Le coup d’état permanent
PIERRE-ÉTIENNE MINONZIO
Durant l’intersaison, le SM Caen, désormais habitué aux turbulences, a changé de président, de directeur sportif, d’entraîneur et a largement remodelé son effectif.
Si jamais le SM Caen se cherche un hymne, on pencherait pour Sans la nommer, un titre entraînant de 1969 signé Georges Moustaki, qui se veut une ode à «la révolution permanente ». Or c’est exactement ce que vit depuis plus d’un an ce club, où ne cessent de se succéder dirigeants, coaches et joueurs. La saison dernière ayant été cataclysmique du point de vue des résultats (33 points – pire total du club depuis l’instauration de la victoire à 3 points –, et relégation), du comportement (accrochages entre joueurs qui ont impliqué l’ancien capitaine Fayçal Fajr) et de la gouvernance (tel l’improbable duo d’entraîneurs formé par Rolland Courbis et Fabien Mercadal), ce remue-ménage a, sans surprise, repris ces dernières semaines.
Début juin, Fabrice Clément, qui faisait partie du directoire du club depuis un an, en est devenu le président, en remplacement de Gilles Sergent. Dans la foulée, le nouveau patron a nommé un entraîneur (Rui Almeida), puis un directeur sportif, Yohan Eudeline. Le choix de cet ancien milieu de terrain, qui officiait jusque-là comme recruteur, a pu surprendre, mais il s’inscrit dans la volonté de Clément de faire appel à des ex-joueurs du SMC, afin de favoriser un « esprit club » (*).
Conscient des limites imposées par un budget amoindri (17 M€, contre 34 M€ en 2018-2019), le nouveau président a fixé un objectif raisonnable à ses troupes pour cette saison : « Il faut qu’on termine dans les cinq premiers. Une fois qu’on sera barragiste, on verra ce qu’il se passera… » Pour y parvenir, Clément tente, depuis son arrivée, de professionnaliser le fonctionnement quotidien de l’équipe première : « On travaille pour que toutes les cellules qui gravitent autour des joueurs montent en rigueur, que ce soit l’intendance, les kinés ou le médical… On ne peut pas demander aux joueurs d’être plus pro si le club n’est pas exemplaire. » Les supporters n’ont pas oublié Fortin
Cette volonté de faire table rase ne s’est pas limitée aux coulisses du club. Almeida a en effet très vite affiché l’ambition d’imposer un style de jeu renouvelé, basé sur un bloc solide et des transitions rapides, animé en 3-5-2. « J’ai dit aux joueurs : “On oublie ce qu’il s’est passé la saison dernière, la L1 c’est fini, il faut repartir de zéro avec de nouvelles idées” », confie le technicien portugais. En conséquence, l’effectif a été chamboulé, intégrant des joueurs capables d’évoluer dans son schéma tactique (comme l’inconnu Arnold Isako, venu d’Inde, destiné à occuper le couloir droit), mais aussi des habitués de la L 2, qui ont déjà connu des montées (Anthony Gonçalves, Jessy Pi, Anthony Weber…).
Pour l’instant, la mayonnaise semble avoir pris, sur et en dehors du terrain. Eudeline a réussi ses premiers pas en tant que directeur sportif : les agents qui ont travaillé avec lui soulignent tous «sa discrétion et sa réactivité ». Et les matches de préparation ont révélé une équipe, certes perfectible dans la créativité, mais déjà convaincante dans son animation défensive. Pour autant, des menaces continuent de peser sur la formation d’Almeida. Parce que celle-ci, d’ici la fin du mercato, pourrait être privée de plusieurs cadres (à choisir parmi Fajr, Brice Samba, Enzo Crivelli, Casimir Ninga, Jonathan Gradit…), qu’il faudra sans doute remplacer dans l’urgence.
De plus, les supporters ne pardonneraient pas à la nouvelle direction un mauvais début de saison, eux qui, en 2018-2019, à chaque match à domicile, réclamaient le retour aux affaires de l’ancien président Jean-François Fortin. Poussé vers la sortie au printemps 2018 par un putsch mené par Sergent, il possède encore des actions du club. Dans un entretien accordé à France Football mi-juillet, il se montrait guère enthousiaste sur l’évolution récente du SMC, afin peut-être de se présenter comme un recours au cas où les choses tourneraient mal. Car c’est la règle à Caen : même quand le calme règne, la révolution semble couver. É
le chiffre 4
Caen va évoluer en Ligue 2 pour la quatrième fois en quinze ans.
Le club normand peut se rassurer en se rappelant que ses trois derniers passages dans l’antichambre de l’élite ont été assez brefs : après ses relégations en 2004, 2009 et 2012, il n’avait jamais attendu plus de deux saisons avant de retrouver la Ligue 1.
(*) Cédric Hengbart a été aussi nommé coach adjoint des moins de 17 ans.
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