tite-live a écrit:
Je pose ça là avant qu'un non-initié le fasse.
Je précise, pour le cas où vous entendriez des gens râler sur "ces cons de profs qui font grève le jour du brevet", que ce syndicat est ultra-minoritaire dans la profession.
Je précise aussi qu'il est classé (très) à droite, même s'il tente parfois de brouiller les cartes, notamment en déclarant en 2012 avoir "une proximité technique avec le programme éducatif du front de gauche", ou encore en réfutant le soutien que lui a apporté en 2014 le fameux "collectif Racine" (affilié au FN).
"Avec le SNALC, nous serons EN GREVE
pour les journées du BREVET
Nous n’irons pas aux convocations :25 ou 26 juin : surveillances29 juin, 30 juin ou 1er juillet : corrections
UN PRÉAVIS QUI COUVRE TOUS LES PERSONNELS
Chaque personnel de l’Education nationale, qu’il soit enseignant ou non, convoqué ou non à l’occasion du brevet, dans le 2d degré ou ailleurs, est couvert par le préavis de grève du SNALC et des sections locales des autres organisations de l’intersyndicale (FSU, SUD…) qui se sont ralliées à notre préavis dans un souci évident d’efficacité et d’unité.
FORTS DE NOTRE DROIT
Le SNALC appelle chaque professeur convoqué pour les surveillances ou les corrections- à ne pas se présenter le jour de sa convocation, sans avoir à prévenir qui que ce soit ;- à se méfier des pressions exercées insidieusement visant à culpabiliser et casser le mouvement ;- à n’accorder aucun crédit aux mensonges sur d’éventuelles sanctions ou interdictions ;- à faire connaître et faire valoir son droit de grève, constitutionnel, n’en déplaise aux détracteurs…
Compte tenu du flou de la jurisprudence en matière de décompte des journées de grève et de la mauvaise foi de l'administration, nous vous déconseillons cependant de faire grève à la fois le vendredi 26 et le lundi 29 et nous vous suggérons dans ce cas de privilégier la grève le jour des corrections."
Admirez la classe des conseils pratiques au passage, en mode "Faîtes chier le plus possible sans en assumer les conséquences"...
Argh ! La gueule du procédé.
Je n'ai pas fait la grève des corrections, Tite-Live, et je ne suis pas syndiqué, mais je suis effaré de voir à quoi en sont réduits les "pro-réforme" pour caricaturer une opposition qui va bien au-delà de l'encartement syndical ou des clivages politiques.
Je n'ai fait que survoler les dernières pages du sujet, comme un porc, et voilà la brillante analyse que je tire de mes observations. Tu sembles quelque peu emmerdé par le sujet de cette réforme : "Y a du bon, et du moins bon". Sachant que l'homme de goût ne peut que la trouver abjecte, ou bien tu n'as pas du tout bossé le sujet et tu te contentes de positions vaguement idéologiques, ou bien tu es gêné aux entournures parce que, chargé de formation et dévoué à ta hiérarchie, il va bien falloir que tu fasses avec une réforme à laquelle tu es condamné à trouver des qualités.
Allez, laissons-là le sujet du latin, qui est bel et bien mort. Enfin... disons qu'il n'y en aura plus dans une grande majorité d'établissements dans cinq ou dix ans au plus tard (parce que les conditions de sa mise en place posent de telles contraintes qu'on aura bien d'autres chats à fouetter), alors qu'on l'enseignera toujours dans les bahuts huppés.
Laissons-là aussi le sujet des vilaines bilangues qui..., comment on dit ? Ah oui, qui ne servaient qu'à la reproduction des élites sociales, même quand elles étaient gratos et offertes à des gamins de banlieue. Et abreuvons-nous de la communication ministérielle en fermant les yeux sur le fait qu'on ne touche pas aux sections internationales, aux CHAM et aux CHAD (classes à horaires aménagés musique ou danse), qui ne sont pas du tout destinées aux enfants bien nés : on les propose d'ailleurs dans un bahut comme Henri Brunet, établissement de la banlieue du centre-ville de Caen.
A-t-on parlé ici des déjà fameux EPI ? De la baisse des horaires disciplinaires même si l'on veut bien inclure les heures d'EPI dans les horaires disciplinaires ? Histoire de bien rappeler tout de même que derrière le vernis, cette réforme est bien économique ?
Parce que voilà bien une des composantes majeures de la réforme : c'est tellement mal gaulé et opaque qu'on y pige que dalle à moins d'avoir fait un gros boulot d'information dessus. Si on compte sur le JT de France 2...
Beaucoup de gens réaliseront seulement quand ils verront l'emploi du temps de leur gamin de troisième bloqué à 26 h par semaine. Autrement dit, vous mettez quatre heures par matin, et il reste six heures de cours à répartir sur les quatre après-midi. M'enfin, pour limiter la casse esthétique, on allonge la pause du midi (2 heures obligatoires) : comme ça, on remplit avec du vide et les gamins ne sortiront pas si tôt. Le plus drôle, c'est que ça suffira à cacher la misère.
A-t-on parlé ici de la suppression des AE dans tous les collèges hors REP, dès la rentrée 2015 ? Les AE, pour les gens normaux, sont des heures sup' qui permettaient de financer aide aux devoirs et ateliers divers. Les deux heures de pause méridienne seront bel et bien deux heures de glande.
De manière générale, l'EN est devenue un monde totalement orwellien. De la même manière que George imaginait qu'on supprimerait toute révolte en ôtant tout moyen d'exprimer un sentiment de révolte, on prétend aujourd'hui supprimer l'échec en empêchant de le nommer : l'école apportera la réussite à tous, non pas parce qu'on aura cherché honnêtement à lutter contre la faillite éducative, mais parce qu'on ne pourra plus, tout simplement, pointer les lacunes monstrueuses des gamins.
Et voilà qu'abonde le vocabulaire moral, les bonnes intentions sectaires qui pavent l'enfer pédagogiste : le prof moderne est "bienveillant", le gamin n'est plus qu'une victime potentielle des pratiques qui le traumatisent et le stigmatisent. En 2016, on introduit l'Enseignement Moral et Civique". "Moral", sans déconner, y a personne à qui ça fait drôle ?
Ça me fait vraiment chier de le dire, parce que j'aime toujours autant bosser avec mes petits merdeux de ZEP, mais je suis convaincu que l'on ne verra bientôt plus un toubib, plus un ingénieur, plus un cadre sortir des établissements les plus sinistrés. Le rêve d'une école républicaine offrant les mêmes chances de réussite à tous est mort, sous prétexte d'égalitarisme hypocrite. J'ai vu cette année les gamins de CE1 d'un bahut privé donner une petite représentation théâtrale : ils maîtrisaient tous une quantité de texte qu'il serait aujourd'hui impossible de faire apprendre à la grande majorité des collégiens dont on n'a jamais fait travailler la mémoire (ben oui, loi de 56, suppression du travail à la maison le soir : je vous laisse imaginer où c'est appliqué et où ça ne l'est pas).
Flûtain ! ça fait un pavé bien bordélique.
Pour ceux que l'avenir de leur gosse intéresse :
http://www.reformeducollege.fr/http://www.neoprofs.org/f186-reforme-du-college-2016 : un petit feuilleton sympathique en particulier, avec les "inepties". Un fil, une ineptie par jour, pour démonter la com' officielle.
Et si vous pouvez le trouver, je recommande en particulier le numéro spécial de Marianne (magazine d'extrême droite, hein ! Tite) qui est sorti vendredi dernier (le 26 juin) avec un excellent dossier intitulé : "Sauvons l'école".