Fayçal Fajr : « Je suis jeune, j’ai la patate !Ligue 1. SM Caen - OGC Nice, samedi (20 h). Revenu à Caen après quatre années d’exil en Espagne, le milieu de terrain se confie sur les raisons qui l’ont poussé à écrire une nouvelle histoire en Normandie.
Après l’entraînement du matin, il est le seul à rester. À 25 mètres des cages, il enchaîne. Lucarne, droite, gauche, petit filet, lunette, rien n’échappe à la patte droite du Marocain de 30 ans. « On nous dit que c’est à 20 ans qu’il faut faire ça mais ce sont des mensonges. On progresse à tout âge » , lance Fayçal Fajr.
Derrière les grilles, un jeune garçon, d’une dizaine d’années, l’attend. « Oh tu as grandi toi ! C’est quand la dernière fois qu’on s’est vus ? Tu avais six ans je crois » , sourit le joueur. Les yeux écarquillés, l’enfant s’étonne que le joueur se souvienne de lui. Plus tard, il se verra offrir un maillot par Fajr. Voici ce qui peut résumer, en quelques gestes, la personnalité du milieu de terrain. Déterminé et généreux.
Pour vous, revenir à Caen est un moyen de finir l’histoire que vous aviez commencé à écrire en 2014 ?
Bien sûr. Il ne faut pas que les gens pensent que je reviens que pour ma famille. Je suis parti de Caen avec un goût amer. J’aurais voulu montrer de quoi j’étais capable en Ligue 1. Partir n’était pas ma priorité et on m’a fait comprendre que si je restais, je ne rentrais pas dans les plans. Ce sont des choses qui arrivent. Mais j’ai découvert un pays (l’Espagne) que je voulais connaître depuis longtemps, je suis un fan du Real Madrid. En aucun cas je ne regrette d’être parti. Et je reviens avec la même envie.
Si les mêmes personnes étaient aux manettes aujourd’hui, vous ne seriez donc pas revenu ?
Je vais laisser un point d’interrogation à ce sujet (il sourit). Il y a toujours Alain (Cavéglia) avec qui j’ai beaucoup discuté. Il y a aussi le discours du coach qui est extrêmement important. J’ai senti cette confiance. J’avais envie de revenir et avec le discours de différentes personnes, je me suis dit que je pouvais m’éclater. Je ne suis pas venu ici pour me reposer, je suis jeune, j’ai la patate.
Vous avez un nouveau statut dans cette équipe jeune, c’est lourd à porter ?
Il faut. Je ne suis plus le même que lorsque j’avais 22 ans. Je suis passé par toutes les catégories, des amateurs aux pros, j’ai galéré pour en arriver là. Et justement, quand tu deviens pro, il faut se donner dix fois plus. C’est ce que j’essaie de transmettre aux jeunes. Il faut se rendre compte de la chance qu’on a de pouvoir être dans ce monde. Chaque matin, il faut se lever et tout donner comme si c’était le dernier.
Comment le discours de Fabien Mercadal est-il perçu dans le groupe ?
Le coach nous transmet quelque chose et nous donne de la confiance. Il est très proche de nous. Personnellement, je pense que plus tu as le ballon, moins tu cours. La philosophie du coach me convient et le groupe pense pareil. Dans le football, il faut prendre du plaisir et ne pas trop tomber dans l’excès. On est là pour jouer, mais le football moderne, c’est aussi courir. Un attaquant, par exemple, n’est pas seulement là pour mettre que des buts, il est aussi le premier défenseur. J’ai appris ça en Espagne et je me suis rendu compte que pour être pro aujourd’hui, il faut être un athlète.
Comment s’annonce le match de samedi contre Nice ?
C’est un match super important. Pour moi, la défaite de Paris est grave. Une défaite, c’est grave. Certains disent que Paris n’évolue pas dans le même championnat, ils jouent où alors ? En Turquie ? Samedi, c’est le premier match à domicile, c’est l’occasion de passer à autre chose. Caen n’a pas gagné depuis douze matches, on veut faire plaisir au public. Je suis ici depuis peu de temps mais je sens qu’on a un vrai groupe qui le mérite.
Justement, comment se sont passées vos années en Espagne ?
J’ai gardé de magnifiques souvenirs. Tu arrives dans un pays où tu ne parles pas la langue, il faut donc s’adapter. La première chose que j’ai faite en arrivant c’est d’essayer de communiquer. J’ai appris la langue tout seul, comme un grand, en sortant et en parlant avec les gens. Niveau football, j’ai passé quatre magnifiques saisons. C’est un championnat qui fait rêver avec des équipes que j’admire. J’aurais aimé jouer avec une équipe plus huppée, mais j’avais aussi la volonté de revenir en France.
C’est forcément un championnat qui vous correspond…
Oui, mais attention, j’avais des coaches qui étaient durs ! L’Espagne, ce n’est pas que le « tiki-taka », il y a des équipes qui ressemblent à celles qu’on a en France. Par exemple, l’équipe où je jouais la saison dernière (Getafe) n’avait pas beaucoup de joueurs expérimentés. On avait un coach exigeant (il tape avec son poing sur la table) et on a terminé 8e du championnat.
[b]Vous avez participé au Mondial avec le Maroc cet été, vous avez vécu quelque chose d’inoubliable ?
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J’ai encore des images dans la tête et elles resteront gravées à vie. J’ai encore envie de jouer et de défendre les couleurs de mon pays. Dans les pays du Maghreb, on vit football. Pendant les matchs, le pays se stoppe. L’Algérie l’a vécu précédemment et cette année, c’était notre tour. Avoir 40 000 supporters qui se déplacent à Saint-Petersbourg, Moscou, Kalingrad, ça nous donne le sentiment que le pays est derrière nous. Pour moi, le Maroc, c’est très important. C’est seulement là-bas que je vais en vacances depuis tout jeune. Quand j’ai acheté ma première voiture en étant à Caen, j’ai voulu connaître ce que faisait mon père et j’ai conduit jusqu’au pays pendant 23 heures.