Je suis plus là-dessus, pour ma part. Et c'est volontaire si Je ne dis pas qui parle ni à qui. Surtout que ça doit pas être bien difficile à trouver.
« La moitié de la fiscalité écologique doit être redistribuée aux Français »
Le mouvement des « gilets jaunes » illustre combien peuvent s’opposer la lutte contre le réchauffement climatique et les revendications des Français en matière de pouvoir d’achat. Quelle pourrait être la réponse des politiques publiques pour éviter cet écueil ?
Première leçon à tirer de ce qui a déclenché le mouvement des « gilets jaunes » : pour opérer la transition écologique, la taxe carbone doit continuer à augmenter ; mais il faut qu’au moins 50 % de la fiscalité écologique soit redistribuée aux Français afin de les accompagner dans leurs changements de pratiques – en ciblant en priorité ceux pour lesquels les alternatives sont les plus complexes. On en est très loin aujourd’hui.
Deuxième leçon : il faut innover dans la production des politiques publiques, et organiser des « hackathons » [contraction de hack et marathon, le mot désigne un processus créatif répandu dans le domaine de l’innovation numérique, qui consiste à réunir des développeurs dans une démarche collaborative] autour de questions précises. Exemple : comment développer les alternatives à la voiture individuelle fossile en zone périurbaine ? Il s’agit de mettre tous les acteurs concernés – start-up, constructeurs automobiles, régies de transport, élus locaux, régions, Caisse des dépôts, banques, etc. – autour de la table pour trouver une solution.
La transition écologique impose de bouleverser les formes habituelles de production des politiques publiques, parce que les obstacles qui s’y opposent sont ultra-concrets – tel un syndic qui ne votera pas les travaux d’isolation d’un immeuble. Or, ces obstacles ne sont jamais pris en compte par les cabinets ministériels, qui en sont très éloignés. Du coup, les belles intentions ne sont pas suivies d’actes. D’où l’intérêt des hackathons, qui permettent de créer de la transversalité et de partir du quotidien. Ils devraient être organisés grand enjeu par grand enjeu, de façon territorialisée. En commençant par trois priorités : la mobilité périurbaine ; l’isolation thermique des logements ; la transition agricole.
Quels sont les principaux atouts de l’Etat pour accélérer la transition écologique ?
L’Etat a trois rôles majeurs à jouer. D’une part, s’assurer de la cohérence des politiques publiques avec les grands objectifs posés par l’accord de Paris (2015) sur le climat. D’autre part, faire levier en tant qu’investisseur. L’essentiel du financement nécessaire à cette transition doit provenir des investisseurs privés, mais, pour le déclencher, l’Etat doit partager un peu de risques avec eux – ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Troisième rôle enfin : celui de chef d’orchestre. Il faut que l’Etat réunisse les musiciens de la transition – et ils sont nombreux – dans un même ensemble instrumental, afin que soient créés les outils, les consensus et les mobilisations nécessaires.
La démission de Nicolas Hulot a remis en pleine lumière l’impuissance récurrente de son ministère. Que faudrait-il faire, concrètement, pour que l’écologie devienne transversale dans l’action du gouvernement ?
En premier lieu, aligner le budget avec l’accord de Paris, au plus tard à la fin de ce quinquennat. C’est fondamental : même s’il ne résume pas la totalité des politiques publiques, le budget est le bras armé de l’Etat. On transmet deux dettes à nos enfants, une dette financière et une dette écologique. Il nous faut donc avoir deux boussoles, associer à la dette financière une dette carbone, et piloter la réduction des deux en parallèle. Or, actuellement, en France comme ailleurs, il n’y a pas de mécanisme qui contraint les gouvernements à piloter la dette carbone.
Deuxième proposition concrète, reprise par Nicolas Hulot quand il était ministre : créer pour l’écologie l’équivalent du Conseil de défense. Réunir à dates régulières autour du président de la République tous les ministres concernés – finances, logement, transports, agriculture et bien sûr transition écologique – pour faire un point sur les avancées des propositions et des mesures. Imaginez ce Conseil couplé à un budget aligné avec l’accord de Paris, et vous avez totalement transformé le cadre des politiques publiques en matière de transition écologique.
Comment l’Etat peut-il élargir l’impact des bonnes pratiques, qui se multiplient à l’échelle locale mais sont rarement généralisées ?
Qu’il s’agisse d’initiatives publiques ou privées, le rôle de l’Etat est d’aller chercher ces bonnes pratiques, qui restent l’exception, et d’en faire la règle. Il s’agit d’exploiter cette richesse et ces énergies locales, non pas simplement en les donnant en exemple – on n’a plus le temps pour cela –, mais en adossant une politique publique sur ces innovations.
Prenons trois exemples. Le distributeur Casino a récemment mis en place un étiquetage pour ses produits de volaille en se basant sur 230 critères, dont le transport, les soins et la méthode d’abattage.A Strasbourg, 15 % des déplacements en centre-ville se font à vélo – c’est la ville française qui en utilise le plus. Enfin, des dizaines de milliers d’agriculteurs travaillent désormais en bio et se passent de glyphosate. Que ce soit dans le domaine de l’alimentation, de l’agriculture ou de la mobilité, ces objectifs sont donc atteignables. Il faut inverser la charge de la preuve, et comprendre pourquoi ces bonnes pratiques sont possibles au lieu d’expliquer pourquoi elles ne le sont pas. Pour les généraliser, le rôle de l’Etat est triple : fixer des objectifs ambitieux mais réalistes ; expertiser les meilleures techniques et en faire le standard ; accompagner les investissements nécessaires pour y parvenir.
_________________ Tel est mon bon plaisir.
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