Le député Dosière, bien connu des observateurs de la vie parlementaire, revient sur le devant de la scène (en pleine campagne, évidemment, rappelons que le PS qui avait opposé un candidat en 2012).
Il formule de "nouvelles" propositions pour moraliser la vie publique. La plupart viennent de ses travaux depuis plusieurs années et ont déjà été présentée à l'Assemblée sans traduction concrète pour le moment.
Je sais pas vous, mais c'est selon Moi, un sujet majeur.
1. Encadrement du financement public des partisC’est une mesure très attendue par de nombreux partisans de la régulation, mais à laquelle les pouvoirs exécutif et législatif n’ont pas encore osé s’attaquer, freinés par le droit constitutionnel. L’article 4 de la Constitution de 1958 dit, en effet, des partis et des groupements politiques qu’ils « se forment et exercent leur activité librement ».
Or, devant l’explosion du nombre de partis politiques et de micropartis, observée depuis vingt-cinq ans (451 en 2016, contre 250 en 2000 et 20 en 1990), et les dérives qui ont suivi en matière de financement public, René Dosière propose de voter une définition stricte, aujourd’hui manquante, de ces partis. Ainsi, la proposition de loi ordinaire qu’il présente vise à conditionner le financement public aux partis et groupements satisfaisant trois critères : « avoir un objet politique, rassembler des militants et soutenir des candidats aux élections locales et nationales ». Exit les micropartis et les « pseudo-partis » spécialement créés pour les scrutins législatifs. Pour prétendre au statut de parti, et être financé comme tel, il faudrait notamment présenter, en métropole, « 100 candidats ayant obtenu chacun 2,5 % des suffrages exprimés ».
Pour éviter des détournements de fonds, le texte interdit aux partis de consentir des prêts à ses candidats. Une référence explicite aux affaires de financement illégal présumé de partis sur lesquelles enquête la justice, dont ces fameux prêts consentis par Jeanne, le microparti de Marine Le Pen, aux candidats du Front national aux législatives de 2012.
De même, tout prêt d’une personne physique ou morale (à l’exception des établissements de crédit) aux partis serait interdit, afin d’empêcher que soit contournée la législation sur le plafonnement des dons. Enfin, la liste des personnes physiques, dont les dons sont supérieurs à 2 500 euros, serait publiée et les pouvoirs de contrôle de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) accrus.
La certification des comptes des partis politiques dont les ressources dépassent 1 million d’euros serait assurée par la Cour des comptes. Tout refus de répondre à une demande d’informations de la Commission nationale sera sanctionné d’une peine d’emprisonnement d’un an et de 15 000 euros d’amende (75 000 euros quand il s’agit d’une personne morale).
2. Obligation pour tout candidat d’avoir un casier judiciaire vierge et d’obtenir un quitus fiscal pour tout éluRené Dosière formule des propositions de loi organique et ordinaire anticorruption, qui reprennent les dispositions des textes votés le 1er février 2017, à l’unanimité, par l’Assemblée nationale, sans que le processus législatif ait pu aller à son terme. Elles visent à interdire d’élection nationale ou locale toute personne condamnée pour « crime, manquement à la probité [concussion, corruption, trafic d’influence, prise illégale d’intérêt, favoritisme, détournement de biens publics] et recel ou blanchiment du produit de ces délits, faux en écriture publique, fraude électorale et fraude fiscale ». De plus, les élus (parlementaires et titulaires de fonctions exécutives locales) qui ne produiraient pas de bordereau de situation fiscale précisant qu’ils ont dûment payé leurs impôts, dans le mois suivant leur élection, seraient déclarés démissionnaires d’office.
3. Limitation du cumul des mandats dans le temps« La durée parfois excessive dans l’exercice des mandats constitue un obstacle au renouvellement et à la diversité du personnel politique, estime le député apparenté socialiste. Elle entraîne la constitution de “fiefs” locaux qui favorisent les pratiques clientélistes. » Il propose donc de limiter à trois le nombre des mandats parlementaires successifs, « une durée suffisamment longue pour que les intéressés exercent leurs fonctions tant dans la majorité que dans l’opposition », estime-t-il. Concernant les élus locaux, la proposition limite à deux le nombre de fonctions exécutives exercées successivement dans une même collectivité.
Au jeu de la politique-fiction, ce sont 204 députés qui n’auraient pas pu se représenter si l’engagement d’Emmanuel Macron de limiter le nombre de mandats identiques à trois dans le temps était appliqué immédiatement. Ces élus, en place depuis au moins 2002, sont majoritairement encartés Les Républicains (52 %) et très massivement des hommes (87 %).
4. Moralisation du cumul des indemnitésA l’heure actuelle, les indemnités cumulées d’un élu sont plafonnées à 1,5 fois l’indemnité parlementaire de base, soit à 8 400 euros. René Dosière suggère d’abaisser ce plafond au niveau de l’indemnité parlementaire, soit à 5 600 euros. Les parlementaires qui continueraient à siéger dans les conseils départementaux ou régionaux ne percevraient aucune indemnité locale. S’ils siègent dans des conseils d’administration et de surveillance d’établissement autorisés, ils ne recevront aucune rémunération.
5. Encadrement des fonctions de conseil pour un parlementaireL’affaire Fillon – qui a mis au jour la création par l’ex-premier ministre d’une société privée de conseil, 2F Conseil, quelques jours avant de redevenir député, en 2012 – a mis en lumière le risque de conflits d’intérêts entre un mandat public d’intérêt général et les intérêts privés. Aujourd’hui, un parlementaire peut continuer à exercer des activités de conseil, à condition que celles-ci aient débuté avant l’élection. René Dosière propose que ce ne soit plus possible sauf si ces activités étaient exercées dans le cadre d’une profession soumise à un statut réglementé, comme celle d’avocats.
6. Suppression de la « réserve parlementaire »La mesure proposée par le député est radicale. René Dosière se prononce pour la suppression de la « réserve parlementaire », cette pratique qui consiste, pour les parlementaires, à « attribuer à des associations et à des collectivités des subventions prélevées sur les budgets ministériels ».
7. La transparence imposée au président de la RépubliqueRené Dosière dépose une proposition de loi organique pour imposer aux candidats à la présidence de la République de fournir une déclaration d’intérêts et d’activités les concernant ainsi que leur conjoint. La déclaration de situation patrimoniale, qui est elle déjà prévue par les textes, se voit, elle, étendue au conjoint.
S’agissant du président élu, la déclaration de situation patrimoniale qu’il doit fournir à la fin de son mandat (ou du deuxième mandat, en cas de réélection) ferait l’objet d’une appréciation par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Actuellement cette déclaration est publiée au Journal officiel mais ne fait l’objet d’aucune appréciation.
8. Une moindre rémunération pour les anciens présidentsDans le paquet de mesures, figure une proposition de loi constitutionnelle pour mettre fin à la présence de droit (et à vie) des anciens présidents de la République au Conseil constitutionnel, dont la justification est controversée. Le député propose aussi de fixer leur rémunération d’ancien président à 75 % de celle du président en exercice, la dotation d’ancien président datant de 1955 étant supprimée. Une telle réforme reviendrait à baisser la rémunération globale de 40 % par rapport à la situation actuelle.
9. Interdiction des emplois familiauxLa proposition de loi présentée par M. Dosière laisse le soin aux parlementaires de « définir les conditions de recrutement, de rémunération et d’exercice des fonctions de collaborateurs parlementaires, par le biais d’une négociation sociale ». Mais elle interdit tout emploi familial lié à l’un des membres de l’assemblée concernée. Une mesure très attendue par l’opinion publique, après l’émoi créé par l’affaire Fillon sur les emplois fictifs présumés dont aurait bénéficié son épouse Penelope Fillon, entre 1986 et 2013, et deux de leurs enfants. La même interdiction de recrutement familial est étendue aux cabinets et groupes politiques des collectivités territoriales.
10. « Des ministres à temps plein »Alors que François Hollande a imposé à ses ministres le non-cumul de leurs mandats avec « une fonction exécutive locale », le député de gauche dépose une proposition de loi constitutionnelle pour étendre cette interdiction à tout « mandat électoral ».
11. Renforcement de la déontologie à l’Assemblée nationaleRené Dosière propose d’inscrire dans le règlement de l’Assemblée nationale que « les fonctions de déontologue sont exercées à plein-temps ». Les pouvoirs du déontologue seraient dans le même temps renforcés, notamment en matière de contrôle de l’indemnité représentative de frais de mandat (IRFM) et des indemnités de fonction complémentaires attribuées à certaines autorités de l’Assemblée nationale.
Personnage clé du Parlement, garant des règles et de l’éthique, le déontologue pourrait, par exemple, consulter le compte bancaire dédié à l’usage de l’IRFM, « sans que le secret bancaire puisse lui être opposé ». S’il constatait « une utilisation inadaptée », « le montant des sommes dépensées serait retenu sur l’indemnité du parlementaire fautif par décision du Bureau, après audition de l’intéressé ».
Ainsi, dans le respect de l’indépendance de l’Assemblée nationale, serait garantie une utilisation de l’IRFM conforme à son objet, estime l’élu.
Les dons et cadeaux supérieurs à 150 euros, ainsi que les voyages à l’initiative de tiers, qui doivent aujourd’hui être simplement signalés au déontologue, seraient rendus publics, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
12. Instauration d’une « responsabilité financière des gestionnaires publics »La proposition de loi reprend les dispositions du projet de loi « portant réforme des juridictions financières », adopté en septembre 2010 par la commission des lois de l’Assemblée nationale mais resté inabouti. Celles-ci rendent passibles de la Cour des comptes les membres du gouvernement et les titulaires de fonctions exécutives locales ainsi que les membres de leurs cabinets « qui bénéficient aujourd’hui d’un régime d’irresponsabilité ». De ce fait, la Cour de discipline budgétaire et financière serait supprimée. En cas d’engagement d’une dépense en dehors des règles, une amende financière s’appliquerait, dont le montant maximal pourrait atteindre, selon le degré de gravité, entre la moitié et la totalité de la rémunération annuelle des personnes concernées.
En savoir plus sur
http://www.lemonde.fr/politique/article ... pyuqZgB.99 Bon, Moi ces sujets m'intéressent depuis un moment. Tout cela va dans le bon sens, mais J'ai toujours été opposé à cette dictature de la transparence telle qu'on la voit depuis plusieurs années. Je trouve particulièrement intrusive, presque voyeur, cette manie que les journalistes - et les français - ont pris d'aller reluquer de près le patrimoine de leurs candidats pour éviter on ne sait quoi. De plus, pour ceux qui sont mariés sous le régime de la communauté, cela expose les conjoints qui la plupart du temps n'ont rien demandé à tout ça. Il me semble qu'une déclaration détaillée de patrimoine vérifiée par les services compétents et traitées comme des données fiscales, c'est à dire de manière confidentielle suffise. En cas de manquement, la sanction tombe, mais publier tout ça, non.
Sur l'obligation pour tout candidat d’avoir un casier judiciaire vierge et d’obtenir un quitus fiscal pour tout élu, pourquoi pas, mais sur la "probité", on pourrait tout simplement obliger un élu à remplir les mêmes conditions que les fonctionnaires qu'ils dirigeront, ni plus, ni moins. Et d'ailleurs, au delà du statut de l'élu qu'il devient urgent de créer, que les régimes de retraites et autres particularités soient supprimés: les élus cotisent dans les mêmes conditions que les agents contractuels de leur administration avec exactement les mêmes droits et avantages en matière de retraite et autres.
Sur les limitation du cumul des mandats dans le temps, il faudrait prévoir une exception pour les toutes petites collectivités qui galèrent déjà à trouver des élus (genre inférieur à 1000 habitants) et réfléchir à l'idée d'étendre les interdictions à l'ensemble des membres des conseils locaux (municipaux, départementaux et régionaux) et non aux seuls exécutifs car les exécutifs locaux sont souvent en pratique dirigés par le taulier du coin même s'il n'en a pas le titre (cf tous les maires fantôches au profits des parrains qui tirent les ficelles dans l'ombre).
La moralisation du cumul des indemnités, c'est bien et la loi sur le cumul des mandats devrait faire tomber la détestable pratique des écrêtements qui chez certains (cf Balkany) relevait du racket légalisé. Mais il faut aller plus loin en réformant l'Indemnité représentative de frais de mandat des parlementaires soit en conditionnant son versement à un contrôle indépendant, soit en la remplaçant purement et simplement par un système de notes de frais, comme il en existe partout. Les députés avaient refusé il y a quelques années le contrôle. Pour mémoire, il s'agit d'une somme allouée pour couvrir les faux frais et qui est accordée en intégralité d'office et sans le moindre contrôle de qui que ce soit. Par ailleurs, les permanences parlementaires ne devraient pas être autorisées à siéger dans des locaux dont le parlementaire est propriétaire. Aujourd'hui, les parlementaires peuvent obtenir des facilités bancaires cautionnées par le Parlement pour l'acquisition d'un bien immobilier où y installer sa permanence. Sauf que lorsque le mandat s'en va, le bien reste dans le patrimoine immobilier du parlementaire. Donc les permanences sont soit louées soit achetées directement par le Parlement dans chaque circonscription et mises gratuitement à disposition du parlementaire pour l'usage exclusif auxquelles elles sont destinées. Idem pour les dotations pour matériel informatique dont le devenir n'est pas toujours lié à une activité parlementaire.
L'interdiction des emplois familiaux, c'est bien, mais ça pose plusieurs problèmes. D'abord, pas certain que ce soit bien constitutionnel. Ensuite, il va se passer ce qui existe déjà au Parlement Européen, c'est à dire l'emploi croisé: tu embauches ma femme, j'embauche la tienne. Donc question plus compliquée que ça.
Surtout, il est urgent (depuis plusieurs années cela dit) de réformer profondément le statut des attachés parlementaire, ou plutôt d'un créer un. Dans ce cadre, le député Molko propose de créer des "cabinets parlementaires" avec une composition imposée pour répondre aux différentes missions: aide juridique, conseil politique, gestion administrative et logistique, communication et relation aux citoyens. La partie juridique serait obligatoirement assurée par une personne qualifiée en droit et l'identité des autres collaborateurs publiée avec leurs missions. Et surtout, ils ne seraient pas embauchés par le parlementaire mais par le Parlement, détachés auprès de l'élu (n'est-ce pas Ségolène ?).
Sinon, sur la responsabilité financière, on soumet les élus et responsables des partis politiques en charge de ces questions au même statut que les fonctionnaires régisseurs, c'est à dire avec une responsabilité financière personnelle. Et hop, ils vont vite se calmer sur les malversations et la fameuse hypocrisie "oui, j'ai triché, mais y'avait pas d'enrichissement personnel".