en effet c'est un luxe.
toute tache a un interet et le stress du manque d'argent, les corvées etc...manquent d'interet, je le conçois bien.


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Répondre en citant le message  MessagePosté: 11 Jan 2019 13:42 
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basile a écrit:
malheureusement la culture le temps etc...en effet c'est un luxe.
toute tache a un interet et le stress du manque d'argent, les corvées etc...manquent d'interet, je le conçois bien.


Par contre, certaines trouvent toujours le luxe, ou un intérêt de poster pour ne rien dire.. Je le conçois bien.


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Répondre en citant le message  MessagePosté: 11 Jan 2019 13:44 
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Il faut aussi reconnaître que le message de Graham débordait tellement de clichés et d'à priori qu'on se serait cru dans les tribunes du stade.

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Tel est mon bon plaisir.


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Répondre en citant le message  MessagePosté: 11 Jan 2019 14:53 
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Pour les petits bourgeois de gauche, la réalité est fasciste, il convient donc de la nier jusqu'à l'absurde s'il le faut : le niveau monte, l'immigration est une chance pour la France, ill n'y a pas d'insécurité mais un sentiment d'insécurité....


Dernière édition par rix le 05 Sep 2019 13:01, édité 1 fois.

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Répondre en citant le message  MessagePosté: 11 Jan 2019 15:05 
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Ben pas de souci, mais commenter un article que tu n'as pas lu, et de surcroît de travers, ça n'a pas de sens. Soit tu t'arranges pour le comprendre via des outils de traduction ou soit en faisant la même recherche que tu as faites en 30 secondes, soit tu l'ignores...


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Répondre en citant le message  MessagePosté: 11 Jan 2019 15:21 
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Pour les petits bourgeois de gauche, la réalité est fasciste, il convient donc de la nier jusqu'à l'absurde s'il le faut : le niveau monte, l'immigration est une chance pour la France, ill n'y a pas d'insécurité mais un sentiment d'insécurité....


Dernière édition par rix le 05 Sep 2019 13:00, édité 1 fois.

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Répondre en citant le message  MessagePosté: 11 Jan 2019 15:39 
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Belle victimisation...

Tu commentes l'énoncé d'un article, il me semble évident que le lire au moins en substance est nécessaire.

A moins que tu ne sois comme les fameux utilisateurs des réseaux sociaux qui s'empressent de commenter le titre accrocheur d'un article sans en avoir lu le contenu, comme un extrait d'interview sorti de son contexte ?


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Répondre en citant le message  MessagePosté: 11 Jan 2019 15:57 
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Pour les petits bourgeois de gauche, la réalité est fasciste, il convient donc de la nier jusqu'à l'absurde s'il le faut : le niveau monte, l'immigration est une chance pour la France, ill n'y a pas d'insécurité mais un sentiment d'insécurité....


Dernière édition par rix le 05 Sep 2019 13:05, édité 1 fois.

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Répondre en citant le message  MessagePosté: 11 Jan 2019 16:09 
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Pour doter un mensonge des atours de la vérité il suffit de le répéter encore, et encore et encore.

sans transition:

Les vertus de l’inexplicable – à propos des « gilets jaunes »

Expliquer les « gilets jaunes » ? Qu’entend-on par expliquer ? Donner les raisons pour lesquelles advient ce qu’on n’attendait pas ? Celles-ci, de fait, manquent rarement. Et pour expliquer le mouvement des « gilets jaunes », elles viennent à foison : la vie dans des zones périphériques abandonnées par les transports et les services publics comme par les commerces de proximité, la fatigue de longs trajets quotidiens, la précarité de l’emploi, les salaires insuffisants ou les pensions indécentes, l’existence à crédit, les fins de mois difficiles…
Cliquez ici pour faire apparaître le contenu caché
Il y a là assurément bien des raisons de souffrir. Mais souffrir est une chose, ne plus souffrir en est une tout autre. C’est même le contraire. Or les motifs de souffrance que l’on énumère pour expliquer la révolte sont exactement semblables à ceux par lesquels on expliquerait son absence : des individus soumis à de telles conditions d’existence n’ont en effet normalement pas le temps ni l’énergie pour se révolter.


L’explication des raisons pour lesquelles les gens bougent est identique à celle des raisons pour lesquelles ils ne bougent pas. Ce n’est pas une simple inconséquence. C’est la logique même de la raison explicatrice. Son rôle est de prouver qu’un mouvement qui a surpris toutes les attentes n’a pas d’autres raisons que celles qui nourrissent l’ordre normal des choses, qu’il s’explique par les raisons mêmes de l’immobilité. Elle est de prouver qu’il ne s’est rien passé qui ne soit déjà connu, d’où l’on tire, si l’on a le cœur à droite, la conclusion que ce mouvement n’avait pas de raison d’être, ou, si l’on a le cœur à gauche, qu’il est tout à fait justifié mais que, malheureusement, il a été mené au mauvais moment et de la mauvaise façon par des gens qui n’étaient pas les bons. L’essentiel est que le monde reste divisé en deux : il y a les gens qui ne savent pas pourquoi ils bougent et les gens qui le savent pour eux.

Il faudrait parfois prendre les choses à l’envers : partir précisément du fait que ceux qui se révoltent n’ont pas plus raisons de le faire que de ne pas le faire – et souvent même un peu moins. Et à partir de là, s’interroger non sur les raisons qui permettent de mettre de l’ordre dans ce désordre mais plutôt sur ce que ce désordre nous dit sur l’ordre dominant des choses et sur l’ordre des explications qui normalement l’accompagne.

Plus que tous ceux des années récentes, le mouvement des gilets jaunes est le fait de gens qui normalement ne bougent pas : pas des représentants de classes sociales définies ou de catégories connues pour leurs traditions de lutte. Des hommes et femmes d’âge moyen, semblables à ceux que nous croisons tous les jours dans les rues ou sur les routes, sur les chantiers et les parkings, portant pour seul signe distinctif un accessoire que tout automobiliste est tenu de posséder. Ils se sont mis en marche pour la plus terre-à-terre des préoccupations, le prix de l’essence : symbole de cette masse vouée à la consommation qui soulève le cœur des intellectuels distingués ; symbole aussi de cette normalité sur laquelle repose le sommeil tranquille de nos gouvernants : cette majorité silencieuse, faite de purs individus éparpillés, sans forme d’expression collective, sans autre « voix » que celle que comptent périodiquement les sondages d’opinion et les résultats électoraux.


Les révoltes n’ont pas de raisons. En revanche, elles ont une logique. Et celle-ci consiste précisément à briser les cadres au sein desquels sont normalement perçues les raisons de l’ordre et du désordre et les personnes aptes à en juger. Ces cadres, ce sont d’abord des usages de l’espace et du temps. Significativement ces « apolitiques » dont on a souligné l’extrême diversité idéologique ont repris la forme d’action des jeunesses indignées du mouvement des places, une forme que les étudiants en révolte avaient eux-mêmes empruntée aux ouvriers en grève : l’occupation.

Occuper, c’est choisir pour se manifester comme collectivité en lutte un lieu ordinaire dont on détourne l’affectation normale : production, circulation ou autre. Les « gilets jaunes » ont choisi ces ronds-points, ces non-lieux autour desquels des automobilistes anonymes tournent tous les jours. Ils y ont installé matériel de propagande et baraquements de fortune comme l’avaient fait ces dix dernières années les anonymes rassemblés sur les places occupées.

Occuper, c’est aussi créer un temps spécifique : un temps ralenti au regard de l’activité habituelle, et donc un temps de mise à distance de l’ordre habituel des choses ; un temps accéléré, au contraire, par la dynamique d’une activité qui oblige à répondre sans cesse à des échéances pour lesquelles on n’est pas préparé. Cette double altération du temps change les vitesses normales de la pensée et de l’action. Elle transforme en même temps la visibilité des choses et le sens du possible. Ce qui était objet de souffrance prend une autre visibilité, celle de l’injustice. Le refus d’une taxe devient le sentiment de l’injustice fiscale puis le sentiment de l’injustice globale d’un ordre du monde. Quand un collectif d’égaux interrompt la marche normale du temps et commence à tirer sur un fil particulier – taxe sur l’essence, aujourd’hui, sélection universitaire, réforme des pensions ou du code du travail, hier – c’est tout le tissu serré des inégalités structurant l’ordre global d’un monde gouverné par la loi du profit qui commence à se dérouler.



Ce n’est plus alors une demande qui demande satisfaction. Ce sont deux mondes qui s’opposent. Mais cette opposition de mondes creuse l’écart entre ce qui est demandé et la logique même du mouvement. Le négociable devient non négociable. Pour négocier on envoie des représentants. Or les « gilets jaunes », issus de ce pays profond qu’on nous dit volontiers sensible aux sirènes autoritaires du « populisme », ont repris cette revendication d’horizontalité radicale que l’on croit propre aux jeunes anarchistes romantiques des mouvements Occupy ou des ZAD. Entre les égaux assemblés et les gestionnaires du pouvoir oligarchique, il n’y a pas de négociation. Cela veut dire que la revendication triomphe par la seule peur des seconds mais aussi que sa victoire la montre dérisoire par rapport à ce que la révolte « veut » par son développement immanent : la fin du pouvoir des « représentants », de ceux qui pensent et agissent pour les autres.

Il est vrai que cette « volonté » peut prendre elle-même la forme d’une revendication : le fameux référendum d’initiative citoyenne. Mais la formule de la revendication raisonnable cache en fait l’opposition radicale entre deux idées de la démocratie : d’un côté la conception oligarchique régnante : le décompte des voix pour et des voix contre en réponse à une question posée. De l’autre, sa conception démocratique : l’action collective qui déclare et vérifie la capacité de n’importe qui à formuler les questions elles-mêmes. Car la démocratie n’est pas le choix majoritaire des individus. C’est l’action qui met en œuvre la capacité de n’importe qui, la capacité de ceux qui n’ont aucune « compétence » pour légiférer et gouverner.


Entre le pouvoir des égaux et celui des gens « compétents » pour gouverner, il peut toujours y avoir des affrontements, des négociations et des compromis. Mais derrière ceux-ci, il reste l’abîme du rapport non négociable entre la logique de l’égalité et celle de l’inégalité. C’est pourquoi les révoltes restent toujours au milieu du chemin, pour le grand déplaisir et la grande satisfaction des savants qui les déclarent vouées à l’échec parce que dépourvues de « stratégie ». Mais une stratégie n’est qu’une manière de régler les coups à l’intérieur d’un monde donné. Aucune n’enseigne à combler le fossé entre deux mondes. « Nous irons jusqu’au bout », dit-on à chaque fois. Mais ce bout du chemin n’est identifiable à aucun but déterminé, surtout depuis que les États dits communistes ont noyé dans le sang et la boue l’espérance révolutionnaire. C’est peut-être ainsi qu’il faut comprendre le slogan de 1968 : « Ce n’est qu’un début, continuons le combat. » Les commencements n’atteignent pas leur fin. Ils restent en chemin. Cela veut dire aussi qu’ils n’en finissent pas de recommencer, quitte à changer d’acteurs. C’est le réalisme – inexplicable – de la révolte, celui qui demande l’impossible. Car le possible lui est déjà pris. C’est la formule même du pouvoir : no alternative.

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« Les capitalistes nous vendront la corde avec laquelle nous les pendrons. »
Влади́мир Ильи́ч Улья́нов
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Dernière édition par Karibou le 11 Jan 2019 16:21, édité 1 fois.

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rix a écrit:
Huisgonde a écrit:
Enfin, il faut lire le lien proposé par Karibou pour pouvoir le commenter, hein <kash14>c'est nul c'est en anglais </kash14>

La pauvreté aurait tendance à abaisser les capacités cognitives, et l'hypothèse avancée, c'est que les préoccupations liées à cette pauvreté (comment s'en sortir, se débrouiller, etc...) en seraient la cause, ne laissant guère de place à d'autres tâches plus stimulantes.


Je vais défendre kash sur ce coup là. "C'est nul c'est en anglais", ça me semble assez juste. Moi non plus je ne suis pas capable de lire un article, surtout universitaire, en anglais. Je ne m'en vante pas mais je n'en ai pas honte. On ne m'a pas offert des stages d'anglais pendant les vacances et je n'ai pas les moyens d'aller passer mes vacances aux states. Ce qui m'aurait sans doute permis de progresser et motivé à lle faire.

Pourquoi, sauf à vouloir se distinguer des cons qui ne parlent pas anglais poster un lien vers un article en anglais alors qu'on peut certainement trouver aisément de bons articles de vulgarisation en langue française traitant le même sujet ?

Exemple en première ligne de google : Des chercheurs montrent qu’être pauvre peut affecter l’intelligence en attaquant certaines zones du cerveau

Et même en cherchant 30 secondes, un article en français faisant référence à la même étude : La pauvreté impose un «fardeau cognitif» au cerveau

Tu mets des mots sur mes pensées <3

_________________
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Répondre en citant le message  MessagePosté: 11 Jan 2019 16:21 
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rix a écrit:
Il te semble évident que tout le monde va se précipiter pour lire un article en anglais ? A mon avis, 90% des gens font comme moi, dés qu'ils voient que c'est en anglais, ils referment, comprenant alors que le but du lien n'était pas de donner un article à lire.


Non, il me semble évident que ceux qui commentent le lien d'un article l'ont lu avant. Que ce soit en anglais, en allemand, en arabe ou en mandarin.

Mais je vois bien souvent des commentaires sur les réseaux sociaux qui sont également à côté de la plaque par rapport à l'article partagé pour savoir qu'effectivement, tu n'es pas un cas isolé.

L'important étant de réagir à tout prix et dans l'immédiat, j'imagine.


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Abécédaire de quelques idées reçues sur les Gilets jaunes

Abécédaire. Les Gilets Jaunes, en tant qu’habits, revêtent une réalité plurielle, déconcertante, disharmonique, échappant à tout espoir de synthèse idéologique totalisante. S’ils constituent une force politique, celle-ci ne peut être que destituante. C’est leur mérite, et c’est leur limite. Cette force de corrosion ne peut pas être sondée dans sa substance, seulement dans les vides qu’elle révèle et qu’elle creuse au sein de nos croyances et de nos illusions politiques. Il serait vain de vouloir faire leur théorie (cohérente). On se bornera ici à composer un abécédaire (arbitraire et schizophrénique) à partir de certaines idées reçues qui circulent à leur propos. L’abécédaire ne postule pas de cohérence substantielle entre ses différentes entrées, ni ne l’exclut. L’hypothèse est que la consistance des Gilets Jaunes est affective, davantage qu’argumentative – et que cela n’enlève rien à sa valeur.

Cliquez ici pour faire apparaître le contenu caché
Banlieues. On semble hésiter à dire si les Gilets Jaunes viennent des « classes moyennes » ou des « milieux populaires », mais on ne dit jamais qu’ils viennent des « quartiers populaires ». On a pris l’habitude de voir des jeunes de banlieue brûler les voitures de banlieues. On a appris à filtrer les stations de RER pour les contenir du mauvais côté du périphérique. Ce qu’il y a eu de choquant, en novembre et décembre 2018, c’est qu’au lieu des traditionnels fils d’immigrés, on voie désormais agir des casseurs « de souche » – réputés venir de cet au-delà de la banlieue qu’est « la province ». Une racaille autochtone ? Une paupérisation contagieuse ? La fin d’un monde ? De nouvelles solidarités possibles ?

Cinq étoiles. Les analystes l’annoncent et le voient venir, gros comme une maison. L’incapacité des Gilets Jaunes à s’organiser de façon suffisamment cohérente pour déboucher sur un mouvement politique digne de ce nom les condamne à dégénérer en un équivalent français des Cinque Stelle italiennes. Un parti prétendument sans idéologie, donc sans principe directeur ni colonne vertébrale, exposé aux dérives les plus opportunistes et les plus dangereuses, mûr pour tomber sans résistance dans les bras du premier fasciste venu. Le macronisme a démantelé l’opposition droite-gauche depuis le haut. Le populisme endémique des Gilets Jaunes la laminera par le bas. Ensemble, ils ne laisseront derrière eux qu’un champ de ruines – et les yeux pour pleurer. Mais peut-être les yeux sont-ils faits pour voir, et pour nourrir des visions, autant que pour pleurer. Et peut-être y a-t-il autre chose à voir percer sous les Gilets Jaunes que leur traduction prochaine en termes électoraux. Si, comme on le répète, c’est d’abord le grand parti des abstentionnistes qu’ils manifestent intempestivement, alors nous devons apprendre à regarder l’obscurité des trous noirs, plutôt que le brillant des étoiles.

Décolonialisation. À travers ses éditorialistes comme à travers ses ministres réformateurs, la droite parle de « déclin ». Les seconds déclinisent sous le registre de la menace : les réformes seraient inévitables pour contrecarrer une fatale perte de compétitivité. Les premiers déclinisent au ton de l’élégie : la France n’est plus ce qu’elle était (à cause des immigrés en surnombre, du multiculturalisme, du laxisme universitaire, etc.). Les Gilets Jaunes détestent à bon droit les économistes réformateurs, mais ils pourraient être séduits par les sirènes du moralisme décliniste. Et si, au lieu de « déclin », on parlait de « décolonisation » ? Du Brésil à l’Inde, du Sénégal au Vietnam, les anciennes colonies deviennent de nouvelles concurrentes. Sans cesser d’être exploitées par les dominations financières, elles dépriment de loin les revenus d’ici pour les salariés les moins qualifiés. Les Gilets Jaunes souffrent du déclin de l’hégémonie européo-centrée. Ils vivent ce qu’Achille Mbembe a bien décrit comme un « devenir-nègre », qui touche désormais les classes moyennes de nos pays riches (et toujours dominants). Comment éviter de voir le déclinisme réclamer un retour à l’âge d’or de la colonisation ? Comment regrouper les exploités derrière la bannière d’une décolonisation s’étendant de l’Afrique à la Lorraine ?

Émergence. Cet abécédaire se rédige au moment où les Gilets Jaunes sont en phase d’émergence. Chaque commentateur joue à faire ses petites prédictions sur la façon dont leur insurrection va se sédimenter. Quels leaders ? Quels mots d’ordre ? Quelles formes de coordination ? Quel nouveau parti ? On situe ainsi leur vérité (à venir) dans leurs retombées (électorales) futures, au lieu de la voir dans leur surgissement présent. Le vrai défi est peut-être de comprendre une politique des événements (celle des ronds-points et des Champs Élysées), irréductible à la politique des partis. La première ne remplacera pas la seconde. Mais elle est nécessaire à la dynamiser, à l’accélérer, à la précipiter (augmenter d’un coup le Smic de 100 euros) – et cela même si le résultat institutionnel de la précipitation sera probablement décevant, sinon consternant.

Front de Libération du Carbone. Le théoricien des media et des jeux vidéo McKenzie Wark semble avoir été le premier à identifier formellement le mouvement politique le plus puissant et le plus réussi des dernières décennies : le FLC (Front de Libération du Carbone). Tout conspire depuis deux siècles à lui assurer un succès imparable. Si les politiciens et les éditorialistes climato-sceptiques constituent ses alliés les plus ostentatoires, l’automobiliste, le frequent flyer et le mangeur de viande forment le plus gros de ses troupes. Comment empêcher que les Gilets Jaunes, initialement mobilisés contre la taxation des carburants, ne deviennent l’avant-garde vengeresse du FLC ?

Gafamés. Des Gilets Jaunes ont bloqué quelques entrepôts d’Amazon. Belle intelligence stratégique : l’ubérisation du travail, emblématisée par le Mechanical Turk ou par les salaires à la course pratiqués par la multinationale de Jeff Bezos, mérite d’être leur principale cible de lutte. C’est bien la dividualisation de nos personnes en micro-tâches payées de façon discontinue et compétiviste, telle que l’imposent les Gafam, qui menace d’affamer les classes moyennes en les rabaissant au niveau des moins bien lotis. Et pourtant, les Gilets Jaunes se servent des plateformes numériques (Facebook) pour coordonner leur blocage des ronds-points. C’est grâce à Internet qu’ils paralysent la distribution matérielle des transactions virtuelles agencées sur le web. Incapables de se rassembler en une organisation représentative, ils tirent leur force de la capacité des plateformes à les relier dans leur séparation même, sans les obliger à se rallier à aucun panache blanc. Cet éparpillement réseauté les rend insaisissables, parce que leur unité reste virtuelle. Les Gafam sont à la fois leur condition de possibilité et leurs ennemis, leur outil d’émancipation et leur horizon d’exploitation. La France du XVIIIe siècle ou l’Égypte du XXe ont connus des révoltes d’affamés. Les Gilets Jaunes nous font découvrir des insurrections de Gafamés.

Haute nécessité. Les révoltes sociales initiées en Guadeloupe en 2009 autour du collectif Lyannaj Kont Pwofitasyon dénonçaient déjà, sous ce dernier terme, « l’exploitation outrancière ». Elles y opposaient une dynamique de lyannaj, de tissage de lianes créatrices et protectrices, s’efforçant « d’allier et de rallier, de lier, relier et relayer tout ce qui se trouvait désolidarisé ». À cette occasion, une douzaine de poètes de premier plan avaient rédigé un Manifeste pour les produits de « haute nécessité », appelant à élever le lyannaj des revendications au-dessus des seules questions de « première » nécessité : « derrière le prosaïque du “pouvoir d’achat” ou du “panier de la ménagère”, se profile l’essentiel qui nous manque et qui donne du sens à l’existence, à savoir : le poétique ». À l’heure où la pwofitasyon financière généralise le « devenir-nègre » de couches grandissantes des populations occidentales, les Gilets Jaunes sauront-ils entendre l’appel des poètes antillais ? Il y est question non seulement de rallier, relier et relayer ce qui se trouve désolidarisé par l’atomisation néolibérale, mais surtout d’élever les aspirations vers un plan « où règne ce que la vie a de plus exigeant, de plus intense et de plus éclatant, et donc de plus sensible à la beauté ». N’est-ce pas déjà la beauté d’être et de faire ensemble qui les a exaltés durant les samedis de novembre ?

Idées reçues. Chaque participant.e d’un mouvement comme les Gilets Jaunes y apporte son intelligence et ses motivations propres, qui n’ont besoin de personne pour faire sens. La signification – et donc l’impact – politique de l’événement qu’ils forment dépend cependant tout autant (voire bien davantage) de ce que les commentaires diront de ce mouvement que de ce que ses acteurs et actrices en feront. Les idées qui se trouvent « reçues » (dans les médias) à propos des Gilets Jaunes re-conditionnent à chaque instant ce que les Gilets Jaunes peuvent, veulent, doivent être et faire (sur les ronds-points). Ce que l’on croyait être le propre des textes littéraires (poèmes, fictions) s’avère être une propriété largement partagée par tous les faits sociaux : leur signification est moins à chercher dans leur nature propre que dans les interprétations auxquelles elles donneront lieu. La réalité des Gilets Jaunes tend à converger avec les idées reçues véhiculées à leur propos.

Jeunes. On entend souvent contraster les jeunes étudiants brandissant les pavés de mai 1968 avec les quinquagénaires brûlant des palettes sur les ronds-points de novembre 2018. Les images de lycéen.nes aligné.es les bras derrière la tête ou de casseurs encagoulés sur les Champs Élysées s’agglutinent aux scènes de blocages routiers, mais sans parvenir à rajeunir le mouvement. Est-ce parce que le rejet de la taxe carbone est un caprice d’hommes du passé, qui refusent de regarder le présent dans les yeux, parce qu’ils se savent sans avenir ? Ou faut-il entendre dans leur frustration le désarroi de laisser à leurs enfants une planète et des sociétés devenues invivables ?

Kollapsologie. L’indétermination (temporaire) des Gilets Jaunes dans leur phase d’émergence en fait d’excellents cobayes pour les Collapsologues de tout poil. Ils nous mettent le nez sur les choix dramatiques et conflictuels qui scandent notre effondrement environnemental : à qui appartient-il de payer les pots cassés des « trente glorieuses » qui ont engagé l’Occident à faire partir notre planète en fumée ? Les Gilets Jaunes contribuent à éclaircir les polarités de tels choix à venir. Les riches n’en sortiront pas indemnes : le pillage des magasins de luxe nous sert d’avertissement. L’effondrement est notre problème commun : il appelle une Collapsologie du commun. Mais le risque est grand de voir des opportunistes ou des frustrés jouer la carte d’une Kollapsologie identitarisée, agitant les leurres du KKK contre les exigences du commun. L’urgence est de traquer, de dénoncer et, si possible, d’inhiber tout ce qui poussera dans cette direction – à commencer par les discours présidentiels qui insinuent de l’identité nationale dans la réponse faite aux Gilets Jaunes.

Luxe. Pamela Anderson l’a dit mieux que personne : « Je méprise la violence, mais qu’est-ce que la violence de tous ces gens et des voitures de luxe brûlées, comparé à la violence structurelle des élites françaises et mondiales ? » Rousseau, aussi adulé qu’elle, dénonçait déjà le luxe comme une insulte faite à la misère et à l’égalité. Qui, parmi les Gilets Jaunes, casse les vitrines des Champs Élysées par rage contre le luxe et les inégalités ? Qui bloque les ronds-points pour défendre le droit inaliénable de ses enfants aux jouets de Toys “R” Us ? Qui osera traiter de luxe le recours à une voiture privée dans des régions délaissées par les transports publics ?

Mode d’emploi. Recette (algorithme de cuisine) à la portée de toutes et tous pour faire monter le Smic mensuel de 100 euros en 4 semaines de cuisson : 1° Ciblez une nouvelle loi (décret, réglementation, taxation) que chaque individu est spontanément poussé à rejeter, même s’il peut en comprendre et en justifier la nécessité par un effort de rationalisation. 2° Identifiez un objet facilement reconnaissable, à bas prix, que chacune et chacun pourra facilement trouver à domicile. 3° Imaginez une façon simple et peu coûteuse, si possible abritée par une zone de légalité floue, pour paralyser la circulation d’un certain type de bien indispensable au fonctionnement actuel de nos sociétés. 4° Utilisez les réseaux sociaux pour mobiliser un premier cercle de connaissances dans votre action de blocage, en identifiant votre initiative par l’objet de reconnaissance, et en affichant l’opposition à la loi ciblée comme votre revendication première. 5° Embarquez dans votre action quelques journalistes susceptibles de faire rayonner votre action par les médias de masse. 6° Dénoncez toute personne (à commencer par vous-même) qui prendrait la posture d’initiateur, de fondateur, de directeur ou de représentant du mouvement lancé par votre action. 7° Laissez un maximum de revendications et de mécontentements se coaguler autour de votre première cible. 8° Laissez mijoter votre blocage, en y ajoutant occasionnellement une pincée de casseurs, jusqu’à ce que des responsables politiques se sentent sommés de réagir. 9° Utilisez la multiplicité de revendications agglomérées pour disqualifier toute réponse institutionnelle comme insuffisante. 10° Faites monter la pression jusqu’à ce que les mesures considérées, à peine quelques semaines plus tôt, comme proprement « inconcevables » (accusées de mettre en péril l’équilibre budgétaire, la confiance de agences de notation, la compétitivité internationale du pays, les lois sacrées de la micro-économie) se trouvent miraculeusement prônées et proclamées, du jour au lendemain, par la bouche même du président-banquier qui en martelait l’impossibilité. 11° Savourez votre victoire. 12° Après quelques mois de repos bien mérité, et de digestion sereine, renouvelez l’opération – si possible au printemps, parce qu’il fait vraiment trop froid pour cuisiner cela en décembre.

Néolibéralisme. Après avoir été originellement interprétés comme des automobilistes se rebiffant contre la taxe sur les carburants, à savoir comme des descendants directs des Bonnets Rouges, les Gilets Jaunes ont été reçus comme dénonçant les méfaits du néolibéralisme. Étranglement des services publics, inégalités indécentes, concurrence généralisée abaissant les coûts de production en-dessous des planchers de survie, complicité des institutions d’État (national ou fédéral) avec les intérêts des grandes entreprises et de la finance, asservissement de la démocratie représentative à des impératifs gestionnaires imposés par des présidents banquiers : l’indignation, le rejet et les dégoûts envers le néolibéralisme sont apparus comme étant en remarquable continuité avec Occupy Wall Street, la Puerta del Sol, Nuit Debout. Comprendre les Gilets Jaunes à travers cet alignement de résistance au néolibéralisme n’est-il toutefois pas aussi trompeur qu’éclairant ? C’est tout autant la persistance d’un archéo-féodalisme qui les enrage. Le Président de droit économique divin demande aux pauvres provinciaux d’abandonner leur voiture, mais il se promène lui-même en cortège d’une dizaine de véhicules. Les privilèges sont les principaux irritants de ce mouvement, qui en fait sa cible principale.

Organisation. La faiblesse des résistances au néolibéralisme tient depuis un demi-siècle à leur incapacité à s’organiser (durablement). Ces organismes que sont les partis ou les syndicats restent indispensables, mais peinent à avoir prise sur les transformations politiques. Les mouvements ponctuels qui émergent périodiquement apparaissent comme désorganisés. Peut-être faut-il apprendre à les considérer comme inorganiques. Davantage que des formes biologiques (le corps vivant fait d’organes, la fourmilière, la ruche ou l’essaim), ce sont des dynamiques chimiques (de catalyse) ou électriques (médiatiques) qui paraissent les animer. Les Gilets Jaunes se conjuguent au pluriel, sur le mode de la juxtaposition communicante, sans prétention à organiser leurs « membres » sous la direction d’une tête (d’un « caporal ») à vocation directrice ou représentative. Assemblage sans chef, corps sans organes : le défi de la politique au XXIe siècle est peut-être de penser cette « coordination inorganique », non comme une négation de la politique, mais comme son devenir (encore largement à inventer).

Pouvoir d’achat. La revendication d’une hausse du pouvoir d’achat est aussi schizophrénique – aussi justifiée et aussi suicidaire – que celle d’une baisse de prix des carburants. En faisant repousser la hausse de taxe sur les carburants, les Gilets Jaunes s’enrôlent de facto dans le Front de Libération du Carbone. En invoquant le pouvoir d’achat, ils font le jeu du compétivisme globalisé qui cause leur paupérisation. Autant que par l’augmentation des revenus, la croissance du pouvoir d’achat se nourrit en effet des baisses de prix permises par la délocalisation des emplois qui apportaient aux Gilets Jaunes leur salaire. C’est mon geste de consommateur, avide de low cost, qui me met à la porte de mon usine, placée en plan social. Si les casseurs raisonnent, ils n’ont peut-être pas tort : dans un système où ma consommation sape les bases de ma reproduction, autant casser les vitrines – et voler les marchandises qui me volent mon emploi.

Qui sème les inégalités récolte les violences. Plutôt que de s’indigner des violences – très limitées – qu’on attribue aux Gilets Jaunes, comment ne pas s’étonner de notre acceptation commune envers la distribution inique et aberrante des richesses ? Tout le monde semble d’accord là-dessus : qu’ils s’opposent aux nouvelles taxes ou qu’ils défendent les vieux services publics, qu’ils réclament le retour de l’impôt sur les grandes fortunes ou qu’ils dénoncent les élites parisiennes, les Gilets Jaunes réagissent d’abord, massivement, à l’exacerbation des inégalités. Leur avertissement est clair : les violences verbales et physiques issues de leur exaspération est le retour de flamme des violences sociales induites par cette exacerbation.

Ronds-points. On dépeint les Gilets Jaunes comme des solitaires, éloignés des partis et des syndicats, que l’expérience des ronds-points auraient rendus solidaires, découvrant la force et les joies de l’action collective. La politique, identifiée depuis des millénaires aux débats des agoras sur les problèmes de la cité, devient avec eux périurbaine. La voiture, l’isolement pavillonnaire, la désaffiliation politique : autant de marqueurs d’atomisation individualiste qui se trouvent soudain retournés en puissance inédite de faire trembler les gouvernements – par la grâce de la coprésence de corps mobilisés autour d’affects communs. Suffit-il pour cela d’arrêter la circulation ? De garer la voiture, de sortir du pavillon, et de se retrouver autour de braseros – pour discuter et pour se faire entendre ensemble ?

Sous-traitance. Les frustrations, les rages et les revendications des Gilets Jaunes sont plus généralement celles des « sous-traités ». La logique du néolibéralisme mondialisé est celle de la sous-traitance : sous-contracter de la main d’œuvre payée à la parcelle de temps, en l’absence de toute responsabilité existentielle. Employés ou chefs de petites entreprises, licenciés ou retraités, les Gilets Jaunes ont intériorisé les affres de la sous-traitance : contrairement aux mouvements du siècle passé, ils ne formulent pas leurs revendications sous la forme d’exigences salariales. Ils demandent des revenus décents, ils en veulent aux riches et aux élites – aux privilégiés. Mais sans incriminer « les patrons », ni blâmer « les entreprises ». Parfois petits entrepreneurs ou auto-entrepreneurs eux-mêmes, ils se savent sous-traités par les lois de l’économie. Mais ils ne tolèrent pas d’être sous-traités (en citoyens de seconde zone) par l’État, lorsqu’il ferme les maternités ou les bureaux de poste, au nom de l’austérité budgétaire. Surtout pas lorsque le même État multiplie les cadeaux fiscaux au capital, aux plus fortunés, aux multinationales. Est-ce la généralisation de cette sous-traitance que bloquent les Gilets Jaunes, davantage que les ronds-points ?

Taxe Pollen. On croit démontrer l’incohérence des Gilets Jaunes en opposant leur refus des taxations (sur les carburants) à leurs demandes de davantage de services publics. Mais cette contradiction est sophistique. Les Gilets Jaunes savent très bien qu’il faut lutter contre l’effet de serre. Ils savent – plus ou moins obscurément – que des alternatives existent. Comme une « taxe pollen » qui, portant sur la circulation de l’argent plutôt que sur les revenus, prélèverait 3% sur toutes les transactions financières. Elle remplirait suffisamment les coffres de la puissance publique pour investir massivement dans l’éducation, dans la santé, dans l’écologie, et surtout dans la redistribution des richesses à travers l’instauration d’un revenu universel de haut niveau. Les Gilets Jaunes refusent la sous-traitance, ce qui est un excellent premier pas. Ils méritent qu’on élabore des propositions politiques alternatives et inventives, à la hauteur de leur refus.

Universités. Pendant que les médias contaient les Gilets Jaunes – à défaut de pouvoir les compter précisément – le Premier ministre Édouard Philippe citait des écrivains congolais, Alain Mabanckou et Sony Labou Tansi. Il convoquait leur nom pour annoncer la multiplication par 16 des frais d’inscription d’étudiant.es extra-européen.nes (en majorité africain.es) dans les universités françaises. Il justifiait cette hausse au prétexte d’augmenter l’« attractivité » desdites universités. Le macronisme emblématisait ainsi à merveille l’(ir)rationalité économique néolibérale, donc la logique se scande ici en quatre temps. 1° Les universités se trouvent appauvries par une prétendue autonomie managériale qui les condamne à un déficit structurel, synonyme d’inflation bureaucratique, de précarisation et de gel de postes d’enseignant.es. 2° On individualise le coût des études pour en faire un investissement capitalistique, à rembourser par la chaîne d’une dette personnelle asservissante. 3° On mesure la qualité (« l’attractivité ») au prix affiché, faisant des pauvres qui se vendent à bon marché des losers, et des enrichis autant de winners take all. 4° On traite les étrangers comme des boucs émissaires et des vaches à lait, alors que les problèmes de financement relèvent essentiellement d’arbitrages intérieurs. Pas besoin d’attendre de l’extrême-droite qu’elle nous pousse au Kollapse : le néolibéralisme macronien s’en charge très bien.

Voiture. Les Gilets Jaunes sont des automobilistes en colère qui enragent des automobilistes en bloquant la circulation automobile et en portant des habits d’automobilistes en panne. Ils incarnent avec une densité exponentielle (et tragicomique) la « contre-productivité » dénoncée par Ivan Ilitch au cœur d’une modernisation industrielle paralysée par son désir même de mobilité. Ils élèvent l’écocide consumériste du statut de catastrophe menaçante à celui de revendication politique. Du coup, ils aident à faire basculer l’écologie au-delà de l’écologie. Ils l’involvent, la retournent, la font muter, depuis la sauvegarde de l’environnement (extérieur) vers une écopolitique des milieux (internes), indissociablement naturels, sociaux et mentaux.

Way of life. Rien ne serait plus faut que faire des Gilets Jaunes des climatosceptiques obtus ou endurcis. La plupart d’entre eux savent que les voitures nous embouteillent, nous étouffent et surchauffent nos milieux de vie. Les véritables écocidaires sont ceux qui rabattent l’intelligence collective des Gilets Jaunes sur le principe individualiste formulé dans les années 1980 par George Bush père : The American way of life is not negotiable. Au cœur du paradoxal « mouvement de blocage » instauré par les Gilets Jaunes, il convient d’entendre la douleur d’une « voie de vie » qui se sait prisonnière d’une impasse civilisationnelle – et qui demande de l’aide pour négocier une sortie honorable.

Xénophobie. « Fascistoïde » : tel semble être le terme choisi pour dénoncer une tendance ou une tentation moins présentes chez les Gilets Jaunes que chez ceux qui veulent s’en approprier les dividendes politiques. La gauche essaie désespérément de les récupérer sous le drapeau rouge de l’anti-libéralisme, comme Cary Grant retient de la chute Eva Marie Saint à la fin de Mort aux trousses : du bout des doigts et très improbablement. Tout le monde pressent que ce sera la bannière noire de l’illibéralisme qui leur servira d’attracteur spontané et irrésistible lors des prochaines (d)échéances électorales. Difficile, en effet, de ne pas resituer les Gilets Jaunes dans le contexte de la montée des extrêmes-droites xénophobes, de la Hongrie d’Orbán à l’Amérique de Trump, de l’Italie de Salvini au Brésil de Bolsonaro. Combien de temps mettra la préférence nationale pour monter au premier plan des revendications ? Combien de politiciens respectables contribueront à cette remontée ? Qui devrions-nous vraiment qualifier de « fascistoïdes » ?

Yves4025. Dans son dernier ouvrage, intitulé Argent, Christophe Hanna désigne ses personnages en substituant leur revenu mensuel à leur nom de famille. De nombreux lecteurs du livre en ont tiré l’habitude d’en faire leur signature de SMS ou de courriel. Généraliser cette pratique ne serait-elle pas un des meilleurs moyens de vérifier l’égalité des intelligences que clament et incarnent les Gilets Jaunes ? Quelle valeur peuvent avoir mes propos sur les Gilets Jaunes, dès lors que je gagne 4000 euros par mois ?

Zoopolitique. En tant qu’animaux humains, nous avons des besoins matériels dont la satisfaction conditionne notre survie physique (la zôè des Grecs) : zoopolitique. En tant qu’êtres sociaux, nous avons des besoins culturels de reconnaissance et de signification, propres à chacune de nos « formes de vie » (le bios des Grecs) : biopolitique. En tant que sujets de pensée, animés par des aspirations à comprendre, nous avons des besoins intellectuels propres à chacun de nos esprits (le noos des Grecs) : noopolitique. Le destin du mouvement social dont sont porteurs les Gilets Jaunes se jouera dans le niveau sur lequel nos sociétés répondront à leurs revendications. Tant qu’on en restera aux questions de première nécessité zoopolitique (augmenter le pouvoir d’achat) et d’identités biopolitiques (rassurer la France profonde), on fera le lit d’un devenir à tendance « fascistoïde ». C’est seulement en élevant les questions au niveau noopolitique, celui des « produits de plus haute nécessité », qu’on aura une chance d’éviter un tel écueil. Dans les Gilets Jaunes qui bloquent les carrefours, il nous faut apprendre à voir ce fameux « peuple qui manque » : un peuple dont nous faisons toutes et tous partie, dont l’intelligence potentielle est en excès sur son intelligence actuelle, un peuple qui, même lorsqu’il réclame du pouvoir d’achat, aspire à penser encore davantage qu’à dépenser. Un peuple avec et contre qui nous devons toutes et tous apprendre à penser avec et contre nous-mêmes.

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« Les capitalistes nous vendront la corde avec laquelle nous les pendrons. »
Влади́мир Ильи́ч Улья́нов
This is such a mind fuck.


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Répondre en citant le message  MessagePosté: 11 Jan 2019 17:08 
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Inscription: 31 Aoû 2005 21:06
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rix a écrit:
On ne m'a pas offert des stages d'anglais pendant les vacances et je n'ai pas les moyens d'aller passer mes vacances aux states.


bah Moi non plus. Mais j'ai eu beaucoup de chance: Je suis allé dans un endroit qui s'appelle collège et lycée dans lequel on m'a appris l'anglais pendant 7 ans et gratuitement. Et sans jamais avoir mis un orteil en Angleterre, J'ai appris à au moins comprendre l'anglais. Bref, ça peut se faire sans stage d'anglais et sans aller aux States, comme tu dis.

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Tel est mon bon plaisir.


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Répondre en citant le message  MessagePosté: 11 Jan 2019 17:37 
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Inscription: 24 Mai 2007 17:56
Messages: 20492
Localisation: En 1994
Toutafé et très sérieusement, s’intéresser aux sports US et jeux vidéos ça aide également.

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L'atome.


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