Quelques morceaux de bravoure bien noirs et de très haute qualité.
"Carte blanche" suivi de "L'été trouble", de Carlo Lucarelli (auteur du très beau La huitième vibration) ; polar dans la mourante italie fasciste ; 300p.
Voici deux courts romans dans la veine de La trilogie berlinoise de Kerr, voire de Fatherland de Harris puisque ces deux courtes enquêtes ont pour théâtre l'Italie au moment de son invasion pour les vils alliés à la fin de la WW2. De Luca est un ancien de la Police Politique qui se voit muté à la criminelle parce que bon, la torture, ce n'est quand même pas trop son truc. Il n'empêche que ce personnage est sympathiquement ambigü et que, notamment dans l'été trouble, il n'est pas évident d'échapper à son passé. l'écriture directe mais non dénuée de lyrisme convient parfaitement à la noirceur de l'époque et au personnage dont les béquilles psychologiques justifiant son parcours l'amènent à une certaine mélancolie sous couvert de droiture d'esprit. Un vrai flic dans l'âme, prêt à tout les compromis idéologique pour que son enquête avance, encore que là, les partisans du Duce commencent à le gonfler sévère.
Deux romans regroupés de très haute tenue que je recommande vivement. Il y en a un troisième qui boucle la série De Luca, Via del oche.
J'étais Dora Suarez, de Robin Cook (pas l'auteur de frileurs médicaux, l'autre, le mieux) ; LE roman noir avec du membre débité et du serial killer dedans ; 270p denses.
Il est des romans qu'il faut lire, paraît-il, si on est adepte du genre noir. Il faut lire du Ellroy, du Manchette, du Chandler... et ce J'étais Dora Suarez de Cook. Voilà, c'est fait, j'en suis.
Quel uppercut magistral !
Le roman commence quelques minutes après le dernier double crime en date d'un gros malade mental. On est dans sa tête. Classique, n'est-ce pas ? Ben pas du tout mon coco. Tu ES ce type, littéralement. En 40 pages, durée du premier chapitre, ça passe ou ça casse, parce que c'est plus fort, plus gore, plus extrême et plus subtil que tout ce que j'ai pu lire jusqu'ici. Rien que ça, ça vaut de le lire. Et puis après, on se pèle le reste du bouquin aux côtés d'un flic absolu et nihiliste à la Fajardie, dont la seule règle à suivre est sa droiture morale extrêmiste, complètement isolé du reste du monde parce lui-même gravement atteint mentalement, franchement. Il a bien deux amis qui l'accompagneront jusqu'au bout. Enfin, presque parce que bon, il y a des limites à l'empathie avec les victimes, mais lui il ne les voit pas, ces limites, il tombe salement amoureux de la plus jeune des victimes, au point d'être complètement obsédé par l'affaire, et par le tueur. Et les interrogatoires à deux flics : énormes !
Quelle réussite ! Aussi désenchanté que du Fajardie, aussi extrême et violent que du Manchette, mais beaucoup plus psychologique et en empathie avec ses personnages, victimes ou bourreaux. Je ne m'en suis pas encore remis. Je voulais attaquer un Siniac, dans la même veine. J'ai reculé.
Je crois que je vais me faire Deadwood, le roman, pour changer de style. Sinon, ça va être fade.