Inscription: 31 Aoû 2005 22:06 Messages: 8367 Localisation: HSC
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En fait Arthur il est chiant, il a redémarré le débat ici alors qu'on en causait dans le sujet politique M'enfin c'est plus logique de poursuivre la réflexion là. Du coup, pour les motivés, je remets mon essai de synthèse sur la question. *smiley pavé* - Cliquez ici pour faire apparaître le contenu caché
A titre personnel, j'ai pas plus d'avis que ça et, en tant que prof, l'ancien système m'allait très bien. J'ajoute que je n'ai pas suivi les débats enflammés et politisés des derniers jours, d'autant que ça doit faire 8 ans qu'un principal m'a dit : "dans l'avenir, nous ne mettrez plus de notes, vous jugerez par compétences", et donc j'avais intégré ce qui se passe en ce moment comme inéluctable et faisant consensus dans les hautes sphères, quel que soit le gouvernement en place.
Mon point de vue du "terrain" donc, en collège : - un rappel. Les élèves n'ont plus de notes en primaire, mais un livret de compétences qui résume ce qu'ils savent faire (ou pas) à la sortie du CM2. On peut entrer en 6e sans avoir validé ce palier, charge au collège ensuite de valider l'élève (ça sera fera de manière systématique en fin de 6e tout bientôt, les classes CM1-CM2-6e feront partie d'un même "cycle"). - la situation actuelle. Depuis de nombreuses années, on trouve également au collège un livret de compétences que les élèves sont censé valider en fin de 3e. Son utilisation est variable selon les collèges et les enseignants, dans l'idéal il faudrait évaluer les compétences de manière régulière, en plus des divers exercices notés ou à l'intérieur de ceux-ci en notant "deux fois". L'évaluation de chaque item (y'en a tout plein, dont la plupart sont transversaux entre les matières) se fait par un système de pastilles de couleur. Au fur et à mesure du collège, l'élève se voit valider ses compétences et sort du collège en sachant faire plein de trucs, l'école ayant rempli sa mission de donner à chacun un "socle commun" pour réussir sa vie. C'est beau, mais c'es la théorie. Parallèlement à ça, des "classes sans notes" sont déjà expérimentées dans de nombreux établissements, et tout compte fait c'est loin d'être une révolution. - les problèmes du système actuel Il n'est pas lisible pour les familles (le fameux livret est un truc numérique qui n'est imprimé qu'à la fin de la 3e, rares sont les élèves qui savent se dépatouiller dans un logiciel comme "Pronote" et sont capable d'aller voir où ils en sont dans toutes les matières), il n'est pas utilisé de la même façon par tous les professeurs, qui galèrent déjà pour donner des notes et des appréciations, pour en plus avoir à remplir un outil terriblement chronophage, et, enfin et surtout, la pression sociale est hiérarchique fait que, dans certains établissements, on valide en catastrophe et à tour de bras un élève qui va quitter l'établissement pour contenter tout le monde (l'élève qui aura donc "le niveau", les profs qui auront bien bossé, le principal qui pourra arborer son taux de réussite...). Bref, c'est le bordel. - Mes interrogations 1/ Quiconque a un jour enseigné a toujours fini par se rendre compte que certains élèves, motivés en 6e, arrivent en 3e en traînant les pieds, parfois en ayant régressé sur certaines compétences (soin à l'écrit, orthographe...). Quiconque a un joue enseigné a déjà remarqué qu'en "surnotant" tel élève en difficulté qui a fait quelques efforts, on le remotive d'autant plus pour le contrôle suivant. Bref, la note sert à évaluer, à classer, à motiver ...mais on oublie trop souvent qu'elle "coupe" parfois les efforts des jeunes ados qui se réfugient vite derrière un "j'ai jamais la moyenne, je suis nul, l'école n'est pas faite pour moi, donc c'est pas la peine que je me crève à bosser quand certains ont 15 sans rien foutre, quand je peux je me casse". 2/ Un élève qui a 12, il en conclut quoi ? Qu'il a au-dessus de la "moyenne" (ça veut dire quoi ? et quelle était la moyenne de classe ? et le niveau général de sa classe ?) Que doit-il travailler pour avoir plus la prochaine fois ? Quel lien fait-il entre cete note et la précédente la suivante ? A-t-il compris que son erreur dans l'analyse de document en Histoire est la même que ce qu'il rate en SVT ? 3/ Un élève de 6e qui a 7, est-ce parce qu'il n'a pas bossé ou parce qu'il a besoin d'un soutien transversal dans plusieurs matières sur "comprendre une consigne" ? Chaque prof évaluant dans son coin, faudrait un bon coup de pouce de hasard pour se rendre compte que cet élève a besoin pile de cette aide-là... La plupart des heures de soutien se bornant dans l'ancien système - et beaucoup encore maintenant - à une matière ("il a besoin d'aide en Anglais", on le met dans un groupe avec son prof en heures supp qui en gros va réexpliquer la leçon en mieux, le prochain contrôle ira mieux, on dira que le soutien a marché alors qu'en fait les lacunes de l'élèves sont les mêmes) - ce qui semble logique dans le futur Les contrôles ne sont plus sanctionnés par des notes, mais par des évaluations multiples de connaissances et de compétences ("savoir rédiger un texte de 15 lignes en français" peut être évalué par une bonne partie de ses professeurs !), chaque élève n'a pas un carnet de liaison où il reporte des notes mais un système de grilles avec des points (numérique évidemment, mais ça peut être décliné en exemplaires papier pour chaque matière). Chaque élève aura donc des réussites et des échecs, ce qui permettra une vision beaucoup plus fine de leur niveau, de leur besoin. D'où une meilleure organisation des groupes de soutien, moins d'élèves paumés en route, plus d'élèves valorisés dans leurs apprentissages. - des écueils ? 1/ "Il est bien beau ce système idéal, mais les examens (brevet, bac) sont pourtant notés". Pour moi, rien n'empêche de faire de temps en temps des évaluations notées pour s'y préparer. Quant au brevet, vu à quel point c'est devenu l'école des fans, autant le donner à tous ceux qui ont un certain nombre de compétences validées. Pourquoi ne pas simplement organiser des épreuves orales pour confirmer tout ça, dans chaque collège, à l'image de l'épreuve d'Histoire des Arts. Pour le bac, j'ai pas d'avis, de toute façon le lycée n'est pas concerné tout de suite. 2/ "Sans notes, les bons élèves ne seront plus motivés". Je ne crois pas. En tous cas, pas plus qu'aujourd'hui où des élèves s'ennuient pendant que d'autres rament. 3/"Les profs ne vont plus corriger de copies, cette réforme réduit leur temps de travail". C'est le contraire en fait. On continuera à corriger et à évaluer - encore plus même - et le coup des pastilles de couleur ça prend encore plus de temps.
Je pense à d'autres trucs mais j'ai pas le temps. Pour résumer, loin d'un "collège sans notes" (l'expression renvoie un peu à "sans évaluation"), les réformes actuelles vont vers une évaluation plus fine des élèves, partant du constat que l'école ne joue plus son rôle d'ascenseur social et laisse sortir chaque années des dizaines de milliers de gamins sans diplôme et sans conscience claire de ce qu'ils savent faire. A priori, ça va quand même dans le bon sens, même s'il s'agit d'être vigilant sur la façon dont tout ça sera appliqué.
_________________ Grand Voyant 2015-2016
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