Ligue 2. Garande (SM Caen) : « Je suis différent de Dumas »Ligue 2. SM Caen. L’ancien adjoint a pris les rênes du Stade Malherbe après la relégation en mai. À 52 ans, Patrice Garande est réputé pour son exigence. Il est dans les temps pour retrouver la L1 et revient sur ses 6 premiers mois de pouvoir.
Vous avez terminé contre Châteauroux une année très mouvementée avec la relégation en mai, les changements en interne… Que retenez-vous de tout ça ?
Ce que j’ai envie de garder comme image, c’est qu’on est passé d’un cataclysme, un effrondrement total sur le plan mental et moral à l’intérieur du club, à une perspective plus joyeuse de nouveau. L’objectif, c’était de recréer tout de suite quelque chose à travers un projet, une dynamique positive. C’était impossible de promettre en début de saison qu’on allait monter, mais tout faire pour ça par contre… Cela supposait de changer les habitudes des joueurs, à la fois sur le terrain et en dehors avec un cadre de fonctionnement, une espèce de charte de comportement où on pouvait s’engager. Et sportivement, avec 33 points, le bilan est bon.
C’est presque inespéré ?
J’ai toujours dit, depuis le stage à Bayeux en juillet, que je le sentais bien. Si les joueurs adhèrent, on a ce qu’il faut. Il y avait une part d’inconnue à lever, l’état mental des joueurs restés ici, et je ne pense pas qu’on se soit trompé sur l’état d’esprit des recrues. Mais la partie difficile, elle commence maintenant : sur le terrain avec les résultats, mais aussi en dehors parce que quand on commence à s’habituer à un fonctionnement, au bout d’un moment certains vont commencer à trouver ça usant, notamment ceux qui jouent moins… C’est là où la notion de groupe va jouer et là où il faudra qu’on soit fort, que le club soit au-dessus.
Vous êtes satisfait de l’alliage entre les anciens et les nouveaux cadres ?
Il n’y a pas ces choses extra-sportives qui parfois ont précipité certaines descentes au Stade Malherbe… On a l’expérience d’un vécu, mais à un moment donné ce sont les joueurs qui décident parce que ce sont eux qui jouent ! Il y a beaucoup d’écoute, leurs discours sont réalistes, après à mon goût ils sont encore trop gentils entre eux sur le terrain. Leur amitié autorise ça : rassurer quand il le faut et taper du poing sur la table quand ça ne va pas… Même si eux-mêmes sont moins bien, et c’est ça le plus dur.
Succéder à Franck Dumas, c’est compliqué ?
Je l’ai très bien vécu, même si j’avoue que certaines choses m’ont un peu perturbé au départ, parce que certains ont voulu faire des comparaisons qui n’ont pas toujours été bien interprétées… Franck avait sa façon de faire les choses. J’essaie d’être cohérent, je ne cherche pas à me donner une image à l’extérieur de quelqu’un de très dur ou exigeant. Je le suis, mais je ne suis pas que ça. La comparaison entre Franck et moi, c’est qu’on disait que Franck aimait les joueurs, sous entendu moi je ne les aimais pas. Mais je les aime mes joueurs ! En revanche, ce que je leur donne ce n’est pas la même chose que Franck.
« Je ne prétends rien »
Vous n’avez pas la même conception du management ?
Sur le fond on est pareil, mais sur la forme on est à l’opposé. Je fais attention à chaque détail, j’essaie de préparer au maximum les choses. Je veux être perçu dans le vestiaire comme quelqu’un d’humain et de compétent, le reste… Je ne cherche pas à plaire à tout le monde.
Votre politique concernant les jeunes est également différente…
Je ne fais pas jouer un jeune parce qu’il faut faire jouer un jeune, je le fais jouer parce qu’il est meilleur. Dans ce métier-là, c’est très compliqué. Chaque fois que tu donnes, il ne faut rien attendre en retour. Après, ce n’est pas une critique de Franck. Quand Franck a pris l’équipe, il n’était pas entraîneur. Il a fonctionné comme quand il était joueur. Donc il donnait sans avoir rien en retour. Quelque fois ça marchait, mais sur la durée… Il était très lucide sur ça. Je l’ai entendu dire à des joueurs : « moi, si j’avais travaillé j’aurais fait une autre carrière… » Il a fait sa carrière sur le talent et non le travail, il ne pouvait donc pas avoir une exigence là-dessus. On a souvent discuté de ça, et je lui disais : les joueurs que tu as, ce n’est pas toi.
D’où votre attitude sans concession avec certains jeunes…
Chaque cas est particulier. Avec un garçon comme Lenny (Nangis) par exemple, on a eu des discussions, et la question qu’il pose c’est pourquoi je ne joue pas ? Je lui explique ce que moi je ressens, mais ensuite on met en place ce qu’on va faire pour qu’il soit apte à jouer, un programme à la fois physique et sur le plan du jeu pour qu’il progresse.
Pour ça, ils doivent jouer des matches aussi ?
C’est vrai, mais c’est aussi ce qui est compliqué, par rapport à l’impératif sportif immédiat. Après, quand je fais jouer certains comme Kebano, qui a su changer son jeu, c’est aussi une façon de faire comprendre aux autres que la porte n’est pas fermée.
Vous avez enclenché un nouveau cycle ?
Oui, mais ce n’est pas une volonté de rupture, car j’étais adjoint de Franck, donc son bilan est aussi le mien. Mais je suis différent, donc je fais autrement. Je ne prétends rien, je fonctionne avec mes convictions depuis cinq mois.
« Je savais que j’allais être observé »
Quand vous avez repris le groupe, vous aviez la pression ?
Forcément un peu. Je savais que j’allais être regardé, observé. C’est normal qu’il y ait des interrogations. Ce qui m’intéressait, c’est que les joueurs adhèrent, que mon patron, Jean-François Fortin, soit satisfait du travail que je fais. Je ne suis pas dupe. On fait 0-0 à Ajaccio, et s’il ne se passe pas les deux premiers matches que l’on fait, je suis coupé en deux. Mais une des forces de ce club, c’est qu’on laisse les entraîneurs travailler. C’est valorisant pour un staff d’évoluer en confiance, avec des échanges fréquents.
Comment expliquez-vous ces manques chroniques d’ambition et de régularité ?
On en revient à la forme. Pour arriver à avoir ça, il faut mettre autour des joueurs cette exigence, puis ils vont prendre l’habitude sur le terrain et en dehors… On a toujours fait l’ascenseur, avec des personnes et un fonctionnement. L’idée c’est de faire autrement, après il y aura sûrement un choix de joueurs. Si on arrive à remonter…
Quelle est va être la clé durant la 2e partie de saison ?
Je ne pense pas qu’une équipe s’échappe. Il faudra être présent tout le temps. Par le passé, une équipe a toujours fait une série. A part Auxerre, les équipes qui jouent la montée, ce n’est pas une surprise. Les autres années où l’on était en L2, on dominait car on avait gardé notre équipe de L1 et une cohérence dans le jeu. Là, on a refait une équipe complète, en laissant partir des joueurs qui flambent ailleurs et ne l’auraient pas fait ici.
Le principal obstacle pour monter, c’est quoi ?
Si on arrive à avoir une régularité dans l’état d’esprit et le comportement, la semaine et le week-end, je n’ai aucun doute sur l’issue favorable. Mais le danger, c’est nous, il faut rester constant. Il faut qu’on sache ce qu’on est capable de faire, pour le refaire. Il faut de l’exigence au quotidien. Quand on est pro, le plaisir existe uniquement dans la victoire.
Recueilli par Vincent COTÉ et Guillaume LAINÉ.