Isaac a écrit:
François de Malherbe a écrit:
En effet Molko, la querelle des Anciens et des Modernes illustre à merveille ce genre de polémiques sans cesse renouvelées.
Mais, finalement, le débat englobe plus généralement l'histoire des idées et de leur diffusion dans le paradigme des ruptures mentales. D'après la fameuse "loi de Schopenhauer" (probablement apocryphe, mais passons), les idées s'imposent dans la diachronie selon 3 étapes : elles sont d'abord
ridicules (tellement marginales), puis
dangereuses (pour l'ordre établi) avant de devenir
évidentes. Les différents champs de connaissances scientifiques ainsi que les pratiques sociales et politiques semblent innervés par ce principe : la Terre tourne autour du Soleil, l'esclavage est aboli, les femmes ont obtenu le droit de vote, une pissotière dans un musée, que des évidences ! Et pourtant, en recontextualisant, ces évidences n'en étaient guère, tout comme les évidences d'après-demain (pour ceux qui auront survécu

) apparaîtraient sûrement ridicules au plus grand nombre aujourd'hui.
Je ne connaissais pas cette loi, c'est intéressant même si, complètement à priori, on a du mal à admettre que toute [grande] idée fondatrice suive ce cheminement. Du coup je cherche des contre exemples ...
De manière générale, plein d'idées sont passées par là, à commencer par l'idée que le peuple s'administre lui-même, par exemple. ne plus avoir un roi qui nous gouverne, c'était ridicule tellement c'était marginal, puis dangereux pour l'ordre établi avant de devenir une évidence aujourd'hui. Comme le fait de n'avoir "qu'une seule" langue en France (même si là, attention gros débat).
Pour reboucler sur l'art, et prendre un exemple évident, l'impressionnisme relève de cette logique. D'abord un mouvement marginal qui est refusé par l'académisme (les salons), puis un mouvement dangereux de perversion de l'art avant d'être aujourd'hui un truc adulé au delà de toute mesure. Et ce qui est formidable, pour aller plus loin, c'est que parmi ceux qui se pâment devant l'impressionnisme, on trouve pas de gens qui vomissent "larkontemporin", qui ne serait pas de l'art, qui signerait une décadence artistique liée à l'inévitable décadence morale : ils ne font que reprendre les arguments qu'on jettait aux impressionnistes.
Dans un autre style, il est assez marrant de lire ce que disaient les intellectuels (et pas des moindres) des années 1880 de la Tour Eiffel, à l'époque représentant l'architecture contemporaine, qui n'avaient pas de mot assez durs pour ce machin qui allait défigurer Paris et il fallait absolument défendre le patrimoine français. Aujourd'hui, les mêmes qui se touchent la nouille devant le patrimoine frânçais hurlent devant les constructions d'aujourd'hui qui enlaidissent.
Si babo était là, il vous raconterait l'histoire du kiosque à musique de la place de la Rèp. Installé à la fin du XIXe, c'était un de ces kiosques en fer forgé qui a été très très critiqué car ce champignon de fer dénaturait le patrimoine. Quand on l'a retiré à la moitié du XXe siècle, les gens ont hurlé que son retrait dénaturait le patrimoine.
Comme quoi, c'est un concept vivant et en évolution perpétuelle.
Et c'est très bien.
Et en plus ça emmerde les rageux.