Parmi mes dernières lectures, je vous en ai sélectionné deux qui devraient plaire à nombre d'entre vous.
Serena, de Ron Rash (auteur de Un pied au paradis) ; histoire d'amour, de haine, du capitalisme et de ses ravages sur les hommes et l'environnement dans l'Amérique paumée de la Grande Dépression ; 530 p.

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Thème :
"Années 1930, Smoky Mountains. George Pemberton, riche exploitant forestier, et sa femme Serena forment un couple de prédateurs mégalos, déterminés à couper tous les arbres à portée de main pour accroître leur fortune. Mais le projet d'aménagement d'un parc national, pour lequel l'État convoite leurs terres, menace leurs ambitions. Pemberton s'emploie à soudoyer banquiers et politiciens. Sans états d'âme, Serena a d'autres arguments : le fusil, le couteau, le poison, et un homme de main dévoué…"
Excellent roman fouillant dans le passé pour illustrer le présent : capitalisme débridé, conditions sociales, atteintes à l'environnement, exil dans les pays en développement au cas où les autorités voudraient mettre des bâtons dans les roues aux créatifs entrepreneurs avec de foutus projets visant à protéger la Nature. Et bon, hein, est-ce que c'est la Nature qui va filer à bouffer aux indigènes, hein ? Oui ? Ah. Bon, c'est pas une raison : c'est le travail, même s'il est fait dans des conditions désastreuses, qui donne la possibilité de se pinter au whisky.
Ce bouquin, c'est aussi une histoire d'amour d'un homme aveuglé par le pognon et le charisme de sa partenaire, et de cette femme prête à tout pour fuir son passé même si ça inclut l'exploitation d'un grand nombre de travailleurs, la destruction d'énormes territoires magnifiques et précieux, et même les assassinats...
Roman assez extraordinaire qui ne pêche que par quelques légères longueurs par moment, et surtout pas la comparaison avec les grands maîtres du Deep South étatsunien que sont Faulkner ou Erskin Caldwell. A lire, vraiment.
Rackets, de Thomas Kelly (2ème volet indépendant d'un triptyque sur les travailleurs du bâtiment à New York ; le 1er, c'était l'excellent Le ventre de New York) ; roman noir sur les très corruptibles mondes de la politique, du syndicalisme et de la Mafia à NY ; 585 p.
Thème :
"Jimmy Dolan s'est frayé un chemin jusqu'à l'université en travaillant sur des chantiers de construction. Aujourd'hui il est responsable des relations publiques du maire de New York, un républicain bon teint. Mais son destin va basculer lors d'une réception à la mairie, où il est pris à partie par Frankie Keefe, le patron de la section locale du syndicat des camionneurs, qui est aussi l'instrument de la Mafia. Jimmy ne peut s'empêcher de riposter et envoie Keefe au tapis, ce qui lui coûtera son poste. Au cœur de l'altercation entre les deux hommes, la réélection du leader du syndicat, poste auquel Mike Dolan, le père de Jimmy, est candidat. Un candidat gênant. Toute sa vie, il s'est battu pour un syndicalisme honnête, mais il ne bénéficie pas de la moindre protection, comme il l'apprendra à ses dépens. Pris dans une nasse d'intérêts contradictoires, la famille Dolan va devoir affronter de redoutables adversaires..."
Thomas Kelly est un véritable virtuose qui nous emmène, après son excellent opus précédent, dans le New York des travailleurs du bâtiment, irlandais pour beaucoup ; dans celui des quartiers d'immigrés, irlandais hier, portoricains aujourd'hui, pauvres toujours ; et dans ses sphères d'influence où le syndicalisme ouvrier est toujours maîtrisé par la Cosa Nostra ou la Politique, via les agences, mais ne peut jamais être sincère et idéaliste. C'est un roman foisonnant, profondément humain, où ceux qui nous sont sympathiques peuvent être très racistes, ou profondément psychopathes, mais toujours sincères. C'est aussi une confrontations entre les générations, l'approche du travail, et le rapport à l'argent dans cette Amérique sans repères où les immigrants de la Vieille Europe (irlandais, italiens) ont bien du mal à s'accrocher à leurs valeurs (pas forcément folichonnes) face aux nouvelles racailles que sont les mafieux russes, les petites frappes portoricaines ou les malfrats en cols blancs. Absolument génial. J'ai déjà acheté Les bâtisseurs de l'Empire, qui clôt le triptyque.