Ben je te parle aussi de patron à la tête de boîtes employant l'équivalent d'une trentaine de temps plein maxi. Et c'est pas un cas isolé, puisque je sais que ça se fait ailleurs dans le même secteur qui doit compter entre 1500 et 2000 établissements en France.
La raison, elle est là :
Molko a écrit:
Tiens, je continue sur la restauration ; je parle d'une entreprise réalisant plus de 3M€ de CA annuel sachant que le premier poste de dépense est représenté par le personnel (une cinquantaine d'employés payés 650€ le mois environ). Et juste pour n'avoir pas à payer une dizaine d'heures sup à +25% à quatre ou cinq personnes, on a recours à lapratique illégale il est vrai de l'avenant antidaté.
Mais c'est une politique de maintien dans la précarité qui est assumée. Un jour on m'a expliqué le plus sérieusement du monde (et en m'encourageant à mettre cette pratique en oeuvre) que cette précarité était absolumment volontaire. Si on voulait, on pourrait payer plus mais en payant moins, les gens ont toujours besoin d'argent. Donc quand t'as quelque chose à leur demander (le fameux volontariat en entreprise), ils ne peuvent pas refuser, ni les heures sup, ni autre chose. Par contre quand t'as pas besoin, c'est plus ton problème, ils se démerdent.
Chez certains restaurateurs du Vaugueux, par exemple, outre le fait qu'en saison l'écrasante majorité des heures de travail ne sont pas déclarée, les conditions sont aussi assez sympa ; tu prends le matin à 10h. Tu bosses jusqu'à environ 15h (le temps que les derniers clients ne se cassent). Tu reprends à 18h et tu termines quand le ménage est terminé après les derniers clients, il est généralement environ 1h du matin, soit 12h dans la journée, 15h d'amplitude et 9h de repos entre deux jours.
Le tout, évidemment, au mépris de la réglementation en vigueur, 6 jours sur sept, soit 72h la semaine.
Tu peux compter sur 1200€, soit une rémunération, d'un peu plus de 4€ de l'heure. Wahou... Géant ! Comme dirait Oligone.
Alors évidemment, à ce compte Là, tu manges à l'oeil et le patron te fournit l'alcool pour tenir le coup (whisky coca "obligatoire", un verre chaque soir (c'est très mal vu de pas aimer ça)).
Evidemment aussi, ton contrat de travail précise que tu ne travailles qu'à mi-temps, et comme une partie de ton salaire est payée au black, les chiffres officiels précisent que tu es payé environ 11€ de l'heure. Et les crédules comme Oligne y croient.
Et là, je parle d'une entreprise qui déclare entre 450 000 et 500 000 € de CA avec 8 salariés et qui s'est permis d'acheter un second fonds de commerce (pas la petite entreprise qui souffre tous les jours). Et sans compter que ce ne sont pas les achats qui plombent les comptes vu que rien n'est aux normes (mais un devis de réalisation des travaux est toujours disponible pour montrer aux inspecteurs qu'on est sur le coup) et que la DGCCRF aurait bien des choses à redire sur le contenu des assiettes (les services d'hygiène aussi).
Et puis y'a aussi certaines grandes boîtes, genre une marque suédoise de prêt à porter ayant inondé l'Europe de ses produits pourris et installée 49/53 rue St Pierre (je ne précise pas plus pour conserver son anonymat), qui ont une politique nationale (et revendiquée en interne) très claire ;
Tu recrutes des jeunes en CDD bien sûr mais tu ne leur propose que des contrats de 8h ou 16h maxi par semaine. Tu les fais travailler 35h/semaine et tu leur fais signer un avenant antidaté portant leur durée de travail à 35h après coup pour n'avoir pas à les payer en heures sup (faut pas déconner non plus).
S'ils travaillent bien (sous-entendu s'ils se taisent et bossent et sont disponibles tout le temps, c'est à dire volontaires), tu reconduit le CDD.
Au bout d'un moment si tu le gardes, tu le prends en CDI, pour 16h/semaine. Tu pratiques là encore l'avenant antidaté, mais jamais plus de trois mois consécutifs pour que l'avenant ne soit pas définitif. Donc ton jeune travaille 35h pendant deux mois, 16 le troisième, et re 35h pendant deux mois.
Mais comme il n'a qu'un contrat de 16h, il n'a droit à rien. Essayez de louer un appartement, d'obtenir un prêt ou autre chose avec un contrat officiellement de 16h même quand tu travailles toujours 35. Et le truc qu'est bien, c'est que comme il travaille souvent 35h, il a le pouvoir d'achat qui va avec et va prendre l'habitude de vivre avec en moyenne 850€/mois (2 mois tps plein, 1 mois tps partiel). Mais s'il t'emmerde (genre il refuse de travailler un soir jusqu'à 19h parce que c'est l'anniversaire de sa mère-grand mais que ça t'arranges pas), tu peux le redescendre à volonté à 16h semaine et environ 450€/mois.
Quand tu veux t'en débarrasser, tu ne lui proposes plus aucune heure sup. Comme il ne peut pas vivre avec 450€/mois, il est obligé de démissionner.
C'est très simple ; si ton employé n'a pas besoin d'argent, il va te refuser quand tu vas lui demander des heures supplémentaires, ou des conditions jugées "difficiles" ; travailler systématiquement le dimanche, systématiquement tard le soir. ça t'oblige alors à faire un roulement, histoire que ça ne tombe pas toujours sur les mêmes et tout ceux qui s'y sont frottés savent qu'un planning c'est l'enfer à équilibrer, mieux vaut ne pas avoir à le faire. Donc, si tu maintiens les gens dans la précarité, ils n'ont plus le choix, ils prennent.