Une petite chronique, aujourd'hui je vais vous parler de
Ronin.
C'est un comics en six chapitres de 48 pages chacun écrit et dessiné par Frank Miller et mis en couleurs par sa femme Lynn Varley.
Miller a effectué ce travail dans un contexte bien précis.
En effet à partir de 1979/1980 il a pris en charge le destin du personnage de Daredevil pour Marvel, à cette époque Frank Miller était très jeune et débutait.
Il aura fait passer Daredevil en quelques dizaines d'épisodes du statut de gros ringard qui se vend pas à super héros de première classe qui truste les meilleures ventes.
D'emblée sa réputation et sa carrière explosent et Frank Miller est sollicité de toute part.
Il obtiendra de la part de DC comics des garanties de liberté artistique et financière (au niveau des royalties notamment) exceptionnellement avantageuses et jalonnera la défense des droits des auteurs face aux majors avec ses négociations.
Dans une liberté totale sans univers pré-existant à perpétuer ni code à respecter pour la première fois de sa carrière il choisira d'accoucher de Ronin.
L'histoire d'un samouraï ayant failli à défendre son maitre et traversant le temps pour perpétrer sa vengeance au 21ème siècle.
J'ai trouvé ça drôlement précurseur comme histoire pour l'époque, j'imagine que les romans de SF avaient déjà rebattus toutes les thématiques bien avant que Miller écrive la première ligne de son scénario en 1983 mais tout de même moi qui n'ai pas lu le moindre roman SF j'ai été impressionné.
C'est une œuvre qui ne se laisse pas accoster facilement, au début on capte pas grand chose, la narration saute du coq à l'âne et laisse un peu le lecteur dans une expectative qui dure plus longtemps que d'habitude à la lecture d'un comics.
Les dessins n'aident pas, Miller part en freestyle quelque chose de bien, il est dans son pré carré et entend faire les choses à sa manière, tant pis si c'est vite, (d'aucun diront baclé mais ce n'est pas mon avis) si c'est cadré tout chelou, si les décors sont brouillons, il veut expérimenter et installer son lecteur dans un univers unique sans aucun code pour se raccrocher aux branches.
Un comics impressionniste en quelque sorte.
Maintenant ça a l'air moins exotique mais j'imagine la tronche du fan de Daredevil qu'a acheté ronin sur le nom de Miller en 1983, il devait vraiment penser qu'on se foutait de sa gueule.
Bref ça aborde relativement sommairement le Japon médiéval contrairement à ce qu'on pourrait attendre du titre pour se tourner vers un 21ème siècle new yorkais crasseux comme si Blade Runner avait été mélangé à Mad Max et que la première guerre mondiale y avait eu lieu à nouveau à grands coups de néo-gaz moutarde.
Il y est question d'intelligence artificielle, de la nature de la conscience, du manque, de la frustration, de l'amour, de la passion, de la tradition, de l'illusion, de l'honneur, de la cybernétique, du mysticisme, du capitalisme, de l'idéalisme et de la guerre (et j'en oublie surement).
Si on pouvait mettre dans un sac des films comme Akira, Terminator, Matrix, Furyo et Tetsuo secouer le tout et l'accomoder à la sauce "audace d'un jeune créateur talentueux à qui on a retiré la laisse et dit: va ou tu veux !" on obtiendrait quelque chose qui approcherait peut être de Ronin.
Mais il s'agit d'une œuvre qui a son identité propre.
La plupart des gens ne l'aiment pas, pas au premier contact en tout cas même et peut être surtout les fans de Miller.
Il est même commun d'en arrêter la lecture avant la fin et pourtant c'est bien dans la dernière partie que l'envergure de la chose est palpable.
Cette bd ne vous séduira pas, il y a peut être même des chances que vous regrettiez d'y avoir mis du temps et de l'argent car quelque part ce comics a aussi été fait pour vous cracher à la gueule et vous ouvrir le crâne d'un coup de sabre vers d'autres esthétiques, d'autres univers.
C'est le comics le plus vivant et le plus dense de Miller, il est comme un album des stooges lorsqu'ils avaient 20 balais.