David Watts a écrit:
François de Malherbe a écrit:
Dans un tout autre style, je viens de voir l'Hôtel du Parc, que je n'avais jamais eu le temps de visionner avant, un documentaire montrant de vraies-fausses interviews de dirigeants vichystes en 1953.
Par contre, on sent immédiatement le discours historiographique du début des années 90, nettement orienté vers la déportation des juifs, ce qui ne peut être totalement crédible dans la bouche de journalistes de la France du début des années 50.
Mais bon, le résultat est assez convaincant (on devine la touche de Denis Peschanski derrière tout ça).
Ils connaissaient pas les camps de concentration et d'extermination en 1953 ?
Bien sûr que si, les 1ers témoignages dans la presse sur les camps d'extermination datent de janvier 1945. Toutefois, l'historiographie ne s'est pas immédiatement emparé de ce phénomène, dans le sens où il n'était pas un "angle d'approche" de la période au lendemain de la guerre. Je ne sais pas si c'est très clair ce que j'écris, mais l'écriture de l'histoire est indissociable du contexte dans lequel elle s'écrit et des mentalités dominantes d'une époque. C'est la raison pour laquelle, certains réfutent le caractère scientifique de la discipline, en arguant l'impossible objectivité, par nature, de l'historien.
Je vais essayer d'être schématique, mais les représentations de la période de l'Occupation et du Régime de Vichy ont varié dans les mentalités mêmes des Français au fil des années. En gros, nous sommes passés du mythe "résistantialiste" forgé par De Gaulle lui-même au lendemain de la guerre, selon lequel l'immense majorité des Français auraient été résistants (l'historien Robert Aron a même soutenu une thèse dans les années 50 démontrant que Pétain était lui-même un résistant à sa manière en s'opposant dans la mesure de ses moyens aux exigences allemandes : il aurait été le bouclier là où De Gaulle était l'épée de la résistance).
Ce mythe va voler en éclats à la fin des années 60 et dans les années 70 avec la publication d'ouvrages d'historiens étrangers, parmi lesquels l'américain Robert Paxton et l'allemand Eberhard Jäckel. Il est alors prouvé, à partir des archives allemandes que la Collaboration d'Etat a été voulue uniquement par Vichy et que Hitler n'a jamais été demandeur de quoi que ce soit. L'Etat français va ainsi devancer les demandes nazies sans jamais aucune contrepartie (statut des Juifs dès Octobre 1940, décision de Laval de déporter les enfants juifs en 1942...) Subitement, on passe à la thèse du "40 millions de pétainistes", symbolisée en France par la sortie du film Le Chagrin et la pitié d'Ophuls (ou encore Lacombe Lucien de Louis Malle). Il y a une profonde remise en cause de la génération précédente par les jeunes de l'époque (au fait, papa, t'étais où en 1940 ?), on peut même voir dans Mai 68 un paroxysme de ce rejet des parents (donc de De Gaulle évidemment) ayant vécu la guerre.
Dans les années 90, une nouvelle inflexion a "rééquilibré" ce schéma de pensée binaire, grâce aux fructueux travaux de l'IHTP, et c'est à ce moment que la question juive apparaît comme un élément central des problématiques envisagées. Souvent, ce sont les 2° ou 3° générations qui éprouvent un besoin de "reconnaissance mémorielle" face aux tragédies de l'histoire, je pense que KDK pourra développer s'il le souhaite. D'ailleurs, après la guerre tous les déportés étaient confondus (raciaux, politiques, STO), parfois même avec les prisonniers de guerre.
Les juifs n'ont souvent pas parlé de leur expérience, car ils n'arrivaient pas à mettre des mots dessus ou bien qu'ils craignaient de se heurter à un mur d'incompréhension.