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Le Net, grand traître du commerceRepérer en magasin puis acheter en ligne est devenu une habitude pour beaucoup. A tel point que tout l’écosystème du secteur en est ébranlé. - Cliquez ici pour faire apparaître le contenu caché
Toys’R’Us abdique. L’enseigne américaine de jouets a annoncé, lundi 18 septembre, s’être placée sous la protection du chapitre 11 de la loi américaine sur les faillites. La chaîne aux 1 600 magasins ne parvient plus à rembourser ses dettes. Comme d’autres ténors de la distribution américaine, dont les grands magasins Macy’s, RadioShack ou feu l’enseigne Sports Authority, Toys’R’Us est confrontée à la concurrence du Net ; la Toile, qui, en quelques années seulement, a raflé 13,7 % des ventes de jouets aux Etats-Unis, a essoré ses ventes et, par conséquent, grevé sa capacité à honorer ses échéances de remboursement.
La défaillance du numéro un mondial du jouet dit tout de la féroce concurrence qu’impose l’e-commerce à la distribution d’antan. Car, partout dans le monde, repérer en magasin le jouet dont rêve un enfant pour Noël, comparer son prix depuis son smartphone, pour finalement l’acheter en ligne à moindre coût et se le faire livrer à temps est devenu un sport national.
Mode, produits électroniques, bricolage ou jouets : aucun secteur n’y échappe. Amazon, le numéro un mondial de la vente en ligne, serait toujours le grand gagnant de ce comportement. Près de 60 % de ceux que l’on appelle des showroomers finissent par acheter sur la plate-forme du géant américain aux 136 milliards de dollars (114 milliards d’euros) de chiffre d’affaires, affirmait déjà une étude réalisée en 2013 aux Etats-Unis.
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A Paris, depuis trois ans, le magasin Zig et Puce avertit ses clients du risque de ce showrooming qui cantonne un point de vente au seul rôle de salon d’exposition de modèles. Sur les étagères de cette petite boutique du 15e arrondissement, Gilles Georgieff et Esperanza Peindo, gérants, ont collé une affichette jaune. Ils l’ont intitulée « Showrooming » : « Profiter de nos compétences pour ensuite acheter sur Internet, c’est d’abord nous manquer de respect et aussi un mauvais calcul pour l’avenir », peut-on y lire.
L’affichette a été punaisée il y a trois ans. Pas question de l’enlever. « Il faut que les clients sachent les dommages qu’entraîne leur achat sur Amazon, après avoir profité de notre conseil ! Moi, je ne vis pas d’amour et d’eau fraîche ! », s’agace M. Georgieff. Car, plus que jamais, la pression du Net se fait sentir dans les allées des magasins. « C’est l’effet smartphone. Il est devenu naturel de consulter un site Web alors qu’on fait du shopping », observe Frank Rosenthal, consultant en marketing. Comparer les prix
Au cours du deuxième trimestre 2017, l’e-commerce a encore gagné du terrain. Les ventes ont progressé de 11 % sur cette période, d’après les chiffres publiés mardi 19 septembre par la Fédération e-commerce et vente à distance (Fevad). A périmètre comparable, sans tenir compte des sites créés sur la période, le bond du commerce en ligne ressort à 6 %. « C’est plus que la consommation dans son ensemble en France », observe Marc Lolivier, son délégué général. Et, sur cette période, la création de nouveaux sites n’a pas faibli. Il s’en est lancé près de 18 400 en un an. La France en compterait désormais plus de 208 000. Autant de sites qui incitent les consommateurs à comparer les prix et les services et à se convertir à la vente en ligne.
« En fonction des secteurs, de 2 % à 3 % des ventes basculent en ligne chaque année. Nous estimons que 10 % des ventes alimentaires et 50 % des ventes non alimentaires se feront sur Internet dans cinq ans », explique Bernard Demeure, directeur associé au sein du cabinet de conseil Oliver Wyman, spécialiste du secteur de la distribution. Selon la Fevad, l’e-commerce devrait générer 81,7 milliards d’euros de chiffre d’affaires à la fin de l’année.
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Combien de consommateurs auront alors tourné le dos aux boutiques et aux grandes surfaces ? Trois Français sur quatre déclarent « supporter de moins en moins de faire la queue dans les magasins », selon une étude Havas réalisée en juillet. Dès lors, toutes les enseignes revoient leurs méthodes de vente. La plupart proposent désormais à leurs clients de retirer en boutique une commande payée en ligne. Pour ce faire, « les distributeurs doivent, par exemple, renforcer leurs équipes de ventes en magasin, ou moderniser les modes de paiement », ajoute Jean-Marc Liduena, associé senior chargé de la consommation chez Deloitte. Nouveau type de point de vente
Certains distributeurs multiplient aussi les efforts pour inciter leurs clients à pousser la porte de leurs magasins. Boulanger est ainsi en train de déployer un nouveau concept : l’enseigne propose à ses clients de tester des articles dans une petite boutique de 300 m², baptisée Le Comptoir Boulanger.
Inauguré à Merlimont (Pas-de-Calais) en 2016, puis en mars à Wasquehal (Nord) et en juillet à Amiens, ce concept permet au client de tester tous les articles disponibles à la vente, et notamment cet électroménager dont désormais 17 % des ventes se concluent en ligne, selon GfK. Dans le secteur de la mode – lui aussi chamboulé par le Web – Zadig & Voltaire cajole ses clients du Net. A Paris, dans son nouveau magasin de la rue Cambon, une partie de son personnel est employée à leur accueil.
« Les transactions récentes démontrent aussi combien les commerçants ont pris conscience qu’il n’est plus possible de n’être que virtuels ou que physiques. Il leur faut être omnicanal. Amazon a mis la main sur Whole Foods. Walmart a passé un accord avec Google Shopping. Les Galeries Lafayette rachètent La Redoute », détaille M. Demeure.
Les sites dits pure players ne sont pas en reste. Beaucoup investissent dans l’ouverture de boutiques. Peu après son lancement en 2010, Made.com, site de ventes de meubles, a ouvert un showroom de 850 m² à Paris. Les clients peuvent ainsi « s’asseoir » dans ses canapés design et toucher ses tissus. Mais la grande majorité des ventes se réalisent en ligne, concède Jessica Ifker-Delpirou, sa directrice générale.
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Plus récemment, Sézane a ouvert un « appartement » à Paris. Les clientes de cette success story de la mode en ligne peuvent y essayer ses vêtements et les payer. Mais elles ne repartiront pas avec. Tout leur sera livré ultérieurement. LDLC a lui aussi emprunté ce chemin. Né sur le Net, le spécialiste de la vente d’ordinateurs est en train d’ouvrir des boutiques. Il en exploite 26 en France. Et espère en aligner une centaine en 2021.
Pourquoi ? A en croire Olivier de la Clergerie, le showrooming est « aussi une chance ». « Du moment que le client reste sur le site et le magasin d’une seule et même enseigne », explique le cofondateur de cette enseigne, aujourd’hui cotée en Bourse. Le spécialiste des produits de beauté Feelunique.com a lui aussi ouvert des boutiques, notamment pour pouvoir vendre des marques de parfumerie qui lui refusaient la vente en ligne. « Les consommateurs peuvent passer des heures sur un site pour finalement acheter en magasin ou inversement traîner dans une boutique pour finaliser leur achat en ligne », philosophe son dirigeant, Joël Palix.
Quel sera l’impact sur le paysage de la distribution française ? Le showrooming pourrait faire naître un nouveau type de point de vente. « Un magasin sans stock, plus petit et au personnel de vente moins nombreux », imagine M. Liduena. Ce ne sera pas sans risques sociaux. « Comme pour toute autre industrie qui subit la numérisation », juge l’associé senior chargé de la consommation chez Deloitte.
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La menace est réelle dans les rues commerçantes et les zones commerciales de périphérie. « La France compte 800 000 commerces », rappelle Pascal Madry, directeur de l’Institut pour la ville et le commerce. Et, à l’en croire, à force, le showrooming « risque de déstabiliser les comptes d’exploitation des enseignes qui ne seraient appelées qu’à gérer des points de vente sans consommateur ». Les centres commerciaux en seraient aussi victimes. « Il y a une surcapacité de surfaces commerciales. La consommation ne croît que très légèrement. La vente en ligne se développe fort. L’équation n’est pas bonne. Ils vont au-devant de problèmes », reconnaît M. Demeure.
Une perspective que, selon l’Institut pour la ville, les collectivités locales négligent trop. « Les communes en sont encore à opposer commerces de centre-ville et de périphérie ! Mais le sujet n’est plus là », juge M. Madry. Le risque résiderait dans la dématérialisation du commerce.
Au risque de faire mon STB éhonté cet article du monde m'a fait penser à un ancien échange que j'avais eu ici avec Benco notamment, en ce qui concerne Amazon et l'envie que j'ai de voir disparaitre le commerce de proximité. Le paradigme que je décrivais à l'époque commence sérieusement à se mettre en place on dirait, vivement que ça accélère ! Pour ceux que ça intéresse de faire un peu d’archéologie forumistique on discutait de tout ça dans ce même topic ICI et puis aussi LÀ et pour finir par ICI.
_________________ « Les capitalistes nous vendront la corde avec laquelle nous les pendrons. »Влади́мир Ильи́ч Улья́нов This is such a mind fuck.
Dernière édition par Karibou le 23 Sep 2017 23:05, édité 1 fois.
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