bigdudu a écrit:
Tu as tout faux.
Ce genre de propos augure mal d'un possible dialogue. C'est dommage.
Je n'ai pas tout faux, tu ne partages pas mon opinion, sans même prendre la peine de la connaître ni de la comprendre mais en interprétant mes propos. Ce que je disais était pourtant bien innocent.
Paul Bedel continuait à vivre comme il y a un demi-siècle, voire plus, dans un monde qui a beaucoup évolué en quelques décennies. Dans sa commune, dans son canton, je ne pense qu'il en reste beaucoup, voire pas du tout, y compris de sa génération, à vivre comme lui et ses sœurs vivaient. D'une certaine façon, ils étaient donc bien seuls même s'il recevait beaucoup de visites, notamment de gens qui l'avaient vu au cinéma. C'est dans ce sens qu'il était selon moi un exilé.
Bien sûr le film l'a mis en valeur, lui a rendu hommage, c'est un beau film et donc vu de l'extérieur on peut trouver tout cela sympathique. Mais pour moi, je peux me tromper, ces trois frères et sœurs ont eu une vie difficile qui me rend plutôt triste qu'elle ne me réjouit. Le fait qu'aucun des trois n'ait jamais fondé de famille n'est probablement pas étranger à cet état de paysans pauvres contraints de vivre comme au siècle dernier car n'ayant pas réussi la transition vers la modernité. Et je suppose que le fait de ne pas fonder de famille, ne pas avoir de postérité, a été ressenti par eux douloureusement.
Ce qui s'est passé dans nos campagnes, les transformations rapides, la disparition programmée des exploitations familiales, a brisé beaucoup de vies, loin du regard des caméras. Et les suicides d'agriculteurs qui sont toujours nombreux, dans l'indifférence générale, et qu'on présente souvent à raison motivés par des difficultés économiques ou des difficultés familiales, ne sont à mon avis pas sans rapport avec ce processus d'acculturation rapide et violent et d'anomie sociale qu'ont connues les sociétés rurales. Aujourd'hui le processus (décrit par Henri Mendras dans "
La fin des paysans" et "
Les sociétés paysannes") arrive à peu près à son terme, du moins en Europe occidentale.
Oui, j'éprouve de la tristesse à voir disparaître de façon irréversible les paysages et les visages de mon enfance, mais aussi les odeurs, les saveurs, les savoirs faire, les parlers, les façons de se représenter le monde, les valeurs, notre mode de vie, le sentiment d'appartenance à une communauté... Si tu juges cette émotion répréhensible, je n'y peux rien, c'est comme ça. Je pourrais dire que je m'en fous voire que je m'en réjouis, mais ça ne changerait rien à ce que je ressens.
J'ai choisi de consacrer ma vie à recréer tout ca (peu plus vivre autrement), et heureusement il y en a d'autres comme moi, et avec moi.
J'en ai quitter mon taf de fonctionnaire glandeur bien payé afin d'essayer de recréer ce mode de vie, c'est très dur.
L'auvergne est un bon terreau pour ca, où on nous laisse tranquille, à l'abri des cameras et même un peu de l'état