Comme quoi, dans le milieu enseignant, tous ne pensent pas avec bigdudu que le niveau ne baisse pas : - Cliquez ici pour faire apparaître le contenu caché
Jean-Paul Brighelli : « Même le niveau des meilleurs élèves baisse » L’enseignant, auteur du best-seller « La Fabrique du crétin », publie un deuxième tome, intitulé « Vers l’apocalypse scolaire ». Un titre qui traduit sa grande inquiétude…
LE FIGARO - Il y a dix-sept ans, vous avez jeté un pavé dans la mare avec La Fabrique du crétin. Qu’est ce qui a changé depuis ? Jean-Paul BRIGHELLI. - Quand le livre est sorti, je ne m’attendais pas à un tel succès. À l’époque, même la presse de gauche en a fait écho. Ce que je constate, c’est que les positions se sont durcies. Aujourd’hui, je suis dans le camp du mal, et le camp du bien m’ignore. Il faut dire que je tire à boulets rouges sur certains profs. Durant le confinement, on a bien vu que certains ont disparu, et ont pris le prétexte de ne pas avoir d’ordinateur pour éviter de faire cours. Certains ont la vocation, d’autres attendent que ça se passe. J’ai eu envie de dire aussi que j’avais raison à l’époque, quand certains m’accusaient d’être le messager du malheur, d’être Cassandre. Mais Cassandre a raison !
Quel est votre regard sur le bilan de Jean-Michel Blanquer ? Au début, j’étais plein d’espoir quand, en arrivant en poste, il a distribué aux écoliers Les Fables de La Fontaine. J’ai apprécié aussi qu’il ait expérimenté la méthode Lego (une méthode alpha syllabique) dans des écoles parisiennes puis dans une dizaine de départements. Mais, globalement, il est passé à côté de son ministère. Il s’est focalisé sur le lycée général avec la réforme du bac. C’était comme essayer de ranimer un mort. Tout le système est basé sur un mensonge, avec un taux de réussite à 93,8 %, et un taux de mention très bien à 13,6 %. Le nouveau bac coûte encore très cher, et ne sert plus à rien, puisque les décisions d’orientation sont prises le 15 mai, en fonction du livret scolaire. Ce n’est même plus un rite. Pourtant, on sait bien que le niveau baisse, même celui des meilleurs. Ce n’est pas parce qu’on donne 18 à tout le monde que le niveau a monté. Il faut que les parents sachent qu’on leur ment. L’autre erreur a été la réforme qui, depuis 2022, oblige les futurs enseignants à décrocher un master pour se présenter au concours. Avant, une licence suffisait pour préparer le Capes. Cette réforme a provoqué une évaporation des candidats.
Pensez-vous que la mission de ministre de l’Éducation nationale est impossible ? La machine est impossible à bouger. Les vrais fautifs, selon moi, sont les inspecteurs pédagogiques régionaux (IA-IPR). Ce sont eux qui font le plus de mal. En Lettres, ils se cooptent entre eux, pour le pire. Et je vois des professeurs se faire retoquer car ils insistent trop sur la grammaire, qu’il n’y a pas assez de travail de groupe, qu’il n’y a pas assez de « papotis » dans la classe. Ils interdisent les dictées non préparées. Certains inspecteurs obtiennent l’agrégation sans même passer le concours, juste par cooptation, voire copinage.
Quelle est la raison selon vous de cette « apocalypse scolaire » ? Le mot d’ordre est l’égalitarisme. On a mis en place les maths modernes dans les années 1970 pour éviter que les parents aident leurs enfants, afin que les enfants soient à égalité. On a transformé le cours de français en une matière « technique » afin de ne pas favoriser les enfants des bourgeois qui avaient une meilleure plume du fait de leur éducation… Le comble est qu’on aboutit à l’effet inverse. En réalité, l’analyse de Pierre Bourdieu, qui montrait dans Les Héritiers que l’école reproduisait les inégalités, était fausse lors de la parution de son livre en 1964. Cette inégalité est devenue une réalité. Les méthodes ont favorisé ceux qui avaient les moyens d’aider leurs enfants, de les envoyer dans le privé - à commencer par l’actuel ministre de l’Éducation. Cela a favorisé l’entre-soi. Désormais, si on ne peut plus recruter sur le diplôme, on va prendre les enfants des amis, ceux qui ont fréquenté les bons lycées, le bon quartier, ceux qui sont considérés de bonne famille.
Certains craignent qu’avec Pap Ndiaye la situation ne s’arrange pas. Quel est votre avis ? Il faut lui laisser sa chance. Ce n’est pas parce qu’il a dit telle chose il y a dix ans, que c’est forcément ce qu’il va faire aujourd’hui. Il sort de l’ENS Saint-Cloud comme moi et il a bénéficié du meilleur système éducatif. Et ce n’est pas un privilégié. Je préfère attendre avant de juger car, pour l’instant, il n’a pris aucune décision - juste des déclarations d’intention où chacun trouve son bonheur. La seule chose qu’il a faite est de rendre hommage à Samuel Paty. On ne peut pas le lui reprocher. De plus, c’est un historien, ce n’est pas un sociologue. Pour Emmanuel Macron, c’était une façon de jeter une pierre dans le jardin de Mélenchon. Il devra mener la réforme des salaires des enseignants, et je lui souhaite du courage. Je pense que ce sont les débutants surtout qu’il faut augmenter afin d’attirer des candidats de meilleur niveau - sans oublier les autres, en ces temps d’inflation. Il faut aussi arrêter de recruter des professeurs des écoles en fac de socio ou en psycho. Les futurs enseignants doivent, comme c’était le cas avant, être issus de licences de lettres, de maths ou d’histoire : les matières qu’ils auront à enseigner à l’école. Enfin, il faut que le recrutement se fasse dans la région du candidat. Le système national des affectations n’est plus tenable. Ou alors on fait comme à l’École de police de Saint-Cyr-au-Mont-d’Or : les candidats pourraient choisir leur affectation en fonction de leur rang au concours.
Comment voyez-vous l’avenir ? J’ai peur que l’on supprime les classes préparatoires. Cela a failli se faire sous Vincent Peillon (ministre de l’Éducation nationale de 2012 à 2014, NDLR). Les classes préparatoires sont un fabuleux levier de promotion sociale. J’enseignais dans une prépa Sciences Po à Marseille, où je donnais des cours à des élèves issus des quartiers défavorisés, une nourriture intellectuelle à laquelle ils ont droit. Une classe de 24 élèves de la « diversité », comme on dit. Leur réussite est une grande victoire. Je suis aussi inquiet pour l’avenir des garçons. Aujourd’hui, 80 % de ceux qui redoublent, qui sont punis ou ont des problèmes de dyslexie, sont des garçons. On parle beaucoup des filles, mais ce sont les garçons les grands perdants. Ils trinquent terriblement. Entre autres parce qu’ils manquent de modèles à l’école, qui est un univers essentiellement féminin. ■
_________________ Pour les petits bourgeois de gauche, la réalité est fasciste, il convient donc de la nier jusqu'à l'absurde s'il le faut : le niveau monte, l'immigration est une chance pour la France, ill n'y a pas d'insécurité mais un sentiment d'insécurité....
|