Karibou a écrit:
Karibou a écrit:
Le monde publie un article chroniquant et relayant les travaux de Robert Proctor, Historien des sciences et professeur à l'université Stanford.
Proctor a pondu un bouquin intitulé
Golden Holocaust, fruit de 10 années de travail à défricher et analyser les "tobacco documents", précieuse documentation rendue publique à la fin des années 90 par décision de justice américaine.
Les "tobacco documents" ce sont "Les petits et grands secrets des cigarettiers, puisés dans les mémos et les messages internes, dans les rapports confidentiels, dans les comptes rendus de recherche de leurs propres chimistes, de leurs propres médecins."
L'article est long, ça prend à peu près le temps de fumer une clope.
J'ai pas fumé depuis le 29 février dernier, je suis un peu un warrior, je suis warrior premier dan on va dire.
Un autre article lié aux recherches effectuées dans les fameux tobacco documents des cigarettiers américains, ils ont engagé des scientifiques français pour nier ou minimiser l'importance de la tabagie passive, ça se passait en 1989, c'est la classe.
Robert Proctor est interviewé par le CNRS au sujet de son travail d'enquête sur le tabac et son industrie pendant plus de dix ans:
L'invention la plus dangereuse de l'humanitéLe livre de Proctor a finalement été traduit en français:
Golden Holocaust- La conspiration des industriels du tabac.
Citation:
Robert Proctor nous offre un document captivant, un récit total sur la cigarette, ce produit banal qui recouvre une réalité très complexe, létale et encore secrète par tant d aspects. Golden Holocaust est le premier livre qui conjugue aussi nettement trois domaines dont l ampleur respective aurait découragé des enquêteurs moins tenaces : le caractère démesuré de l épidémie de la cigarette et son cortège de maladies et de morts ; la réalité proprement tentaculaire de la cigarette elle-même, fruit de prouesses technologiques, physiques et chimiques, mais aussi facteur de développement du marketing, du sponsoring, de la contrebande, de financement de la recherche universitaire, de revenus pour l État ; et, enfin, le caractère océanique des archives internes de l industrie du tabac.
L une des originalités de cette enquête est que Robert Proctor la mène en exploitant ces 80 millions de pages saisies lors de différentes procédures judiciaires intentées ces 30 dernières années. Elles comprennent aussi bien des documents techniques, scientifiques que des notes internes au contenu parfois stupéfiant, des plans média, des correspondances avec des chercheurs, des avocats, des artistes et des sportifs célèbres, des stratégies commerciales, des coupures de presse... Robert Proctor déplie toutes les dimensions de l histoire et excelle à trouver les aiguilles dans les « meules de foin ».
Golden Holocaust tient aussi du roman policier, à ceci près que, pour répondre à la question habituelle « qui a fait quoi ? », il faut répondre à une autre question : « Qui savait quoi et quand ? » Qui était au courant de la dangerosité extrême de la cigarette ? Et qui, le sachant, ne l a pas dit ?
Le contenu de cet ouvrage est si dérangeant qu il a suscité des tentatives d intimidation et que l industrie américaine du tabac a essayé, sans succès, d en faire saisir le manuscrit. L auteur nous révèle que « témoigner contre une industrie multimilliardaire qui a une longue histoire de harcèlement, ce n est pas pour les âmes sensibles ».
Etouffeurs d'incendie
Golden Holocaust est un livre dangereux. En 2012, peu avant sa publication aux Etats-Unis (Le Monde du 25 février 2012), l’industrie cigarettière américaine a déclenché une sorte de guérilla juridique pour mettre la main sur le manuscrit et entraver sa publication. La manœuvre a échoué. Mais, à lire l’ouvrage de Robert Proctor, on comprend qu’elle ait pu revêtir, pour Philip Morris et consorts, un caractère impérieux. On sort de cette lecture étourdi par le cynisme des industriels de la cigarette, par la perfection et l’ampleur des moyens qu’ils ont mis en œuvre, pendant cinq décennies, pour faire accepter leur produit et en cacher les méfaits.
Le livre de l’historien des sciences américain, professeur à Stanford (Californie), est exceptionnel. Il l’est d’abord par la nature de sa documentation, c’est la première histoire globale de la cigarette écrite au prisme des archives internes (mémos, courriers et rapports, etc.) des industriels – dits « tobacco documents » – dont quelque 80 millions de pages sont dans le domaine public depuis la fin des années 1990, par décision de justice.
ACCENTUER L’ADDICTION
Exceptionnel, le livre l’est aussi par son sujet – le « triomphe de la cigarette » – qui apparaît au fil des chapitres comme la plus ambitieuse et la plus vaste entreprise de fabrication du consentement de l’histoire, soldée par un désastre sanitaire et éthique d’une magnitude inédite. La cigarette – faut-il le rappeler ? –, c’est 100 millions de morts prématurées au XXe siècle et, au train actuel, environ 1 milliard d’ici à la fin du siècle. « “Golden Holocaust” a quelque chose du roman policier, écrit le philosophe Mathias Girel (Ecole normale supérieure), qui a préfacé et édité la version française. A ceci près que pour répondre à la question habituelle “Qui a fait quoi ?”, il faut répondre à une autre question : “Qui savait quoi et quand ?” »
L’exploration des tobacco documents menée par Robert Proctor montre que les géants de la cigarette ne se sont pas contentés de manipuler la chimie de la feuille de tabac pour créer et accentuer l’addiction des fumeurs, d’user du marketing le plus pointu pour cibler les adolescents, de placer sous leur coupe les scénaristes et les acteurs d’Hollywood pour donner à la cigarette tout son glamour. Ils ont aussi lourdement pesé – à coups de dizaines de millions de dollars – sur la recherche biomédicale et la marche de la science. Pour ralentir l’acquisition de la connaissance.
Cette capacité des cigarettiers à modeler la perception du réel, à fabriquer de l’ignorance en détournant de leur fonction première les instruments destinés à la construction et à la dissémination de la culture et du savoir – la démarche scientifique, les sciences humaines et sociales, la presse – est l’aspect le plus saisissant du livre.
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« Les capitalistes nous vendront la corde avec laquelle nous les pendrons. »Влади́мир Ильи́ч Улья́нов
This is such a mind fuck.