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Interview de Yann Eliès, Ouest-France Jacques GUYADER. Publié le 08/01/2025 à 17h57 - Cliquez ici pour faire apparaître le contenu caché
Yann Eliès connaît très bien les deux leaders du Vendée Globe, dont il a été le co-skipper. Mais à quelques jours de l’arrivée, son analyse de la situation le pousse à donner un avantage à Charlie Dalin. Explications.
Yann Eliès, dans cette lutte finale Charlie Dalin semble un peu plus rapide que Yoann Richomme non ?
Dès l’année dernière, quand on a fait la Fastnet, avec Yoann, et qu’on s’est tiré la bourre avec Charlie, on a tout de suite vu un énorme potentiel de Macif sur mer plate, dans les conditions de vent où il fallait décoller. On sentait que c’était un bateau hyper polyvalent, adapté aux phases de transition… Le bateau a été conçu pour passer premier au cap de Bonne-Espérance et être intouchable sur la remontée de l’Atlantique, tout ça en essayant de limiter les dégâts dans le Grand sud. Et donc, le cahier des charges, il est réussi. Ce qui était un peu inattendu, c’est la performance de Charlie dans les mers du Sud, qu’il a réussi à gommer en gérant cette grosse dépression aux Kerguelen. Et en prenant un sérieux matelas d’avance.
C’est un moment crucial de ce tour du monde ?
Jusqu’à présent, c’est là que ça s’est joué. Parce qu’il s’est offert un bon bol d’air, un matelas, tout ce qui permet de faire jeu égal avec Yohann dans le Sud, jusqu’au cap Horn. À trajectoire égale, peut-être qu’il aurait perdu du terrain à ce moment-là. Parce que là, on a bien vu que Yohann était extrêmement rapide au portant dans le vent
Leur course vous impressionne ?
Ce qui est génial surtout, c’est de voir que les marins et les concepts qu’ils ont imaginés, avec leurs équipes et leurs architectes respectifs, sont remplis à 100 % des deux côtés. Mais qu’on est face à deux monstres, deux marins exceptionnels. C’est sûr qu’ils éclaboussent cette édition de leur panache. Et tout ça est magnifié par une météo exceptionnellement favorable, à la Francis Joyon dans le Jules-Verne 2017. Les différences de trajectoires dans le Pacifique, avec leurs poursuivants, sont incroyables. Les autres tiraient des bords de portant tandis qu’eux, avant, étaient passés quasiment en ligne droite. Tout droit. Même le début de l’Atlantique.
Et ils continuent d’avoir des conditions favorables ?
J’ai regardé les routages. Les deux premiers vont jusqu’en Bretagne en tribord amure, sans un virement, ni empannage ! Quasiment sans phase de transition. Ils vont au reaching portant jusqu’à quasiment l’île de Sein. Et après, ils font un bord Sein - Les Sables au près. Dans 10 nœuds de vent. C’est hallucinant. Quand tu penses qu’ils avaient presque deux jours de retard sur Armel Le Cléac’h à l’équateur, en descendant l’Atlantique Et là, ils vont arriver avec plus de huit jours d’avance. Ça fait quasiment dix jours de repris depuis !
L’arrivée peut-elle être serrée ?
Charlie continue à avancer. Il faut reconnaître que plus ça va, plus ça sent bon pour lui. En tout cas, jusqu’à ce qu’ils touchent le vent portant en approche des Açores, il n’y a pas photo… Tant qu’ils sont dans les vents d’une gamme de moins de 18 nœuds, surtout au près, Charlie va prendre une grosse avance. Après, au portant, Yoann peut réduire l’écart. J’ai des routages qui donnent 50 à 70 milles d’écart à la sortie des Açores, et 5 heures d’écart à l’arrivée. Je finis par prier, pour que les deux, ou même les trois, en tout cas, qu’il y ait personne qui démâte, qu’il y ait personne qui perde tout là. Là, tu rentres dans une phase du Vendée, après 60 jours de course et si près de l’arrivée, où tu pries pour que tout ne s’arrête pas en fraction de seconde.
Charlie Dalin peut-il être perturbé par la pression que lui met Yoann Richomme ?
Charlie… je suis partagé. À la fois, il a souvent fait le second. J’en sais quelque chose. En solitaire, sur les grands rendez-vous, ceux qui comptent, il a parfois craqué. Mais, en même temps, je me dis que cette fois c’est différent. Il est quand même animé d’une sacrée motivation. On le voit depuis le début. La deuxième place, d’il y a 4 ans, il y pense tous les jours depuis quatre ans… Je ne vois pas bien comment il pourrait craquer, mais il y a toujours cette petite épée de Damoclès au-dessus de sa tête où il a toujours manqué de réussite ou manqué de précision dans le dernier geste. Je ne lui souhaite pas, bien sûr, c’est juste un constat.
Pour qui penche votre cœur ?
Je serais attaché à gagner aux côtés de Yoann, c’est certain. Ce ne serait pas ma victoire, mais je me sens un peu faire partie de l’équipe depuis ces derniers mois. Mais, je serais aussi très content pour Charlie.
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