Supporters caennais, qu'avez-vous à y gagner ?Actionnariat populaire au SM Caen. Parmi ses douze travaux, la nouvelle direction a annoncé l'ouverture du capital aux supporters en 2020. Décryptage d'un projet encore flou à travers l'exemple à succès guingampais.À Guingamp, le mur des Kalon est devenu « un lieu de visite, presque touristique ». On vient de près ou de plus loin, pour tenter de trouver sa plaque numérotée de supporter parmi les 15 206 réunies au pied du Roudourou. « Maintenant, Guingamp sait qu'il a des supporters dans le monde entier, dit le président de l'association Kalon Arnaud Toudic, carte Google Maps à l'appui pour le prouver. Cela a permis aux fans de montrer leur attachement et de le formaliser, jusqu'à Tahiti ! »
Dans le petit village gaulois que tout le monde aime, le terrain était très favorable. 7 000 habitants, deux fois plus de supporters-actionnaires recensés à l'arrivée. Le tout en neuf semaines de campagne, début 2017. « Aujourd'hui, on détient 6,5 % des actions du club, on a sept personnes élues, on a accès à certaines réunions, aux grandes lignes des comptes du club, reprend Arnaud Toudic. On n'est en rien un syndicat, mais cette démarche, ce n'est pas rien de la part du club. C'est un très bel exemple, quelque chose qui rapproche les gens. S'il peut être suivi ailleurs, ce serait une bonne nouvelle. »
Dès leur prise de fonctions, les nouveaux dirigeants du SM Caen ont manifesté leur intérêt pour un tel projet. L'actionnariat populaire, cela fait partie des douze travaux prioritaires de l'équipe Sergent. Rien de bien précis n'est encore défini, une telle ouverture vers les supporters n'étant envisagée qu'à l'horizon 2020. Mais le cas guingampais sera forcément source d'inspiration. Le concept, celui de devenir membre fondateur à vie de l'EAG contre une mise de 40 €, a connu un succès majeur.
Pour Nicolas Hourcade, sociologue du sport spécialisé dans le supportérisme, les bénéfices sont multiples. « Pour des clubs de la taille de Guingamp ou Caen, il y a un but économique. Le passé a montré que les fans étaient capables de soutenir leur club. Les grandes heures de l'actionnariat populaire renvoient à des clubs anglais au bord du gouffre et rachetés par leurs fans, comme Portsmouth. On l'a aussi vu avec le projet de Guingamp, qui ne s'attendait pas à une telle réussite. Des clubs de taille moyenne ne peuvent pas cracher sur une telle manne financière. »
« Le trait commun : l'envie d'être au coeur du club » :Dans les Côtes-d'Armor, plus de 600 000 € ont été investis dans le capital de la société anonyme EAG, via l'achat de plus de 5 000 actions. Une partie est reversée à l'association Kalon pour développer des actions caritatives, dans un mélange harmonieux des genres. « La deuxième chose, c'est l'aspect culturel et social, auquel un certain nombre de supporters est attaché, reprend Nicolas Hourcade. Ces dernières années, on voit pas mal de revendications dans le but de participer à la vie du club. Pour les dirigeants, prendre les devants sur ce plan, c'est renforcer leur image et celle du club. À Guingamp, cela a été un coup extrêmement positif. »
Aussi parce que le président Bertrand Desplat a clamé haut et fort son attachement à une telle démarche. « C'est beaucoup d'émotion parce que c'est certainement le projet qui me tient le plus à coeur depuis ma prise de fonctions », avait-il même lancé l'an passé. « Si c'est sincère et que ce n'est pas simplement un coup de com', il y a de grandes chances que ça marche aussi à Caen, affirme Nicolas Hourcade. Comme Guingamp, c'est un club fortement ancré sur son territoire, avec une base de supporters assez importante. Il y aura forcément des gens intéressés. Certains fans sont juste satisfaits d'être conviés à des réunions, d'autres veulent un pouvoir de décision. Mais le trait commun à tous, c'est l'envie d'être au coeur du club et d'avoir le sentiment d'en faire partie. »
La chose répond ainsi à une attente selon le sociologue, amplifiée par le contexte actuel. « Le foot est entré dans un autre monde, avec l'explosion des salaires, de la médiatisation et des droits télés. Les joueurs restent rarement très longtemps dans les clubs et ne font plus partie du même univers social que les supporters. Ces derniers se retrouvent un peu éloignés de tout ce monde. Ils cherchent des moyens de se réapproprier le foot. »
L'actionnariat populaire en est un. Déjà brandi par d'autres comme Saint-Etienne, seulement consolidé aujourd'hui à Guingamp. « Des supporters de Marseille ou de Sochaux m'ont contacté pour me demander comment on avait fait, raconte Arnaud Toudic. Je leur ai dit que c'était une initiative du club, à 100 %. Nous, on n'a rien fait pour accéder à cela. » À Caen, il faudra attendre un peu pour en savoir plus.