Quand on voit la puissance du Havre, le club et le MNK96 devraient rester modeste dans leur communication.
Nous sommes désormais des nains face aux havrais « Ça va changer la vie du HAC », l'immense ferveur au Havre depuis son retour en Ligue 1Comme l'affirme Mickaël Stalin, responsable du restaurant du club, Le Havre est porté par une ferveur incomparable depuis la remontée en Ligue 1.
Sébastien Buron, envoyé spécial au Havre (Seine-Maritime)
mis à jour le 19 août 2023 à 18h14Suiveur du HAC pour le journal Paris-Normandie depuis vingt-trois ans, Benoît Donckele tire sur sa cigarette électronique et reste scotché : « Autant de monde, je n'avais jamais vu ça. »
Mercredi après-midi, plus de 200 supporters assistent à l'entraînement de leurs protégés, et ils étaient déjà plus d'une centaine le matin, un total déjà rarissime en temps ordinaire. Mais Le Havre a fait son retour en Ligue 1, quatorze ans après, et la remontée est perçue comme une délivrance.
« On l'attendait depuis si longtemps, c'est un miracle », souffle Franck, déjà présent lors de la montée en 1985. Logo du club tatoué au mollet gauche, Richard est toujours aux anges : « La remontée, on n'y croyait plus. Même la semaine dernière à Montpellier (2-2), je n'y croyais toujours pas. Puis je me suis dit : "Ça y est, putain, on y est." » Trois jours plus tard, les maillots ou polos du HAC sont nombreux le long de la rambarde.
Angelina, elle, agite un énorme étendard. « Le 2 juin (1-0 contre Dijon) restera le meilleur des souvenirs, c'est au-delà de tout, affirme la jeune femme de 19 ans. Cette montée était magique, tout le stade était debout, en train de chanter avec nous. Ça versait des larmes dans la tribune ! » Abonnée depuis ses « 5-6 ans », Angelina est la fille de Michaël Duchemin, le président du Kop Ciel et Marine, plus ancien groupe de supporters du HAC, créé en 1984.
« Une génération n'a jamais vu la L1, les anciens s'y mettent tous car ils retrouvent leurs 20 ans, c'est la folie »
Romain Lefebvre, trésorier de la Fédération des supporters du HAC
Et le responsable donne une explication à cet engouement : « Ces dernières années, on n'a pas fait de parcours en Coupe de France. Avant la montée, il n'y avait rien. » Au XXIe siècle, le club n'avait ainsi disputé que deux saisons dans l'élite, en 2002-2003 et 2008-2009, et il ne s'y est plus maintenu depuis vingt-quatre ans.
Le record moyen d'affluence devrait être « pulvérisé »
« Une génération n'a jamais vu la L1, les anciens s'y mettent tous car ils retrouvent leurs 20 ans, c'est la folie », corrobore Romain Lefebvre, le trésorier de la Fédération des supporters du HAC.
À l'interminable attente a donc succédé un enthousiasme inédit. « La saison dernière, on avait 3 000 abonnés, et là on est passés de 3 000 à 11 000 en une journée, explique Clément Calvez, le directeur développement du champion de L2. En un jour, on avait atteint le quota fixé. On savait que ça allait être assez puissant, mais on a quand même été assez surpris. » Alors, si la meilleure affluence date de 2008-2009, avec 13 500 spectateurs de moyenne, un cap va être franchi : « On souhaiterait arriver à 19 000 de moyenne. On va pulvériser le record. »
Propriétaire du club depuis 2015, Vincent Volpe a même été sollicité par des amis. « Ma réponse était toujours très simple : "Fais comme les autres, achète tes abonnements !", se marre-t-il. À chaque fois, je paie les places de mes invités et montre l'exemple. Si je paie pour mes invités, je ne vais pas donner des abonnements gratuits aux copains ! »
2 000 maillots vendus en une semaine, contre 4 000 sur l'ensemble du précédent Championnat
D'autres chiffres témoignent de cette excitation. L'année passée, 500 supporters avaient assisté au Fan Day, journée pour les supporters lors de laquelle le HAC présente son effectif et ses maillots. Ils étaient 4 500 le 8 août dernier. Depuis, 2 000 maillots ont été vendus en une semaine, contre 4 000 sur l'ensemble du précédent Championnat.
Mercredi, la file d'attente est d'ailleurs continue pour entrer dans la boutique, située en face du centre d'entraînement. « Je suis abonné et c'est la première année que j'achète le maillot ! », confie Franck Feuilloley.
« Partout où on allait, on voyait des maillots, c'était une ville en train de renaître »
Arouna Sangante, capitaine du club
Formé au club et promu capitaine, Arouna Sangante a vu cette effervescence grandir. « Partout où on allait, on voyait des maillots, c'était une ville en train de renaître, se réjouit le défenseur de 21 ans. Là, j'en vois encore partout, je vois même mon nom, j'essaie limite d'être discret (rires). Il y a deux ans, on ne voyait pas ça. L'année dernière, c'était un truc de fou qu'on aimerait revivre. »
Mickaël Stalin est le responsable du Stadium Bar & Grill, restaurant du club attenant à la boutique et dans lequel sont exposés de nombreux maillots et objets à l'effigie du HAC. « Le match de Noël (1-0 contre Bordeaux, le 26 décembre), ç'a été un déclencheur, explique-t-il. On s'est aperçu qu'un truc de malades était en train de se créer. Au niveau du taux de remplissage, on est désormais plus que du simple au double. Cette montée, ça va changer la vie du HAC et du Havre en général. »
Régis Debons se remémore le but décisif face à Dijon : « C'est une libération et un moment de plaisir, c'est comme gagner une Coupe du monde, affirme l'adjoint au maire, chargé des Sports. Édouard Philippe ? Au moment du but, il a levé les bras et serré les poings, comme si c'était lui qui avait marqué ! »
« Ç'a été beaucoup d'émotion, sourit l'entraîneur Luka Elsner. On a senti au fur et à mesure que le football retrouvait une place fondamentale au sein de la vie de la ville. Participer à ça, avec ce groupe, ç'a été une vraie fierté. »
Au lendemain de ce succès, les héros ont été célébrés lors d'une parade en car devant une foule impressionnante, et ils ont mis un temps dingue pour rejoindre la mairie, où ils ont continué à communier depuis le balcon de l'Hôtel de Ville. « Plusieurs sites de la ville ont aussi été mis aux couleurs ciel et marine, ajoute Debons, et on les a aussi félicités par des projections ou des messages sur des panneaux. »
La grande première du HAC en L1 au stade Océane
Volpe sourit en repensant aux supporters faisant « un détour dans la rue » pour le remercier, après avoir évoqué son « émotion » et sa « fierté ».
« La montée des garçons, c'était la dernière pierre à poser au niveau du projet, se félicite l'Américain de 65 ans. C'est la cerise sur le gâteau. Si c'est mon meilleur souvenir sportif ? C'est l'un des deux meilleurs. L'autre date d'il y a très longtemps, quand j'ai été champion de lutte des États du nord-est des États-Unis, au lycée. C'était énorme aussi. Dans ma vie d'adulte, clairement, c'est la montée en Ligue 1. C'est un pas historique pour nous. »
« Je suis très ému de voir le club en L1, dans ce stade-là »
Jean-Pierre Louvel, président du HAC de 2000 à 2015
Aujourd'hui, face à Brest, il le sera d'autant plus que, pour la première fois depuis son ouverture en 2012, le stade Océane va accueillir un match du Havre dans l'élite. Président du club de 2000 à 2015 et grand initiateur du projet, Jean-Pierre Louvel est forcément heureux. « Je suis très ému de voir le club en L1, dans ce stade-là, explique l'ancien dirigeant. Deux fiertés me resteront de mon mandat : le centre de formation et ce stade. Il a été fait pour la Ligue 1. »
Jeudi, à trois jours de cette première, les joueurs ont pu s'aérer l'esprit lors d'une sortie karting. La veille, tout le staff et l'état-major havrais s'étaient rendus dans le local de la Fédération des supporters pour échanger, comme l'année dernière, avec les différents groupes. Car le maintien passera par l'appui de tous.
« On a vu plus de 200 personnes nous suivre à Montpellier, souligne Elsner. Pour nous, ce sont des marques presque plus importantes qu'être entrés dans un livre d'histoire. » Mais le technicien le sait bien : ce dimanche face à Brest (15 h), devant 22 000 spectateurs, lui et ses joueurs écriront de nouveau une grande page dans celui du club doyen.